Europe A

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Aureplume
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Europe A

Message par Aureplume »

Ils posèrent pied sur la surface du satellite. L’ère du tourisme stellaire débutait et elle était glacée. Sur la banquise d’Europe, les bikinis étaient proscrits et maillot de bain rimait avec des tenues trop grandes, trop grosses, trop blanches. Au moins, personne ne manquerait de glaçons dans son martini, se surprit à penser Michael. Émerveillé par la beauté de l’espace, de Jupiter, et par la situation qui l’avait propulsé de son Oregon à l’assaut de l’astre galiléen, il ne pouvait ni mettre de détails sur le voyage ni sur les démarches qui avaient permis cette aventure. Il était là avec ses collègues et ils allaient passer trois mois loin du soleil, à seulement dix kilomètres de la mer en dessous de leurs pas.

Les chercheurs étaient récompensés pour leurs travaux qui avaient permis en l’espace de six années de modifier les navettes spatiales et de rendre accessible à l’humanité tout le système solaire. La vitesse des déplacements avait été décuplée, les vaisseaux les plus performants atteignaient Mars en une journée.
Son entreprise avait reçu le sésame et pavanait à toutes les conférences spatiales du globe. Il était logique quand la question du tourisme se posa sur la table, que les premiers billets furent offerts à la troupe prestigieuse. On rendait à César une feuille de laurier et on laissait la couronne aux actionnaires comme il est courant de procéder dans ce cas.

Ils ne restèrent pas longtemps à glisser sur la banquise. Un semblant de maître d’hôtel les attendait. Pour l’instant son costard était assorti aux tenues des visiteurs et son visage se résumait à une visière qui reflétait le paysage blanc et la lumière solaire. Il les invita à venir le rejoindre, agitant ses bras en un salut ; salut le plus enthousiaste que sa combinaison pouvait permettre et qui se résumait à faire une brasse dans l’air. Derrière l’astronaute se trouvait un dôme qui laissait entrevoir des végétations : les premiers légumes de l’espace poussaient. Michael le savait déjà : le reste de l’installation était souterraine et le maître des lieux allait les inviter à s’engouffrer dans les entrailles du satellite.

Ils descendaient dans la station, et ce que Michael n’avait pas vu venir, c’est que le guide avait une tête et des gestes que trop familiers pour lui. Ils avaient ôté leurs casques et le doute s’était insinué : il connaissait ce visage à la mâchoire ferme et aux yeux sombres, cette chevelure brune, grisonnante sur les tempes et cette barbe courte, un style impeccable. Le quadragénaire avait des allures de star Hollywoodienne et c’était sûrement pourquoi son visage titillait Michael. Il les avait salués :

« Bonjour messieurs-dames, j’espère que vous avez fait bon voyage ! Bonjour Michael, suivez-moi je vais vous montrer la salle.
- H… »

Aucun son n’arrivait à s’échapper et l’exclamation de Michael mourut. Dans la tête du chercheur, tout devint flou. La seule image qui y résidait était la tête du guide qui l’emmenait dans la salle. Quand il avait accentué ce nom, Michael en avait perçu l’image, l’instant d’après il était dedans. Il ne sut pas comment ses pieds et le reste de sa carcasse avaient atterri dans la pièce. Le groupe était sûrement derrière lui et allait arriver mais pour le moment il était seul avec leur hôte. Il détacha son regard de la belle gueule pour s’attarder sur son environnement.

C’était une pièce circulaire, criblée de fenêtres du même genre : des hublots. Il s’attarda sur la vue que les lucarnes offraient : de l’eau… Pas un aquarium non ! De l’eau à perte de vue : un océan … impossible. Il ne fut même pas surpris quand il crut voir un mouvement aquatique. Il posa de nouveau ses yeux sur la pièce. L’autre était assis derrière un bureau et attendait les yeux perdus dans le vague. Tout autour d’eux, un énorme bazar. Des piles de papiers étaient entreposées à même le sol, ainsi que des jouets et des chaises, certaines renversées. Michael reconnu le nounours dont la tête frôlait son pied. C’était son Pierrot, une peluche de son enfance. Dans le bureau, il y avait des copies, Michael en était certain… Elles étaient tâchées d’un rouge rageur, celui qu’il inscrivait avec son stylo Waterman. En face de lui, le visage de l’homme se déforma dans un rictus narquois, sa forme avait changé et Michael fit face à son jumeau dément :

