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Montparnasse
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Message par Montparnasse »

Raccourcis

I
II
III
IV
V
VI - Eternel (non publié)
VII - Femme
VIII - Terra Incognita
IX
X - Dream On (I)
XI - L'Etang
XII - Aubade
XIII - Solitude
XIV - La Tendresse
XV - Amazone
XVI - Dream On (II)
XVII - Relégation
XVIII - Toi
XIX - Paysages

...se trouvent dans le premier message, sous le sommaire. Les liens vers les « bribes » sont donnés au-dessus ou au-dessous.

XX - Frégate
XXI - From Fear to Eternity
XXII - Ouvre ton front d'opaline
XXIII - Louise Labé
Lorsque tu es à genou...
A la femme qui dort près de moi...
XXIV - We were born to fly
XXV - Le Delph
XXVI - Terre 2.0
XXVII - Square Joffre
XXVIII - La Forêt
XIX - Camille
XXX - Totem
XXXI - La Fuite de la lune
XXXII - Le M......t (non publié)
XXXIII - Dans un globe de cristal
XXXIV - La Poésie des sentiments
XXXV - Athéna
XXXVI - Pénélope
XXXVII
XXXVIII
XXXIX - The Loch Ness
XL - Adeline
XLI - Les Marquises
XLII - La Prophétie
XLIII - La Cafetière d'or
XLIV - La Pluie (1ère version)
XLV - La Pluie (2ème version)
XLVI - La Clepsydre d'argent
XLVII - Madagascar (I)
XLVIII - Madagascar (II)
XLIX - Madagascar (III)
L - 16 septembre 2015


Femme

Tu es l'inconnue et l'abîme de ma conscience,
Tu vis dans un monde où je ne puis entrer.
Je connais l'angoisse de t'aimer sans pouvoir te toucher ;
Mon cœur pourtant déborde de plaisir et de joie
Quand tu te meus en chimère tout auprès de mon âme.

J'attends avec ferveur d'être délivré par toi
Mais ne redoute rien d'autre que cette heure
Où je voudrai me coucher le long de ton corps chaud,
Où je prendrai ta main à ma bouche caressée ;

J'y conduirai la mienne dans tes cheveux ambrés
Pour transporter au ciel d'enivrantes effluves.
Retenant ta taille pour y creuser une arche,
J'en sentirai la souplesse et l'excitante vigueur.

Resté aux portes d'un fleuve indompté,
J'aurai noyé mes yeux dans les tiens
Comme dans ceux d'une panthère qui se voudrait docile.

Tu me rêvais conquérant ? Je resterai calme et apaisé.
Baigné par ton odeur, esclave de ton cou délicat,
Je serai comme un parfum endormi dans les plis de tes draps,
Et n'aurai pas profané par le corps la joie de t'aimer.




Terra Incognita

Humanity

I

Quand l'homme aura bu tout le sang de la terre,
Egrainant sur sa route les métastases d'un cancer fécond,
Que l'océan aura baigné ses pieds de larmes de mazout,
Que l'air saturé d'oxydes et de chlore
Aura brûlé ses poumons comme de l'amadou,
Que la terre offensée recrachera sur lui
Les subtils poisons dont il l'aura nourrie,
Il cherchera à accoster un rivage neuf.

Mais la fortune seule favorisera ses rois
Et abandonnera la multitude à une vie sans espoir.

Ceux-là appareilleront pour d'idéales contrées
Où la nature intacte sera de la terre le souvenir ;
Continents fantastiques flottant dans l'éther froid,
Océans peuplés d'innocentes et voluptueuses créatures...

II

Insolents voyageurs !
Que pensiez-vous trouver loin de votre mère blessée ?
Qu'avez-vous fait de ses enfants, vos frères ?
Pourquoi avoir quitté le sein qui vous a enfantés ?

Fille de la Terre, Déesse implacable,
Ne les laisse pas aborder les rives enchantées ;
Fais que leur esquif soit drossé à la côte
Afin que leur race maudite disparaisse à jamais !

Ceux qui parviendront au terme du voyage,
Ne trouveront, en guise d'Eldorado,
Que les prémices de leur terre délaissée ;
De vastes plaines arides exhalant l'ammoniaque,
Des lacs d'acide bordés de rochers calcinés.

