Poésies (mont)parnassiennes

En vers ou en prose !
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Montparnasse
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Tout aussi tot que je commence à prendre
Dens le mol lit le repos desiré,
Mon triste esprit hors de moy retiré,
S'en va vers toy incontinent se rendre.

Lors m'est avis que dedens mon sein tendre
Je tiens le bien, où j'ay tant aspiré,
Et pour lequel j'ay si haut soupiré
Que de sanglots ay souvent cuidé fendre.

Ô dous sommeil, ô nuit à moy heureuse !
Plaisant repos plein de tranquilité,
Continuez toutes les nuiz mon songe :

Et si jamais ma povre ame amoureuse
Ne doit avoir de bien en verité,
Faites au moins qu'elle en ait en mensonge.

(Louise Labé, (1524-1566))
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Tant que mes yeus pourront larmes espandre
A l'heur passé avec toi regretter :
Et qu'aus sanglots et soupirs resister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre :

Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignart lut, pour tes graces chanter :
Tant que l'esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toy comprendre :

Je ne souhaite encore point mourir.
Mais quand mes yeux je sentiray tarir,
Ma voix cassee, et ma main impuissante,

Et mon esprit en ce mortel sejour
Ne pouvant plus montrer signe d'amante :
Prirey la Mort noircir mon plus cler jour.

(Louise Labé, (1524-1566))
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Loustic »

Ce poème rejoint mon état d'esprit. Vivre vieux, je suis partant avec une santé satisfaisante. Vivre pour ne profiter rien hormis les douleurs, autant prier pour attirer la faucheuse !
Le nègre en littérature c'est un blanc qui travaille au noir pour un écrivain marron ! (Popeck)
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Celui-ci tombe à pic pour te remonter le moral ! :bouquet:

Baise m'encor, rebaise moy et baise :
Donne m'en un de tes plus savoureux,
Donne m'en un de tes plus amoureus :
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise.

Las, te pleins tu ? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslans nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de l'autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra.
Permets m'Amour penser quelque folie :

Toujours suis mal, vivant discrettement,
Et ne me puis donner contentement,
Si hors de moy ne fay quelque saillie.

(Louise Labé, (1524-1566))
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Tu as l'art pour trouver de vieux poèmes. Le français a évolué, je m'en rend compte, l'ordi sais le lire. Il prononce moille pour moy, soille pour soy.

Beau poème, le temps ne compte pas finalement.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Liza a écrit :Tu as l'art pour trouver de vieux poèmes. Le français a évolué, je m'en rend compte, l'ordi sais le lire. Il prononce moille pour moy, soille pour soy.
C'est vrai, en mettant ça, je n'ai pas pensé que ça pouvait poser des problèmes à ta liseuse (Virginie ? ou Facétie ? je ne sais plus comment tu l'appelles...) Il faut que tu lui apprennes à lire le français du XVIème siècle. Pour l'école lyonnaise et pour la Pléiade.

Je l'avoue, cette Louise Labé m'a envoûté. Nous filons le parfait amour depuis l'été dernier. Je n'aime que les femmes écrivains mortes depuis plusieurs siècles. Toutes des féministes ! Plus près de nous, j'ai succombé à Virginia Woolf, disparue il y a 75 ans. Une jeunette en somme...

Veux-tu que je transcrive un de ces poèmes en langage virginien ? J'ai presque oublié.
Beau poème, le temps ne compte pas finalement.
Nos coeurs sont des théâtres où les comédiens échafaudent des rêves pour l'éternité.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Dans Windows 10, ce n'est plus Virginie, c'est Julie.
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Montparnasse
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Soit. En voilà un, consacré à la séparation, qui se conclut par d'amiables (de douces et gracieuses) retrouvailles, que je laisse tout entier aux soins de Julie :

On voit mourir toute chose animée,
Lorsque du corps l'âme subtile part ;
Je suis le corps, toi la meilleur part :
Où es-tu donc, ô âme bien-aimée ?

Ne me laisse pas si longtemps pâmée
Pour me sauver après viendrais trop tard,
Las ! ne mets point ton corps en ce hasard :
Rends-lui sa part et moitié estimée.

