UN ESSAI SUR LA LIBERTE ? L'homme qui ne pouvait pas vivre sans bateau.

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EricSimon
Merle chanteur
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UN ESSAI SUR LA LIBERTE ? L'homme qui ne pouvait pas vivre sans bateau.

Message par EricSimon »

J'ai écrit ce texte pour alimenter le contenu d'une chaîne Youtube (1). Il retrace le parcours d'un grand homme, qui a écrit un livre qui a beaucoup compté pour moi, sur plusieurs plans. Le but de cet article est aussi de donner envie à ceux qui le lisent de se plonger dans les pages de cet ouvrage fondamental, le livre de sa vie : La longue Route. Le livre de notre vie aussi.

Un beau jour cet homme a quitté volontairement l'Europe, en disant non à la gloire qui le guettait, à l'argent qu'il n'avait plus qu'à se baisser pour le ramasser, à tout un ensemble de fausses valeurs qui en réalité ne faisaient plus partie de lui. Il a pris cette décision après plusieurs mois de mer en solitaire sur son bateau, sur lequel il a commencé à rédiger cette Longue route. Au fil des chapitres il nous fait découvrir la mer, la solitude, la méditation, les éléments, les oiseaux, les dauphins, la pureté... c'est un des premiers à avoir parlé d'écologie. Vous l'avez peut-être déjà reconnu, son nom est Bernard Moitessier (2).
Moitessier était à la fois un grand marin, un philosophe, poète mystique aussi, né à Saïgon en 1925. Aujourd'hui il a quitté la terre et la mer. J'avais 15 ans quand j'ai fait sa connaissance. Il est devenu mon ami pour toujours. Le 22/08/68 (année symbolique) il quitte l'Angleterre pour disputer la toute première édition de la grande course autour du monde en solitaire et sans escale, Plymouth/Plymouth par les caps. Après plus de six mois en mer, alors qu'il double le cap Horn largement en tête, il s'apprête à remonter vers l'Europe par l'Atlantique sud et empocher son prix (forte récompense en argent). Mais méditation sur méditation, il décide de laisser tomber (3). Plus il réfléchit, et plus il se rend compte qu'il n'y a que sur son bateau qu'il est vraiment heureux. A l'aide d'un lance-pierre (il a refusé d'embarquer une radio !), il envoie atterrir son message sur le pont d'un cargo de passage : « Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme ». C'est le début de la légende. De celui qui a dit non à la civilisation, à la société de consommation, à l'abrutissement quotidien par la télé, (etc, etc...), et c'est le premier pas vers une nouvelle existence sur les îles du Pacifique. Au lieu d'aller chercher son prix et la somme colossale du vainqueur, il s'assoit dessus, reprend le chemin de la Polynésie et reconstruit tout là-bas.
Puis (sur une toute petite machine à ruban Remington !) il met la dernière main à son livre, La Longue Route, commencé au cours de sa traversée, que tous les marins un jour on lu et se sont refilé de bateau en bateau. C'est certainement, avec Les Rêveries du promeneur solitaire (J-J Rousseau), le livre qui m'a donné envie de ne pas devenir un mouton. De m'éveiller à la nature (et aussi à l'écriture). Un grand bol d'air salutaire qui m'a peut-être sauvé la vie. Et qui nous ramène aussi vers le doux parfum des livres de Monfreid, Tabarly, Gerbault, navigateurs et indécrottables de liberté eux aussi... Alors je me devais de vous en parler : Lisez et relisez La Longue Route de Bernard Moitessier. Et faites tourner !

- (1) Chaîne youtube "Ne soyez pas si bêêête", d'un libre-penseur, dont le pseudo est "Mouton lucide".
- (2) J'invite les plus curieux à lire son parcours exceptionnel en détail (les différents bateaux qu'il a construits de ses propres mains, ses livres, ses nombreux voyages, les hommes et femmes qui l'ont côtoyé, etc) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Moitessier
- (3) Quelques moments précieux de sa traversée sont filmés par Moitessier sur son bateau (Joshua), à l'aide d'une petite caméra super-8 :
https://www.youtube.com/watch?v=T0mqpWwvzW4 (2:16)
https://www.youtube.com/watch?v=Ptmn0L-LSqE (8:01)
https://www.youtube.com/watch?v=G6uc1I24iIg (14:27)
- (4) J'en profite ici pour indiquer la "connivence" indéniable qui existe entre Moitessier et les écrivains de la "Beat generation" (Kerouac pour le voyage, Watts pour les philosophies orientales, Ginsberg pour la poésie, etc...) dont Wiki ne parle pas (5), mais qui selon moi occupent une grande place dans l'esprit du navigateur tout au long de sa vie de marin, et d'homme de la Terre. Un futur sujet à développer peut-être...
- (5) Il y avait un livre sur le yoga dans la bibliothèque du bateau de Bernard : mon idée personnelle est que ces pages ont certainement joué un rôle de (lent) déclencheur dans l'esprit du navigateur, et dans sa décision de ne pas rejoindre le continent ! Le fameux lâcher-prise.
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Dona
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Re: UN ESSAI SUR LA LIBERTE ? L'homme qui ne pouvait pas vivre sans bateau.