« C’est nul, nul, NUL ! D pour le papier et l’encre ! »

Il hurla, et il ouvrit les yeux. Il s’était endormi devant la télé, chaîne d’info en continu. Le « guide » à la belle gueule était interviewé : John Morrow, chercheur en aéronautique ; l’homme qui avait piqué et les idées et le rêve de Michael. Pourquoi avait-il fallu qu’il croise sa route étudiant ?
Depuis trois mois, les vols vers Europe se multipliaient. Depuis trois mois, l’imposteur se pavanait et on avait eu l’audace de lui offrir un voyage spatial. Depuis trois mois, Michael, professeur de physique de seconde zone, revivait ces vacances fictives. Cela faisait dix-huit semaines que les copies n’avaient pas eu de meilleurs résultats que C.
"Peindre en pleine forêt, c'est le rêve de n'importe quel fumeur de pétards !" T.
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Aureplume
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Re: Europe A

Message par Aureplume »

Dona : Bon Aureplume... je te sers un peu du réchauffé mais ce que j'ai dit sur ton texte ailleurs est toujours valable ici donc je le réécris...


J'aime bien cette phrase : "Ils posèrent pied sur la surface du satellite. L’ère du tourisme stellaire débutait et elle était glacée." Je trouve que l'adjectif donne une "couleur locale" franche et nette : glacée, c'est pire que glaciaire. Dans un sens, on a l'impression que ce n'est pas que la planète Europe qui est glacée mais également le mode de vie imposé, les relations entre les personnes... En généra, j'aime assez bien les images que tu tricotes ! (je pense au texte sur la danseuse !..)

J'ai beaucoup apprécié l'écriture, stylée et claire, des quatre premiers paragraphes, je me sentais vraiment dans le texte. Ensuite, je me suis un peu perdue et je n'ai pas compris la fin...

C'était un texte intéressant. Peut-être gagnerait-il à être repris sur la fin. Les cauchemars dont on s'éveille bernent un peu le lecteur, il se sent parfois un peu trahi.

J'ai hâte de lire tes autres fictions !:)

Ce que j'aime dans les sujets imposés, c'est surtout le fait de voir de quelle manière ont traité le sujet. L'imagination n'a ps de limites!
Montparnasse : Pour m'amuser j'ai calculé la vitesse de ton vaisseau censé aller sur Mars en une journée. Plus de 3 millions de km/h, soit 113 fois la vitesse de libération terrestre. Mais, pour être franc, je ne sais pas du tout où on en est actuellement.

J'aime bien ce genre de sujets, ça me donne envie de lire Jules Verne et d'autres auteurs plus récents comme Herbert, Azimov, Bradbury, Dick. Connais-tu Radix ? Pour moi, la SF n'est pas un genre littéraire mineur. C'est peut-être mon goût pour les sciences qui m'influence. Qu'en pensent les autres qui n'ont pas eu un cursus scientifique ?

Ton style est propre, efficace. La lecture est agréable, je trouve que c'est ton texte le plus maîtrisé (le plus sage aussi ?) en dehors de ta production poétique. Peut-être est-ce l'univers qui te convient le mieux ? Une écriture sage dans un environnement de SF ou de Fantastique plutôt que l'inverse :)

Peut-être : « professeur de physique de second ordre » plutôt.

Merci pour ce texte. ;)
Aureplume : 3 millièmes de la vitesse de la lumière... c'est bien ce qu'il faudrait pour aller passer des vacances sur Europe ! :mdr1:

Je ne dis pas que c'est réalisable, c'est bien de la SF ;)

Du reste je suis content que le style t'ai plu et que tu aimes ce texte. C'est l'un des plus récent effectivement, j'aime bien savoir que mon écriture s'affirme.

zone fait gagner un caractère (Dona comprendra la pirouette ;)).

Quant à la SF, je ne suis pas un grand lecteur du genre. Je suis plus de le fantastique pour ce qui est de l'imaginaire.
Néanmoins les films du genre m'ont toujours attirés.
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