Qu'ils marchent sur ce sol incertain,
Parsemé d'épines venimeuses et de gouffres cachés !
Une atmosphère de fournaise écrasera leurs pas
Faisant croître une canopée de fossiles édentés ;
Ils ne trouveront ici que de brûlantes charognes
Croupissant dans d'infernales demeures.

Une lumière rousse et malfaisante baignera
Ce pays de Gorgones, d'une teinte monochrome ;
Ne sortiront, des entrailles de cette terre,
Qu'une cohorte de larves putrides,
Nourrie par les fruits douteux d'une infecte floraison.

Hommes, vous regretterez alors la luxuriante beauté de la terre,
- Geysers, volcans, mers et torrents, montagnes et vallées,
Et un long remords viendra parcourir vos cœurs.




Dream On (I)

Au-dessus de la terre et de ses noirs paysages,
Je voyais défiler contre moi,
Des forêts incandescentes pleines de bêtes aux abois,
Des lacs miroitants bordés par des cratères de lave,
Des biches à l'œil effaré.

Sur tout, un soleil de minuit
Etincelait en feuilles d'argent.

Belle pâture, douce torpeur ;
Mon regard embrassait l'écheveau d'une terre connue :
Un oiseau songeur,
Des rivières bleutées qui empestent le marais,
Des nasses décomposées dans leur étang de sel.

Il me fallait trouver dans les méandres du rêve,
Dans la froide caverne où ma conscience se perd,
L'âme accueillante d'une déesse aux yeux pers,
Une créature originelle, source de vie,
Qui aurait voulu recueillir ma main.

Alors, oui ! J'aurais laissé mon corps
Plonger dans son âme secrète ;
Désir mystique et chaleur de femme,
Rayon phosphorescent traversant ses mains,
Cœur de chêne et chevelure caressante.
J'aurais approché de mes yeux,
Les lèvres d'une amazone armée et couverte de cuir
Serrant contre sa poitrine une myriade d'enfants nus.


Image

L'Etang

Je suis un étang de sel brûlé par le soleil ;
Deux vents de terre balayent incessamment mes eaux
Accrochant des étoiles et des rides à mon front.

Dérangé, je mugis et je gonfle mon dos
Comme une immense bête qui plie
Sous la force d'un impudent assaut.

Je suis une gorge profonde où la vie prolifère ;
Muges et Demoiselles sillonnent mon coeur de vase,
Les algues m'envahissent, mes fleurs sont maladives.

Quand le vent est marin,
Mes eaux gonflent et débordent mes rives ;
Des navires déploient leurs voiles comme des joues.

Sur mon rivage, les pontons font d'immenses plongeoirs,
Et de vieux tamaris s'inclinent
Respectueusement au-dessus de mes flots.

A proximité d'un phare, j'ai dessiné une anse,
Patient mélange de roche et de feuillage,
Dont l'indicible beauté saura troubler votre âme.

Je nourris une multitude d'oiseaux affamés ;
Mais aux goélands criards,
J'aurais préféré des hôtes plus discrets :
D'élégants flamands roses,
Dont je regarde passer, rêveusement,
Le vol doux et gracieux.

Du nageur fidèle, j'aime sentir la vigueur.
Alors que son esprit parcourt mon onde irréelle,
Il étend ses membres déliés et se pâme
Comme l'animal marin qu'il pense être.

(Je lui donne le droit de s'unir à moi,
Car, de cet amour, au moins, il ne se vantera pas.)

Des voiliers multicolores parsèment mes dimanches
Et jouent dans mes parcs à coquillages.

Le pointu du pêcheur leur cède le passage
Quand son capitaine a fini son devoir
Et que la sueur de son front
N'adoucit plus mes eaux.

J'ai oublié le nom des marins
Qui ont creusé des sillons sur mon dos,
Et ceux que la fortune a livrés à mes bras ;

Sirène, fais-leur entendre tes chants !
Offre-leur l'ivresse en même temps que la mort,
Et livre, à leurs yeux qui se ferment,
La voluptueuse beauté de ton corps.


