Brain-car (projet)

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Dona
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Brain-car (projet)

Message par Dona »

Bonjour,


J'avais écrit ce texte ( Brain-car ) pour un format d'une page. Il s'agit d'un texte de science-fiction.
Je fais l'essai de l'étoffer, c'est-à-dire d'en faire 8 pages au lieu d'une.
Les difficultés sont nombreuses mais je persévère. Je manque cruellement de connaissances techniques pour ce sujet mais je suis en train de me documenter. Et le plus difficile est de trouver le rythme : alternance de dialogues, soliloques et descriptions)
Quel est le but de ma démarche ?
C'est simple : j'ai envoyé ce texte à deux revues dont les appels à texte correspondaient bien au sujet.
Dans les deux cas, j'ai eu des réponses enthousiastes mais aussi un bémol de taille : "Trop court" !
J'ai téléphoné aux deux types en question : " Trop court ! Texte très intéressant mais on ne peut pas publier ce format ".
Voilà, j'essaie donc une nouvelle expérience d'écriture. :)

Pour les courageux, je poste 4800 caractères et des brouettes (à peu près quatre pages, la suite viendra plus tard).
Merci pour vos remarques éventuelles. Je suis preneuse de tout conseil, des reproches aussi si vous en avez :)
Si vous n'avez pas de temps, je comprendrai, je suis moi-même souvent débordée par tout ce qu'il y a à faire :)


*************




BRAIN-CAR


Personne n'aurait pensé que c'était possible. Pourtant, c'est vrai.

Il y a un silence écrasant ici. Disons que tout le monde peut se taire au même moment, au même endroit et ça peut durer des heures.
Parfois c'est le contraire. Il y a le bruit des machines, le bruit des ordinateurs, le bruit des instruments électroniques qu'on teste tous les jours, le bruit du personnel qui s'agite dans les laboratoires.
Et puis il y a les bruits humains. Des cris. Des cris déchirant le silence qui règne sur cette grande bâtisse. Je sais pas d'où ça vient mais j'entends. Des cris de gens, des cris de torture, des pleurs de femmes, des pleurs d'enfants, des bruits de bêtes. Des bruits qui crèvent le silence. C'est comme une forêt enneigée, silencieuse et soudain éventrée par une meute de cavaliers qui sonnent l'hallali. J'ai vu ça quelque part en images.
Un enfer sonore. Et je ne peux rien faire. Ni boucher mes oreilles, ni me libérer des chaînes qui emprisonnent mes membres, ni courir, ni secourir, ni fuir.

C'est le matin, je crois.
J'entends des bruits de pas, de conversations, des bruits de clés. C'est le matin quand on entend le bruit des clés.
Il y a des sensations que je n'ai plus. Par exemple, je ne ressens plus le froid. Je n'ai jamais chaud non plus. Je détecte les sons et je vois parfaitement. D'ailleurs, ma capacité visuelle semble être décuplée. Je m'en suis rendu compte parce que la nuit, dans ma cellule, je vois. Même lorsque tout est éteint, je vois.
C'est étrange. J'observe les murs blancs et nus, la fenêtre à barreaux métalliques, mon lit en acier peint, le sol, un dallage marbré de brun, la porte cadenassée. J'aperçois les différentes strates circulaires des couches de peinture au plafond, les minuscules stries qui griffent l'aluminium du peu de meubles disposés ça et là. Pendant des heures entières, je contemple les effets marbrés qui se mêlent au blanc des carreaux, par terre. Je me délecte à scruter ces entrelacs de formes vagues, veinées de brun, fondues dans un camaïeu de blanc. Parfois, j'y vois des insectes, des animaux, des fleurs, des villes même. Mon imagination court, s'amplifie de rêves et de visions : c'est le seul endroit où elle peut s'exercer. Le dallage de ma chambre est devenu la seule évasion possible.
Je ne faisais jamais attention à ce genre de détails avant. Jamais je n'aurais pensé qu'on puisse s'évader autant en observant un revêtement de sol.
Je peux penser des heures. C'est difficile de penser pendant des heures quand on se voit comme ça. J'aurais préféré qu'on m'empêche de penser à tout ce que je n'ai plus. Et puis il y a la souffrance. Mais ça doit faire partie du protocole. C'est pour ça que je préfère regarder le dallage de ma cellule et me mettre à rêver.

