Rêve de crime

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Dona
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Rêve de crime

Message par Dona »

J'ai participé à un atelier d'écriture aujourd'hui, le thème était orienté sur l'écriture du genre "policier", voici ce qui en est ressorti.

Objectif : écrire un texte noir
Contrainte : pas plus d'une page
Personnage principal : une femme
Est-elle sympathique, compréhensible, défendable ? ... A voir.



REVE DE CRIME

J'ai juste envie de lui démonter sa petite gueule. Je ne veux pas forcément qu'elle meure. Je veux juste qu'elle disparaisse, je ne veux plus la voir. Je ne veux plus voir ses yeux fardés, son sourire, sa petite jupe noire, son petit minois. Je ne veux plus. J'ai supporté, j'ai enduré, j'ai essayé mais je ne peux pas. Je ne veux plus la voir. Ne plus voir son sourire, ses petites dents de nacre qui scintillent dans la lumière, l'éclat de ses yeux bruns quand elle rit. Elle rit trop. Ses deux tresses adolescentes... Elle en a 30. Je veux qu'elle disparaisse. Ca fait des jours qu'il pleut. Même le soleil, vaincu par mon chagrin et mes larmes, même le soleil a fichu le camp. Je ne sais même pas s'il fait beau ou non. Chez moi, il pleut. J'ai le cœur d'un mollusque qu'on vient d'ouvrir dans sa coquille et qu'on pique au cure-dent pour estimer sa chair. Un coeur qui souffre. Je souffre. Je souffre trop pour que tout change maintenant. Je veux qu'elle disparaisse. Je ne peux plus vivre comme ça.

Comment dire ? C'est juste une amie pourtant. Mais elle est belle. Elle est de ces gens qui rient sans y faire attention, des optimistes enthousiastes étalant leur bonne humeur sans retenue, sans se soucier de savoir si les autres sont malheureux ou non. C'est humiliant des gens heureux qui rient devant des gens malheureux.
Je souffre. Dès que je l'ai vue, j'ai su : ce serait une rivale. Je ne peux pas lutter. Nous ne sommes pas à armes égales. Elle est belle, pas moi. Elle attire la sympathie, je suis d'un naturel renfermé. Elle a beaucoup d'amis, je n'en ai aucun. Elle est heureuse, je ne le suis plus depuis longtemps. C'est juste une amie, dit Eric mais moi, je ne le crois plus.

Tout le monde pense que je suis un être sage et calme, serein et méditatif. Je ne sens en moi que violence et désespoir. Je vis dans son sillage, dans l'ombre, à l'affût du moindre soupçon.
Quand Eric parle, tout le monde l'écoute, pose des questions, s'intéresse. Il monopolise l'attention, attirant l'auditoire par des joutes verbales, des mimiques drôlatiques, des intonations humoristiques. Tout le monde l'aime. Personne n'aime la tristesse, moi, je parle peu. Je vis dans l'ombre. Une éminence grise, qui complote. Et se venge.

Je veux qu'elle s'en aille, je ne veux plus jamais la voir.
Ce sera elle ou moi.

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— Elle est morte ! Paula est morte !
— Mon dieu ! Mais qu'est-il arrivé ?
—Elle a eu un accident de voiture ! Les freins ont lâché, elle roulait très vite !
—Mon dieu, mon dieu ! C'est arrivé quand ?
Eric est bouleversé. C'est drôle de voir un homme pleurer, son homme pleurer.
J'ai du chagrin moi aussi. Mais je pleure de le voir souffrir autant, et pour une autre femme que moi.
—Oh ! Ne pleure pas ma chérie, ne pleure pas !
Ses propos ne me réconfortent pas, j'ai trop souffert. Je ne peux même pas me réjouir, même pas, c'est trop sale.
—L'enterrement c'est jeudi. Jeudi, tu te rends compte ! Elle était encore là hier ! Fais attention à toi, fais attention à toi surtout ! larmoie-t-il en me serrant près de lui.