Aubade

Si j'avais été un homme, je t'aurais faite reine ;
Tes yeux n'auraient jamais connu de larmes ;
J'aurais soufflé sur les soucis et les nuées
Pour qu'ils traversent le ciel sans effleurer ton front.

Oui, j'aurais aimé fondre mon âme dans la tienne,
Ma belle et douce amie ;
Mais le plus grand des poètes nous le dit,
Ce désir est singulier,
Parce que, rêvé par tous les hommes,
Il n'a été réalisé par aucun.

Ma gentille camarade,
Tu es fine et souple comme un lys,
Ta peau a la douceur de la soie
Et la couleur très orientale de ton pays ;
Ton sourire est un croissant de perles,
Et tes prunelles, deux charbons,
Baignant dans un nuage de lait.

Tes cheveux noirs brillent comme du jais ;
Souples et denses, retenus délicatement,
Ils retombent lourdement derrière tes épaules.

Ton air canaille me fait sourire ;
Viens donc te coucher près de moi.
Oh, je serai sage, vraiment.
— Tous les garçons disent ça
mais ils mentent, ces fripons !
Oh, mais tu le sais, dis-moi,
Que je ne suis pas un garçon.
— Oui ! Oui ! Alors, je viens !


Solitude

La solitude est un silence. Elle ne préfère ni le jour ni la nuit, ni le soleil ni la pluie. Elle entoure chaque bruit, chaque signe de vie, d'une gangue mystérieuse. Une fois réduits en d'insignifiants îlots, elle les plonge dans sa nuit.
La solitude possède un allié, c'est le temps. Un automate qui découpe nos vies en petits rectangles de papier, une mécanique froide qui fonctionne sans répit. Son compte est à rebours pour celui qui ne peut lui donner le change. Aimer, la véritable ivresse, est sa seule monnaie.

La solitude est une compagne qui ne porte pas dans ses bras le malheur. Elle offre de singuliers cadeaux à ceux qu'elle s'est amusée à perdre. Si votre âme se laisse bercer par une profonde et douce mélodie, par la beauté d'un paysage, si elle aspire à contempler les subtils raffinements de l'art alors vous savez de quoi je veux parler. L'art est un allié fidèle qui semble pouvoir nous faire oublier sa terrible maîtresse. C'est un lutteur dont la force nous enivre et nous éblouit, qui recouvre de sueur notre front et réchauffe notre cœur. Ce cœur froid qui bat la seconde et qu'aucune main amie ou aimante n'est venue dérégler depuis longtemps. L'art est un baume puissant sur ce cœur rouge et glacé : il s'est noyé dans son sang comme le soleil d'un crépuscule marin et, faute de ne plus être stimulé par aucun être humain, il semble se résigner à mimer le tic tac de l'horloge.

Quand nos mains, guidées par le hasard, consentent à ouvrir l'étui du violon - et qu'après avoir longtemps délaissé l'instrument, l'envie d'en jouer nous saisit - il nous semble entendre un vague et lointain soupir. Un parfum de bois vernis et de colophane envahit l'atmosphère. Nous sommes ramenés aux heures de l'enfance et nous sentons vibrer singulièrement notre âme. C'est à ce vieux camarade, tout marqué de coups et lustré par nos mains, que nous revenons quand nous sommes seuls et recherchons l'ivresse. Il n'est pas rancunier, nous attend patiemment, car il s'est habitué à notre infidélité. C'est lui, encore une fois, qui délivrera notre âme de son odieux fardeau et nous donnera la force de lutter contre la silencieuse malédiction.




La Tendresse

SLY

Si le soleil quitte tes yeux,
Si les miens plongent dans la nuit,
J'aimerais que nos pensées se souviennent
Que nos désirs et notre amour furent beaux.

Je voudrais que nos mains se rejoignent,
Et que la chaleur d'autrefois envahisse nos corps ;
Je voudrais jeter le mien en travers de tes cuisses,
Et comme avant, sentir la souplesse de tes muscles sur mon dos.

Me trouveras-tu encore assez de charme
Quand le temps posera un doigt contre moi ?
Verrai-je toujours en toi,
La jeune femme mince et délicate
Qui affichait tant de gaieté et de fantaisie
Quand la maturité puis la vieillesse
Auront touché ta peau ?