Mais fais, ami, que ne soit dangereuse
Cette rencontre et revue amoureuse,
L'accompagnant, non de sévérité,

Non de rigueur, mais de grâce amiable,
Qui doucement me rende ta beauté,
Jadis cruelle, à présent favorable.

(Louise Labé, (1524-1566))
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Elégie

D'un tel vouloir le serf point ne desire
La liberté, ou son port le navire,
Comme j'atens, helas, de jour en jour
De toy, Ami, le gracieus retour.
Là j'avois mis le but de ma douleur,
Qui finiroit, quand j'aurois ce bon heur
De te revoir : mais de la longue atente,
Helas, en vain mon desir se lamente.
Cruel, Cruel, qui te faisoit promettre
Ton brief retour en ta premiere lettre ?
As tu si peu de memoire de moy,
Que de m'avoir si tot rompu la foy ?
Comme ose tu ainsi abuser celle
Qui de tout tems t'a esté si fidelle ?
Or'que tu es aupres de ce rivage
Du Pau cornu, peut estre ton courage
S'est embrasé d'une nouvelle flame,
En me changeant pour prendre une autre Dame :
Jà en oubli inconstamment est mise
La loyauté que tu m'avois promise.
S'il est ainsi, et que desjà la foy
Et la bonté se retirent de toy,
Il ne me faut emerveiller si ores
Toute pitié tu as perdu encores.
O combien ha de pensee et de creinte,
Tout aparsoy, l'ame d'Amour ateinte !
Ores je croy, vu notre amour passee,
Qu'impossible est, que tu m'aies laissee,
Et de nouvel ta foy je me fiance
Et plus qu'humeine estime ta constance.
Tu es, peut estre, en chemin inconnu
Outre ton gré malade retenu.
Je croy que non : car tan suis coutumiere
De faire aux Dieus pour ta santé priere,
Que plus cruels que tigres ils seroient,
Quand maladie ils te prochasseroient,
Bien que ta fole et volage inconstance
Meriteroit avoir quelque soufrance.
Telle est ma foy, qu'elle pourra sufire
A te garder d'avoir mal et martire.
Celui qui tient au haut du Ciel son Empire
Ne me sauroit, ce me semble, desdire :
Mais quand mes pleurs et larmes entendroit
Pour toy prians, son ire il retiendroit.
J'ay de tout tems vescu en son service,
Sans me sentir coulpable d'autre vice
Que de t'avoir bien souvent en son lieu
Damour forcé adoré comme Dieu.
Desja deus fois, depuis le promis terme
De ton retour, Phebe ses cornes ferme,
Sans que de bonne ou mauvaise fortune
De toy, Ami, j'aye nouvelle aucune.
Si toutefois, pour estre enamouré
En autre lieu, tu as tant demeuré,
Si say je bien que t'amie nouvelle
A peine aura le renom d'estre telle,
Soit en beauté, vertu, grace et faconde,
Comme plusieurs gens savans par le monde
M'ont fait à tort, ce croy je, estre estimee.
Mais qui pourra garder la renommee ?
Non seulement en France suis flatee,
Et, beaucoup plus que ne veus, exaltee.
La terre aussi que Calpe et Pyrenee
Avec la mer tiennent environnee,
Du large Rhin les roulantes areines,
Le beau pais auquel or' te promeines
Ont entendu — tu me l'as fait à croire —
Que gens d'esprit me donnent quelque gloire.
Goute le bien que tant d'hommes desirent,
Demeure au but où tant d'autres aspirent,
Et croy qu'ailleurs n'en auras une telle.
Je ne dy pas qu'elle ne soit plus belle :
Mais que jamais femme ne t'aymera,
Ne plus que moy d'honneur te portera.
Maints grans Signeurs à mon amour pretendent,
Et à me plaire et servir prets se rendent.
Joutes et jeus, maintes belles devises
En ma faveur sont par eus entreprises :
Et, neanmoins, tant peu je m'en soucie,
Que seulement ne les en remercie :
Tu es, tout seul, tout mon mal et mon bien :
Avec toy tout, et sans toy je n'ay rien :
Et, n'ayant rien qui plaise à ma pensee,
De tout plaisir me treuve delaissee,
Et, pour plaisir, ennui saisir me vient.
Le regretter et plorer me convient,
Et sur ce point entre en tel desconfort,
Que mille fois je souhaite la mort.
Ainsi, Ami, ton absence lointeine
Depuis deus mois me tient en cette peine,
Ne vivant pas, mais mourant d'une Amour
Lequel m'occit dix mille fois le jour.
Revien donq tot, si tu as quelque envie
De me revoir encor'un coup en vie !
Et si la mort avant ton arrivee
Ha de mon corps l'aymante ame privee,
Au moins un jour vien, habillé de dueil,
Environner le tour de mon cercueil.
Que plust à Dieu que lors fussent trouvez
Ces quatre vers en blanc marbre engravez :