Mais je ne le crois plus. C'est le genre de paroles qu'on dit quand on est traumatisé par la mort d'un proche. D'un coup, on pense aux siens, imaginant le calvaire que serait une existence sans eux. Je ne le crois plus. Je me sens délivrée. Je ne peux pas me réjouir mais je me sens délivrée. On va pouvoir recommencer. Et tant pis si je ne le crois plus, au moins, il sera à moi.
Et la prochaine fois, je recommencerai. Désormais, je recommencerai à chaque fois.
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Dona
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Re: Rêve de crime

Message par Dona »

A la discussin sont ressortis les thèmes suivants :


- peut-on tout écrire ?
- quelle est la difficulté d'écrire dans ce registre ?
- que recherche le lecteur dans le genre policier ou série noire ou roman noir ?
- en quoi l'auteur a-t-il des comptes à rendre à soi-même ?

Et j'en passe...

Montp : à toi de voir si on le met en + de 18
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Liza
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Re: Rêve de crime

Message par Liza »

J'abandonne... J'avais répondu à toutes tes questions, pour envoyer j'ai fait comme sur le chat CTRL + Entrée j'ai tout perdu.
Je vais ronger mon os...
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Montparnasse
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Re: Rêve de crime

Message par Montparnasse »

Ah bon, ça marche Ctrl + Entrée sur le chat ?

Tu aurais dû faire « Précédent » pour retrouver tes réponses, ça marche très souvent.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Rêve de crime

Message par Liza »

Oui ça marche à la place du petit bouton. C'est mieux pour moi !

J'ai fait sans résultats ! Je devrais taper dans mon éditeur et coller. Je le fais parfois pas toujours.
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Dona
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Re: Rêve de crime

Message par Dona »

Ah flûte Liza !...

Qu'est-ce que tu disais en gros ? :)
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Re: Rêve de crime

Message par Liza »

Flûte, je recommence :

Oui on peut tout écrire et écrire sur tout. Notre expression n’est limitée qu’en fonction du lectorat. Si ce que nous écrivons est au vu de tous, nous devons enrober (l’habiller d’une jolie robe, pas noyer dans le bitume) notre écriture dans des mots allusifs qui ne choquent personne. Une partie de cache-cache que j’aime pratiquer à l’occasion.

La difficulté est de monter la progression de l’histoire tout en évitant de laisser soupçonner la fin. Trouver une énigme et la développer en l’amenant vers une solution parfaitement imprévisible. Même pour les histoires dont la fin est connue dès le début. La façon d’arriver au début doit être une découverte.

Le lecteur cherche le mystère, la surprise. Le roman d’amour est trop « limpide » pour lui, il cherche l’embrouille. Le dépaysement aussi peut-être, un monde inconnu. Un bon roman policier, c’est celui dont l’on peut dire en le fermant : « je n’imaginais pas cette fin ».

L’auteur n’est redevable d’aucun compte, si ce n’est celui de distraire son lecteur. Son imagination s’exprime dans un texte, elle n’a rien d’incitatif. L’histoire littéraire est remplie de crimes et de tortures décrits par le menu.

La limite, il peut la fixer lui-même en rapport à ses idées et à sa censure personnelle.

Ma censure perso : être lue par tous, par n’importe où et devant n'importe qui. Je suis prude.

C’était mieux tourné le premier coup, c’est l’idée. Mon idée personnelle de gamine qui n’y connaît rien et se permet de donner son avis.
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Re: Rêve de crime

Message par Dona »

Oui mais justement...