Je voudrais te faire rêver
A une idylle inachevée,
A une passion fraternelle
Qui abolit le corps mais demeure sensuelle,
Et qui baigne les âmes dans un parfum d'éternité.

Quand nous serons moins forts,
M'aimeras-tu encore ?
Si je n'ai plus la force de te porter
- Comme je le faisais avec tant de passion,
Me pardonneras-tu ma faiblesse ?

Si je ne retrouve plus dans ton visage,
La grâce et la délicatesse
Qui m'ont fait l'aimer,
Aurai-je dans le cœur assez de tendresse
Pour y déposer un baiser ?

Laisse flotter les boucles de tes cheveux près de mon front,
Et permets à mes larmes d'étoiler les abords de ton cou
Pour y semer d'agréables souvenirs ;
Je me rappellerai le charme et la douceur de tes bras,
Et la souplesse du ventre où j'ai posé si souvent ma joue.

Quand nos corps seront défaits,
Est-ce que nos cœurs toujours s'épanouiront ?
Parviendront-ils à s'enlacer
Et à vibrer à l'unisson ?
Me laisseras-tu poser mes lèvres sur tes rides
Pour y condamner les soucis ?
Arrêteras-tu mes caresses sur ta peau ?
Trouveras-tu à mes mains moins de sensualité ?

Je veux que notre amour se poursuive toujours,
Qu'il échappe à ce monde et à sa matérialité ;
Nos désirs seront plus purs
Quand ils s'affranchiront de cette fatalité.

Nos âmes, dans l'au-delà,
Se rappelleront-elles leurs étreintes passées,
Et, s'unissant encore une fois,
Sauront-elles se réchauffer
Et verser d'intemporelles larmes ?


Image

Amazone

Minha Selva

Alors que le jour décline sur la forêt qui bruisse,
Un marcheur égaré s'enfonce dans le maquis ;
Les yeux verts de l'amazone, telles deux agates,
Se sont posés sur lui.

Taille d'athlète et peau mate, elle tient gibecière au côté.
Plaise à cette créature, munie d'arc et de flèches,
Que l'intrus traverse son territoire
Sans qu'elle y trouve offense.

Dans cette profonde cathédrale, elle évolue sans peine,
Guidée par tous les sens vers le gibier qu'elle convoite.
Son corps fin et musclé, aux formes pleines,
Est celui du prédateur ultime.

Artémis lui a appris l'art de se parer de cuir,
D'apprêter le carquois et la tunique courte
Afin d'aborder silencieusement la proie qui hésite
Dans le lacis inextricable de sa jungle.

Sauvageonne insoumise, progressant à pied ou à cheval,
Elle donne à boire à celui qu'elle ne tue pas ;
Pour peu, qu'à ses désirs, il devienne docile.

Elle est chaste et fière, et d'une éclatante santé.
Son corps a la beauté étrange et fantastique d'un marbre
Qui s'illumine dans le clair-obscur.

Enfant de la lune comme Apollon l'est du soleil,
Elle perçoit l'animal nocturne grâce à d'abstraites sensations,
Et sait retrouver la trace de tous ceux
Qui s'enfuient lâchement à son approche.

Malgré sa jeunesse, elle connaît parfaitement
L'art de la chasse et de la pêche ;
Sa sarbacane lui donne les prises les plus modestes,
Et son arc, biches et cerfs, ses véritables trophées.

Sa nage est souple et puissante ;
Son corps glisse sans effort dans les profondeurs
Du lac salé qui borde son domaine.

Elle plonge nue, munie de son harpon,
Pour s'emparer de savoureuses dorades
Qu'elle embroche et fait rôtir,
Accompagnées d'herbes parfumées.

Elle rend grâce à tout ce que la forêt lui offre,
Accommode ces viandes avec délicatesse,
Puis, va s'étendre sur la grève.
Calme et sereine, elle laisse le soleil brûler sa peau
Que le sel et le sable ont recouvert.

Iguanes et serpents ont reconnu en elle une semblable ;
Comme eux, elle sait se fondre au cœur du végétal,
Faire glisser silencieusement ses membres cuivrés
Avant de les laisser retomber lourdement
Autour des gorges ennemies.

Elle éprouve la suprême solitude des reines.
Sa conscience du danger reste vague,
Et son esprit n'est que rarement troublé
Par l'angoissante pensée de la mort.