— Génome B08-78.
— B08-78. Contrôle.

C'est ça : ils sont là, c'est le matin.
Ça va commencer.
Je n'ai plus jamais faim non plus. Ni soif. Je ne sais pas de quelle manière on me sustente. Je ne peux pas demander, je ne parle plus. Ça m'est arrivé comme ça. Du jour où on m'a enfermé ici, chez Garwdwith, j'ai perdu l'usage de la parole.
Je sais ce qu'ils en train de faire, j'ai l'habitude : ils effectuent les diagnostics du début de la journée. Ils font ça le soir aussi. Je coûte cher.

— Contrôle effectué. Pas de signes émotifs particuliers. Pouls normal. Pression cardiaque, ok. Pompe effective.
— Bien. On y va.

Est-ce pour aujourd'hui ?
J'ai hâte d'en finir.
Comme tous les matins, on m'emmène dans la salle d'essai. Dans les immenses couloirs et comme tous les jours, je croise du regard les échantillons vivants du laboratoire : des gorilles amputés, des dizaines de rats aveugles, bicéphales, tricéphales, des femmes-tronc, des enfants devenus complètement autistes, des robots de l'ancienne génération, obsolètes. Un monde mutique au désarroi visible. Mais ça suinte de peur. Tout signe de rébellion déclenche un châtiment. Tout signe d'émotion nécessite une répression. Que sommes-nous ici ? Rien.

Le portail magnétique écarte ses énormes vantaux. Tout est blindé. Les ondes électriques, le réseau informatique, le champ magnétique pourraient faire exploser une ville entière s'ils entraient en convergence.

— La manipulation du génome B08-78 est opérationnelle Madame..
— Ah ? Très bien ! Testons, testons !

Le génome B08- 78, c'est moi.
Voilà ce que je suis : le prototype le plus performant de la nouvelle expérience des labos Garwdwith, une industrie high-tech, la plus chère du monde.
La Garwdwith, sur ses petits escarpins qui claquent, c'est la directrice, une ancienne politique corrompue qu'on a remisée au placard. Du moins c'est ce qu'on pensait. Son placard, c'est un immense réservoir voué à la science et au progrès.
Personne ne sait ce qu'elle fabrique. Faut être à l'intérieur pour comprendre. Elle a une couverture la Garwdwith : fabrique d'humanoïdes militaires et domestiques au service du Gouvernement. Pour le reste, personne ne sait.
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Montparnasse
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Re: Brain-car (projet)

Message par Montparnasse »

Mais tu es déchaînée ! :) Bien sûr que nous lirons. Poste-le en feuilleton, ce sera bien. Merci !
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Dona
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Re: Brain-car (projet)

Message par Dona »

Merci Montparnasse ! :coeur:


Il y aura donc quatre épisodes... à condition que je me penche sur les villes du futur ,disons dans 100 ans et sur le projet scientifique Brain-car à proprement parler! Déjà que je suis nulle en mécanique... les moteurs du futur devront livrer leurs secrets pour moi ! :mrgreen:
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Re: Brain-car (projet)

Message par Dona »

C'est ma respiration l'écriture... et comme je reprends demain, je suis plus active que jamais...
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Re: Brain-car (projet)

Message par Liza »

Respire... aspire... souffle...
Dans cent ans, les moteurs seront électriques (dixit notre président), comment produira-t-on l'électricité ?
Pouvons-nous imager la terre et la mer couvertes d'hélices d'éoliennes.
Toute les toitures recouvertes de capteurs.
Ou simplement une pile atomique pour chacun ?