Le problème? c'est "d'habiller d'une jolie robe" tous ces mots.
Je pars d'un exemple concret : par exemple, lorsque j'ai écrit "Monsieur Jousse (un texte SF avec des cannibales), ma belle-mère m'a dit : "Je n'aime pas ce texte, ça me donne une mauvaise image de toi". Ce n'est pas grand-chose mais ça m'a frappée. Lorsque j'azi écrit "Thanatis" (le serial kller), Montparnasse m'a fait comprendre qu'il fallait mettre dans la rubrique + de 18. Je n'y avais même pas pensé tant j'étais prise dans le texte.
Ceci pour dire que, comment explorer nos fantasmes, notre imaginaire sans choquer les uns et les autres. Au bout du compte, si on écrit des textes durs, noirs et sadiques par exemple, on se fabrique une image
Le lectorat public, c'est un autre mesure mais le lectorat personnel, famille et amis, c'est tout autre chose... Par exemple, j'ai pensé écrire certaines choses mais je me suis dit : "Je ne voudrais pas que ma mère ou ma fille lisent cela." De même, à cause de mon métier, je ne pourrais pas écrire certains textes. Ou alors sous pseudo. Mais du coup, pas de reconnaissance...

Enfin, c'est juste le début d'une réflexion...
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Re: Rêve de crime

Message par Liza »

La solution serait-elle d'écrire dans tous les registres pour éviter l'étiquette ou l'encasement ?
Nous avons l'habitude de classer les gens dans un domaine, sans tenir compte de leur diversité.
Lou, étant nègre a écrit des choses pas toujours avouables.
Je suppose qu'il préfèrent qu'elles soient signées par le commanditaire.

Ta mère pouvait dire « ce texte est bien écrit, toutefois, le sujet est affreux »

En famille, c'est différent « nous sommes dans le métier » si je peux dire.
J'ai à peu près tout écouté, même si ce n'était pas de mon âge.
Nous avons toujours fait la différence entre l'écriture et la personnalité de l'auteur.
Il faut juger l'auteur a sa plume à sa façon de l'écrire, le contenu est subsidiaire.
Pour le lecteur ordinaire, juger un texte pour la beauté de l'écriture en faisant abstraction du sujet, c'est difficile.

Je sais, ceci va à l'encontre de nos habitudes.
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Re: Rêve de crime

Message par Montparnasse »

Non, pour moi, tu dois écrire indépendamment de toute contingence. Rappelle-toi ce qu'écrivait Baudelaire pour préparer la défense de son procès :


Notes et documents pour mon avocat

Il y a plusieurs morales. Il y a la morale positive et pratique à laquelle tout le monde doit obéir.

Mais il y a la morale des arts. Celle-ci est tout autre, et, depuis le commencement du monde, les arts l’ont bien prouvé.


Et au-delà, cette citation célèbre qui résume tout :

L'art poursuit un but étranger à la morale.


Notes et documents pour mon avocat

Cette morale-là irait jusqu’à dire : Désormais on ne fera que des livres consolants et servant à démontrer que l’homme est né bon et que tous les hommes sont heureux. Abominable hypocrisie.


Projets de préface pour une édition nouvelle des Fleurs du mal

Ce n’est pas pour mes femmes, mes filles ou mes sœurs que ce livre a été écrit ; non plus que pour les femmes, les filles ou les sœurs de mon voisin. Je laisse cette fonction à ceux qui ont intérêt à confondre les bonnes actions avec le beau langage.

Je sais que l’amant passionné du beau style s’expose à la haine des multitudes ; mais aucun respect humain, aucune fausse pudeur, aucune coalition, aucun suffrage universel ne me contraindront à parler le patois incomparable de ce siècle, ni à confondre l’encre avec la vertu.

Des poètes illustres s’étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poétique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du Mal. Ce livre, essentiellement inutile et absolument innocent, n’a pas été fait dans un autre but que de me divertir et d’exercer mon goût passionné de l’obstacle.

Quelques-uns m’ont dit que ces poésies pouvaient faire du mal ; je ne m’en suis pas réjoui. D’autres, de bonnes âmes, qu’elles pouvaient faire du bien ; et cela ne m’a pas affligé. La crainte des uns et l’espérance des autres m’ont également étonné, et n’ont servi qu’à me prouver une fois de plus que ce siècle avait désappris toutes les notions classiques relatives à la littérature.

(...)

(C. Baudelaire, 1961 ?)
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