Mais elle connaît la torpeur et la fièvre qui s'insinuent,
L'ivresse hypnotique que l'on ressent devant un paysage
Qui se multiplie à l'infini et demeure toujours identique.

Après avoir parcouru rivières et mangrove,
Depuis le petit jour jusqu'au crépuscule,
Elle dresse son hamac à l'abri de la pluie,
Dans un enfoncement rocheux qui lui sert de refuge.

Le plus souvent, ses songes ne sont parcourus
Que par les inquiets stratagèmes du prédateur.
Quand enfin, les ténèbres pénètrent au cœur de son royaume,
Les fatigues de l'amazone donnent à son sommeil,
La douceur et la tranquillité d'un abandon.




Dream On (II)

J'ai glissé sans m'arrêter sur la dune
Où le sable est si chaud.
Mon âme s'est pâmée jusqu'à la déraison.
J'ai effleuré cet être, vu sa métamorphose ;
Désirs sans fin où culmine ma raison.

A cet instant, c'est le corps d'une dryade
Qui ouvre lentement ses bras vers moi.
La flèche du temps s'est inversée.
Près d'Elle, déjà, je ne suis plus un homme,
Seulement un enfant qui veut se réfugier.

Sa peau a enveloppé ma conscience de lait.
Son grand œil brille d'un éclat hypnotique.
C'est un abîme où la matière descend,
Où la lumière renonce et capitule lentement.

Mon regard a plongé à l'intérieur de son corps.
J'y ai aperçu des gouffres étincelants.
D'immenses bassins remplis d'argent fondu
Etaient disposés en terrasses.

Ils déversaient leur flot mat
Vers des gorges profondes,
Des lacs phosphorescents,
Faisant jaillir des gerbes de métal
Et des perles d'agate.

Comme un esclave enchaîné à sa muse,
Ma tête creuse ce ventre chaud,
Et ma main terrifiée cherche une prise,
Courant à chaque instant autour des muscles lisses.

J'étais revenu aux premiers états de la vie,
Quand, au sein de cette femme, un embryon surgit.
De ses doigts, elle a fermé mes yeux,
Et plongé ma conscience dans les ténèbres et le néant
D'où la matière se forme.


Relégation

C'est bientôt l'heure du bannissement.
Il est temps de quitter la féerique majesté de mes terres
Pour une zone froide, humide et austère
D'où ne parviennent que les sinistres échos d'un enterrement.

Le calme, la paix, le recueillement.

J'avance à tâtons dans un caveau sordide
Où les murs s'effritent et paraissent liquides ;
Des rats hystériques courent entres les flaques
Sur un sol spongieux qu'agite le ressac.

Au loin, brillent les feux sombres d'une terre promise ;
Elle s'est drapée d'un deuil qui la rend exquise.

La citadelle de béton ouvre ses bras décharnés,
Armature de métal grise aux volutes de fumée.

C'est l'avant-goût du pénitent,
L'atroce et despotique enfermement.

Le calme, la paix, le recueillement.

J'irai me recueillir dans un tombeau,
Travailler seul et sans relâche à ce qui est beau.

Furtif comme un oiseau de nuit,
J'ouvrirai les grands yeux d'un chat-huant
Sur un soir calme et oppressant.

Des peaux-rouges viendront danser dans ma chambre tout l'été ;
Ils chanteront l'oraison macabre d'un joyeux condamné ;
On entendra plus que le cri inaudible d'une main qui se tend.

J'oublierai le soleil sur cette peau qui blanchit ;
Sa volupté et sa brûlure, à peine imaginées,
Et le sable et la mer, sur mon corps déjeté,
La fraîcheur des flots évanescents.

Le calme, la paix, le recueillement.




Toi

Your Song by Billy Paul

Quand je ferme les yeux,
C'est encore toi que je vois ;

De longues boucles brunes aux reflets dorés
Qui descendent, légères et souples,
Sur ta nuque et tes larges épaules ;

Ta grande taille, ton élégance,
Le raffinement de tes pensées ;

Un parfum de caramel, un peu poivré,
Flotte sur ta peau comme une infusion de thé Chaï.