L'homme sera-t-il devenu un fainéant à la tête de robots à son service faisant le travail à sa place.
Existera-t-il des capteurs remplaçant avantageusement les yeux défaillants ?

Tout est imaginable et, si nous prenons en compte les avancées depuis cinquante ans !
La réalité dépassera l'imagination la plus folle d'aujourd’hui.

Celui qui pourra le dire est peut-être né...
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
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Montparnasse
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Re: Brain-car (projet)

Message par Montparnasse »

D'autant plus que nous vivrons 600 ans d'après ce que disent certains médecins (dans quel état ? Minéral ?) ce qui est beaucoup moins que les premiers héros de la Bible. Nous régressons...
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Dona
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Re: Brain-car (projet)

Message par Dona »

La SF, c'est la projection de tous les fantasmes scientifiques et technologiques des hommes : médecine digitale, nano-ingénierie, éternité de l'existence!...
J'aime beaucoup ce registre.

Je manque cruellement de données techniques pour cette nouvelle mais je ne désarmerai pas ! :)


.......................................................

EXTRAIT 2


Brain-car


" Je me parle tout le temps parce que personne ne me fait la conversation ici.
Les hommes en blanc qui travaillent ne m'adressent pas la parole. Ils parlent du génome B08-78, ils effectuent des tests et des contrôles sur le B08-78, ils vérifient la motricité et l'activité cérébrale du B08-78 mais ils ne me voient pas, ne me regardent pas, ne m'adressent pas la parole.
J'ai cessé d'essayer de communiquer. J'ai cessé d'essayer de bouger, de crier, de pisser.


— Ses données ont-elles été toutes enregistrées ?
— Oui madame Garwdwith. Nous avons dupliqué sa mémoire et son patrimoine génétique.
— Bien. Nous avons donc l'assurance que si le sujet présente une déficience neurologique, nous pouvons le réinitialiser rapidement ?
—Tout à fait madame !
— Créez un point d'ancrage à partir d'aujourd'hui : il faut continuer à enregistrer ses réactions, surtout maintenant.
— D'accord madame.
— Diagramme encéphalique ?
— Normal, madame.
—Diagramme émotionnel ?
— Instable. Les oscillations indiquent un léger bouleversement.
— Très bien !
— Assurément madame Garwdwith.
— Le fonctionnement de la pompe est-il réellement au point ? Sans conteste possible ?
— Tout est opérationnel madame Garwdwith.
— Par conséquent, le jumelage est terminé ?
— Oui madame.
— C'est parfait ! Prévenez Mac Wells, nous commencerons aujourd'hui.


Cette garce de Garwdwith arbore un sourire de satisfaction. C'est ça qu'elle veut : faire réussir ses expériences, à n'importe quel prix.


Mac Wells ? Le responsable technique... Il ne recule devant rien lui non plus. Je sais ce que sont ces deux-là : un couple de pourritures, une association de malfaiteurs qui massacrent, mutilent et torturent des cobayes jusqu'à la réalisation de leurs concepts technologiques qui valent des fortunes. A qui les vendent-ils ? A d'autres pourritures pour qui le mot « humanité » a disparu en même temps que ses valeurs fondamentales.
La Garwdwith, quand elle était ministre du Plan Social de l'Urbanisation, avait mis en place une série de mesures destinées à tout bonnement évincer les pauvres peuplant les villes. La paupérisation des centres-villes entraînait des tas d'insalubrités. Il fallait avoir un sacré paquet de pognon quand on voulait vivre en hauteur, avec les jardins suspendus et toute la domotique moderne. Avoir une télé virtuelle, des hologrammes hyper modernes et des robots ménagers, de la bouffe en pilules coûtait vraiment un paquet de blé. Si on habitait en bas, en plus de la pollution, on n'avait droit qu'à des baraquements en ruines. Pas d'eau chaude, plus de lumière, pas de laser intégré. Pour se nourrir, fallait travailler. Les pauvres ne travaillaient pas. En plus de leur misère, faut dire qu'ils n'étaient pas reconnaissants. On leur allouait des tickets alimentaires, vestimentaires, sanitaires mais ça ne suffisait jamais. C'est ça qu'elle disait la Garwdwith : « Les pauvres, non contents d'être assistés, dévalisent nos magasins, agressent nos citoyens, détruisent nos jardins, pillent nos logements. Il faut les loger ailleurs et assurer le calme dans nos cités. Nous avons de grandes cités ! Gardons-les intactes, gardons-les fortes, gardons nos citadelles ! Elles abritent le savoir, elles recueillent notre argent, elles accueillent nos chercheurs et nos étudiants, elles protègent les mères et leurs enfants, elles donnent du travail aux pères qui nourrissent leurs familles, elles sont l'exact reflet de notre idéal social : paix, travail et force ! »