PAR TOY, AMI, TANT VESQUI ENFLAMMEE,
QU'EN LANGUISSANT PAR FEU SUIS CONSUMEE,
QUI COUVE ENCOR SOUS MA CENDRE EMBRAZEE,
SI NE LA RENS DE TES PLEURS APAIZEE.


(Louise Labé, (1524-1566))
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Evocation du coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte (futur Napoléon III) à l'aube du second empire.

Cette nuit-là

Trois amis l’entouraient. C’était à l’Élysée.
On voyait du dehors luire cette croisée.
Regardant venir l’heure et l’aiguille marcher,
Il était là, pensif ; et rêvant d’attacher
Le nom de Bonaparte aux exploits de Cartouche,
Il sentait approcher son guet-apens farouche.
D’un pied distrait dans l’âtre il poussait le tison,
Et voici ce que dit l’homme de trahison :
« Cette nuit vont surgir mes projets invisibles.
Les Saint-Barthélemy sont encore possibles.
Paris dort, comme aux temps de Charles de Valois.
Vous allez dans un sac mettre toutes les lois,
Et par-dessus le pont les jeter dans la Seine. »
Ô ruffians ! bâtards de la fortune obscène,
Nés du honteux coït de l’intrigue et du sort !
Rien qu’en songeant à vous mon vers indigné sort,
Et mon cœur orageux dans ma poitrine gronde
Comme le chêne au vent dans la forêt profonde !

Comme ils sortaient tous trois de la maison Bancal,
Morny, Maupas le grec, Saint-Arnaud le chacal,
Voyant passer ce groupe oblique et taciturne,
Les clochers de Paris, sonnant l’heure nocturne,
S’efforçaient vainement d’imiter le tocsin ;
Les pavés de Juillet criaient à l’assassin !
Tous les spectres sanglants des antiques carnages,
Réveillés, se montraient du doigt ces personnages
La Marseillaise, archange aux chants aériens,
Murmurait dans les cieux : aux armes, citoyens !

Paris dormait, hélas ! et bientôt, sur les places,
Sur les quais, les soldats, dociles populaces,
Janissaires conduits par Reibell et Sauboul,
Payés comme à Byzance, ivres comme à Stamboul,
Ceux de Dulac, et ceux de Korte et d’Espinasse,
La cartouchière au flanc et dans l’œil la menace,
Vinrent, le régiment après le régiment,
Et le long des maisons ils passaient lentement,
À pas sourds, comme on voit les tigres dans les jongles
Qui rampent sur le ventre en allongeant leurs ongles
Et la nuit était morne, et Paris sommeillait
Comme un aigle endormi pris sous un noir filet.

Les chefs attendaient l’aube en fumant leurs cigares.

Ô cosaques ! voleurs ! chauffeurs ! routiers ! bulgares !
Ô généraux brigands ! bagne, je te les rends !
Les juges d’autrefois pour des crimes moins grands
Ont brûlé la Voisin et roué vif Desrues !

Éclairant leur affiche infâme au coin des rues
Et le lâche armement de ces filons hardis,
Le jour parut. La nuit, complice des bandits,
Prit la fuite, et, traînant à la hâte ses voiles,
Dans les plis de sa robe emporta les étoiles
Et les mille soleils dans l’ombre étincelant,
Comme les sequins d’or qu’emporte en s’en allant
Une fille, aux baisers du crime habituée,
Qui se rhabille après s’être prostituée.

(V. Hugo, Les Châtiments)
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