Aujourd'hui, je ne vois plus en toi
Que douceur et prévenance.

Tu poses sur moi des yeux rêveurs,
Indulgents et un peu tristes,
Où je lis l'expérience des choses vécues,
La fatigue du temps passé,
Et l'étonnement d'aimer encore.

Tu es l'amour de ma vie,
Et j'ai si peur de toi...

Même si les dieux nous ont fait l'un pour l'autre,
Que rien ne pourrait se dresser contre moi,
Et m'empêcher de t'atteindre,
Voudras-tu m'aimer encore ?
Le voudras-tu, dis-moi ?

Auras-tu le calme et la patience qui me manquent parfois
Lorsque les flots paisibles de nos vies se creuseront,
Et que l'Aquilon soufflera sur ton âme ombrageuse ?

Cette chanson me donnera la force de t'aimer ;
Je le veux, je le sens ! Je saurai être moi.
J'irai puiser la lumière qui brille dans tes yeux,
Et laisserai les miens y déposer ma vie.

Cette chanson, viendras-tu l'écouter ?
Seras-tu portée par le désir qu'elle me donne ?

Nous chercherons ensemble la vérité du cœur,
Cachée derrière les apparences.


Image

Paysages

Hallucination

Quand je ferme les yeux,
Que je me laisse porter,
Je suis...

Sur une immense plage où la lame se déroule à l'infini
Et lèche le minéral doré.

Dans la cascade d'une rivière ouvrant un large sillon d'argent,
Au coeur de la forêt équatoriale.

Près d'un chemin de sous-bois tapissé de feuilles rougeoyantes,
Bordé par de grands arbres noueux
Qui projettent vers le ciel de minuscules feuilles vertes,
Larmes étoilées de soleil.

Au milieu d'une prairie où crépitent de tortueuses racines ;
Une prairie trouée d'immenses arbres
Dont les troncs font éclater leurs chevelures de branches en direction du sol.

Sur l'île du Diable où se dressent,
A une hauteur vertigineuse,
Deux pics de lave perdus dans l'immensité bleue.

Sur un promontoire rocheux,
Face aux falaises de granit
De la Merced River, à Yosemite Valley.

Au-dessus d'un canyon dont la roche
Forme des stratifications colorées,
Du rose pâle à l'ocre rouge,
Et où la rivière dessine un lacet d'émeraude
Luisant comme un immense boa assoupi.

Au bord d'une falaise, et le regard perdu,
Embrassant l'horizon infini d'une mer démontée.

Sur le dos mugissant d'une mer grise, écumante,
Renversée par les vents furieux du Cap Horn ;
Des vents qui forment une gigantesque houle croisée,
Dont le sifflement aigu n'est plus qu'un hurlement.

Au sein d'un océan cotonneux,
Où se succèdent d'interminables sommets enneigés.

Au-dessus d'un lac de montagne
Enlacé par une armée de conifères ;
Près d'un versant rocailleux
Rougi par le couchant.

Dans le brouillard glacé de Neptune ;
Noyé dans les limbes de l'agate bleue
Qui brille d'une intense et prodigieuse lueur
Comme un astre perdu dans l'infini.

Dans la nébuleuse du Crabe, tissée de filaments rouges et jaunes.
Vers le noyau jaune et brillant de la galaxie d'Andromède,
Près de ses bras spiraux bleutés ou de ses galaxies satellites.
Dans la nébuleuse de l'Hélice, supernovae au coeur bleu-vert,
A la couronne écarlate, ou bien dans celle de la Tête de Cheval
Qui se découpe sur un arrière-plan rougeoyant,
Dû à l'hydrogène ionisé par l'étoile Sigma Orionis.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

Pour "Paysages" : J'ai rétabli les strophes et modifié leurs positions. Ca fait un peu moins catalogue, les regroupements sont plus logiques. Enfin, je crois.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Dona »

J'aime beaucoup celui-ci. Pour moi, c'est une vision par hélicoptère avec une voix off! ... et une musique démentielle !

Oui, j'ai le droit:)

Pour moi, c'est comme un début de Genèse biblique: une impression de gigantisme, une vision d'apocalypse... comme si la nature persistait, prenait ses droits quand l'Homme n'y était pas, n'y était plus...