Une foule de gens applaudissaient ces conneries. Je crois bien que Christa en était. Je crois bien qu'elle aussi avait oublié de regarder à combien s’élevaient tous ces tickets qu'on donnait aux pauvres. C'était des sommes dérisoires qui ne couvraient même pas le tiers des besoins d'une famille. Et la ministre voulait les faire déguerpir en plus. Les emmener vivre en -dehors des cités équivalait à les faire vivre dans des déserts arides et sauvages.
Ses opposants l'appelaient la Ministre du Cercueil.
L'exode des miséreux avait commencé en juin. En octobre, on dénombrait plusieurs centaines de morts, le recensement avait publié les chiffres. Ça avait provoqué des émeutes tellement réprimées par les Brigades que le gouvernement l'avait virée la Garwdwith. Ça risquait trop de dégénérer et de remettre en cause la Présidence. Et on l'avait remisée au placard, la ministre.

— B08-78. Dans le box de dopage. Faut attendre le chef de circuit. On y va.
— C'est les mêmes que ce matin. Là faut attendre dans une voie de garage. Il n'y a rien à regarder par terre, j'ai juste à regarder des tas de tuyaux et des tas de machines.
C'est le branchement de la batterie, j'aime pas ça. C'est pas la première fois.

Les gars en blanc parlent entre eux, à moitié rigolards. Je me suis toujours demandé de quelle manière on pouvait rire devant la souffrance des autres. Faut vraiment qu'on soit arrivé à la banaliser. C'est incroyable ce que le pouvoir d'une autorité peut légitimer pour des gars comme ça : des gens ordinaires, des laborantins ou des infirmiers sans grande importance et tout d'un coup, la Gardwith leur donne l'occasion de devenir les maillons indispensables d'une expérience révolutionnaire. Ils savent qu'ils font mal mais ils ont le droit de le faire. L'autorité scientifique conditionne et légalise leur cruauté naturelle qu'ils exercent sans vergogne. Pourtant, moi, je ressemble encore à un homme. Pas eux.

L'un des gars se retourne parce que j'essaie de marmonner un truc. C'est presque inaudible. Même les bruits de bouche, j'ai du mal à les faire. Des fois, j'essaie de mouvoir mes deux lèvres et de faire un rond, un peu comme faisait Chlora quand elle était bébé. Chlora faisait des tas de trucs avec sa bouche, elle gazouillait comme personne, on était obligés de la prendre dans nos bras tellement elle était mignonne. Des fois, je me souviens de son babil et de ses mimiques, alors je tente de faire pareil... mais ça ne vient pas. Ça ne vient pas.


— BO8-78, alerte. Activité buccale spontanée. Sujet actif. Contrôle.
— Contrôle en cours.

Les deux types plantent leurs quatre yeux dans les miens ; ils enfoncent aussitôt une sonde au fond de mon oreille. J'ai horreur de ça. Ça fait mal.
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