Message par Dona »

Ah merci pour ce sujet ! Je ne connaissais pas u tout ce personnage ni même son livre. Je ne m'intéresse pas à ces navigateurs... Ce qui m'intéresse c'est plutôt cette envie de liberté qui prend certains individus jusqu'à quitter tous leurs repères, à se couper du monde... Je trouve cela hallucinant.

Une autre question: comment concevez-vous votre "prise de liberté" ? De quelle manière effectuez-vous vos "lâcher prise "? (ça se dit?)

Si vous répondez, je répondrai aussi.:)
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EricSimon
Merle chanteur
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Re: UN ESSAI SUR LA LIBERTE ? L'homme qui ne pouvait pas vivre sans bateau.

Message par EricSimon »

Chère Dona,
Ben... je croyais qu'on se tutoyait !?! Vous me dîtes "vous" alors que tu me disais "tu"... (lol)
Le lâcher-prise, la première fois que j'en ai entendu parler, c'était il y a une trentaine d'années, rue des cinq diamants dans le 13e (quel nom merveilleux), dans son dojo, par Sensei Teisen Deshimaru, fondateur du zen soto en Europe. Pour ne pas être trop long, disons que c'est laisser les pensées passer, sans s'attacher à elles, c'est faire le vide en soi. Se calmer de nos trépidations quotidiennes. Se détacher de la souffrance. Ne pas avoir peur de mourir.
Illumination ! en écrivant cette dernière phrase : à l'instant je comprends pour quoi Deshimaru disait : "faire zazen, c'est apprendre à entrer dans son cercueil." Pendant longtemps je me suis ressassé sa phrase en pensant qu'il exagérait un tout petit peu. Mais je l'ai gardée en moi, compte tenu du fait que les maîtres zen utilisent parfois des "trucs" pour réveiller les esprits qui dorment. Notre "civilisation" nous anesthésie, et nous coupe de nous-même, de notre vraie nature. Et aussi de la Nature (majuscule) et du cosmos, avec lesquels on peut tenter de se reconnecter à travers la méditation, comme je le fais.

Merci Dona, et merci Spleen : en répondant à une simple question j'ai compris un point essentiel du zen. Peut-être le plus important...

[ Je pourrais aussi ajouter que sur la route du zen on apprend à reconnecter le corps et l'esprit : en grandissant, en intégrant l'éducation qu'on nous donne, progressivement on détache l'un de l'autre. Ce qui n'est pas très bon (maladies, souffrance). Alors qu'on peut penser, tout comme on peut apprendre, par le corps. C'est pour cela que faire zazen, c'est d'abord la posture. Et comme par hasard, des siècles plus tard, les scientifiques occidentaux découvrent que 90% de l'information que nous recevons l'est par l'inconscient et les 10% restants seulement par le conscient... A telle enseigne que l'intuition, c'est le mental qui se sert de la perception corporelle pour comprendre une situation qui en temps normal nous échappe ]

Notre civilisation n'est pas mauvaise en soi, mais par les valeurs qu'elle porte elle est une des causes principales de la souffrance.
Moitessier en prenant le large, a pris aussi le large de la civilisation et des souffrances qu'elle engendre pour la plupart d'entre nous, par le jeu des fausses valeurs que sont l'argent, la gloire, l'ego, le rejet de l'autre, piquer la place du voisin, etc.. C'est pour ça qu'il a écrit : En renonçant (à revenir en Europe), j'ai sauvé mon âme.

J'espère que j'ai répondu à tout...
Bonne soirée
Eric
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Dona
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Re: UN ESSAI SUR LA LIBERTE ? L'homme qui ne pouvait pas vivre sans bateau.

Message par Dona »

Je comprends... sans adhérer. Je n'admire pas.

Pour moi, les valeurs sont à créer là où l'on est. Ce genre de "larguer les amarres" semble être une fuite. J'imagine bien qu'on puisse me contredire sur ce sujet. Peut-être suis-je trop attachée à l'aspect matériel de mon existence: je suis une sédentaire pure et dure et je vis dans l'accumulation des objets, entre autres.
C'est un peu confus dans mon esprit ce genre de choses... mais je crois que le bonheur, la réalisation et toutes ces choses, on les a avec soi et le désir de les accomplir où que l'on se trouve...
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Montparnasse
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Re: UN ESSAI SUR LA LIBERTE ? L'homme qui ne pouvait pas vivre sans bateau.

Message par Montparnasse »

Je ne connaissais pas l'histoire de Moitessier. Très intéressant.
Je suis très proche des conceptions du boudhisme même si je n'adhère à aucun dogme, aucune croyance religieuse. J'ai volontairement exclu le boudhisme de mon brûlot antireligieux "Le M......t".
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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