C'est beaucoup trop ? Non. Le lecteur a autant le droit que l'auteur de voir ce qu'il veut croire, de croire ce qu'il voit. C'est ainsi qu'est la poésie, en strophes classiques ou d'écriture moderne peu importe. Je veux être transportée, je le suis.
Merci:)
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

La suite va te combler alors ! C'était juste un échauffement :mrgreen:
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

J'ai refait les deux strophes qui me tracassaient :
Au-dessus d'un lac de montagne
Enlacé par une armée de conifères,
Près d'un versant rocailleux
Rougit par le couchant.

Dans le brouillard glacé de Neptune ;
Noyé dans les limbes de l'agate bleue,
Qui brille d'une intense et prodigieuse lueur
Comme l'astre perdu d'un océan vide.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Dona »

Eh bien dis donc ! Tu as vraiment bien fait de te tracasser parce que là la musicalité est évidente, les vers plus courts et plus percutants et l'image est intacte. Je dirais même plus forte. Bravo ! :merci:

"rougi" ne prend pas de t.
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Message par Montparnasse »

Dona a écrit : "rougi" ne prend pas de t.
Merci ! Plus on lit une faute, moins on la voit... :cote:
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Message par Montparnasse »

Dona a écrit : Pour moi, c'est comme un début de Genèse biblique: une impression de gigantisme, une vision d'apocalypse... comme si la nature persistait, prenait ses droits quand l'Homme n'y était pas, n'y était plus...
:)

C'est le sujet d'un poème à venir (n°26) : Terre 2.0
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

J'ai ajouté les poèmes qui précèdent "Paysages".
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

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Frégate

I

Silencieuse, la voile gonflée,
Tu t'enfonces dans de profondes ténèbres.

Vois ! Cette nuit, des étoiles de satin
Font un cortège à tes desseins.

Couché sur un filet de pêche,
Ballotté contre ta coque,
Je suis enlevé vers d'inconnus destins.

Une odeur d'algues et de crustacés a rempli ma cabine.

J'imagine le gréement qui craque et la cale qui prend l'eau,
Accueillant ardemment tous les chemins de la perdition.

Encore dix jours à voir l'horizon vaciller,
Dix jours de vertige,
Dix jours à chavirer...

Déjà, le perroquet, en vieux loup de mer, a craché sa chique !

II

Dès le lever du soleil, nous irons creuser
Un sillon dans cette plaine fertile ;

Devant cet apôtre, nous serons des fidèles reconnaissants ;
Nous suivrons sa course dans l'azur éclatant.

Nous aborderons des rivages oubliés,
Des Amériques où le cœur des hommes est pur
Et instruit par le courage,

D'improbables vallées où les femmes ont l'œil clair
Et le sourire vainqueur de celles qui sont confiantes.

Nous côtoierons des îles parfumées ;
Le soleil au couchant y fera flamboyer
Un ciel qui aura la couleur des fruits
Qui s'épanouissent près de leurs rives.

III

De l'océan tu es né,
A l'océan tu retourneras.
Aux sources de cette vie,
Tu boiras une ultime liqueur.

Une dernière fois, ma frégate,
Tu auras traversé la plaine du destin ;
Alors, tu sombreras dans l'épaisseur des flots.
Adieu ma belle amour perdue,
Adieu nos enfants, nos amis,
Adieu nos parents depuis longtemps disparus.

Un soleil implacable, des embruns malfaisants ;
Au bout du compte, accrochés à fond de cale,
Nous nous balancerons comme de la viande qu'on a fumée à point.

IV

Le vent fera plier ta mâture,
Et ouvrira tes voiles ;
Propulsés par de puissants courants,
Nous voguerons au-dessus des mers
Comme le vaste oiseau blanc.

Nous verrons des animaux marins
Qui ont puisé leur éclatante vigueur
Dans l'ambroisie des abysses profonds.

Puis nous nous écarterons des sources de cette vie ;
Notre matière fusionnera avec celle des étoiles
Dans un grand éclair où le métal brûle puis fond.

Au cours de cette alchimie,
J'aurai retrouvé celle que j'ai toujours aimé
Et tous ceux qui, de leurs noms, auront creusé
Un sillon sur mon cœur étoilé.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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