Si j’ai bien suivi mes posts sur AVP, il semble que deux ne sont pas dans Spleen : Exister et Confidences. Je suppose que vous les avez tous lus. Est-ce utile de les remettre ?
En ce moment, je touche l’acmé down, le printemps peut-être. Plus je vais, moins je comprends.
@ Dona
À chaque rentrée, on m’affecte une « coloc », une pensionnaire voyante qui m’assiste en dehors du temps scolaire. Cette année c’est Alison. Elle a été désignée parce que son français est déplorable. Elle est gentille et douce. Lorsqu’elle s’en va dans une très lointaine famille, Alexandra la remplace, vous connaissez Alexandra, celle qui signe.
Ne pouvant briller dans les arts graphiques, la danse, la chanson (il pleut assez sans moi), à bonne école, j’ai décidé de briller dans l’expression écrite. Vains espoirs, je le crains, non Peine perdue serait plus exacte. Cela me servira à quoi dans mon avenir ? Une folie que je suis incapable d’exprimer sans l’aide d’une machine ! De traduire en langage compréhensible sans encre gonflante !
Liza a écrit :
Ne pouvant briller dans les arts graphiques, la danse, la chanson (il pleut assez sans moi), à bonne école, j’ai décidé de briller dans l’expression écrite. Vains espoirs, je le crains, non Peine perdue serait plus exacte. Cela me servira à quoi dans mon avenir ? Une folie que je suis incapable d’exprimer sans l’aide d’une machine ! De traduire en langage compréhensible sans encre gonflante !
Dis donc fillette, tu ne nous fais pas une petite crise existentielle ?
Tu ne rends compte de la qualité de ton écriture! Quand j'avais ton âge, j'étais incapable d'écrire ce que tu écris. Et j'ai exactement trois fois virgule trois, ton âge. Je sais de quoi je parle et je sais ce que dis. Continue à écrire, travaille les parties qui pèchent. L'écriture c'est comme le sport, plus t'en fais, plus t'es musclé, plus c'est facile de faire des efforts. Au boulot !
" Le jour J arriva. Ce fut parfait.
Je conquis l'auditoire, je le vis bien.
Ce fut au tour d'Odile Brousseau. Je n'avais pas compté qu'elle pût faire mieux que moi...
Elle avait choisi un poème contemporain, en prose. C'était « Barbara » de Jacques Prévert. Dès qu'elle se leva, je sus : elle serait meilleure que moi.
Lissant sa petite jupe à plis quand elle fut debout, rajustant une petite mèche rousse derrière son oreille gauche, la main sur la médaille de son saint préféré et la tête haute, elle commença :
BARBARA
« Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras (...) »
C'était divin, je dus le reconnaître. La voix exaltée d'Odile Brousseau, quoiqu'un peu nasillarde à mon goût, donnait un incroyable souffle pathétique au texte de Prévert. Elle faisait chanter le poème comme une chanson populaire, une chanson de rue faisant revivre l'histoire d'un amour rayonnant qui se termine en un spectacle désespéré, profondément pessimiste, un véritable procès à la guerre qui détruit tout. C'était admirable ! Et quand elle eut terminé, il pleuvait quelque chose de triste dans la classe presque autant qu'il pleuvait sur Brest dans ce poème-là.
Elle fut applaudie. J'osais, pour la forme, un petit battement léger du bout des doigts parce qu'il fallait admettre qu'elle avait bien appris son texte. Pour autant, quand je la vis se rasseoir toute rosie par les compliments, elle avait déjà repris son visage de vierge et sa voix haut perchée qui accentuait fort les nasales avait des inflexions de Sainte-Nitouche (regard pur, mine délicatement effarouchée, tout en grâce condescendante)
- Ah merci merci !! Merci beaucoup ! ne cessa-t-elle de dire un bon moment. Blandine aux lions avait un visage de martyre, les yeux embués, le menton tremblotant. Pauvre créature qu'on pouvait émouvoir aux larmes dès lors qu'on savait lire !. C'était désespérant ! pensai-je. Quand je m'étais attelée à mémoriser 36 vers de douze syllabes structurés autour de phrases juxtaposées puis subordonnées nécessitant des pauses multiples aux césures, aux finales de vers pour mettre en valeur les rejets et contre-rejets, voilà qu'Odile Brousseau m'opposait un poème en prose, sans rimes et sans aucune ponctuation... et qu'elle l'emportait !... C'était injuste !
Ma foi, j'avais perdu.
J'avais perdu une bataille oui.. Avais-je perdu la guerre ?... "
Cela fait une semaine que je tousse, je suis épuisée, chaque quinte provoque des douleurs au ventre.
Une crise existentielle (je n’ai pas encore existé), non, je ne pense pas. J’ai passé beaucoup de temps et beaucoup travailler à apprendre et à maîtriser notre langue pour des motivations de fierté idiotes.
Je suis bonne et alors ! À quoi cela va-t-il me servir dans ma vie ? Je ne serai jamais prof de français ou autre chose que favoriserait cet apprentissage. Les standardistes sont remplacées par des serveurs vocaux. Les dictaphones et la reconnaissance vocale sont devenues les secrétaires…. Et combien d’autres ?
La fierté d’écrire juste me donnera-t-elle une quelconque avance dans la poursuite du MASTER (M1 ou M2) Éducation, Formation, Intervention Sociale, parcours « éducation tout au long de la vie »? Ce qui consiste à adapter et mettre en œuvre le suivi scolaire d’enfants handicapés tout au long de leur vie. Le master, je peux courir, je ne le rattraperai jamais. Et en admettant, quels parents mettraient l’adaptation de la scolarité de la maternelle au… plus haut niveau, BTS, Ingénieur, à une aveugle, il faut voir clair en l’avenir. Le français n’est même plus noté dans les études supérieures non liées à la langue.
Ces propos semblent désabusés, toutefois, il faut être réaliste n’est-ce pas …Peine perdue ? Peut-être ! Après, mon verbiage ne servira plus à rien. Lorsque je regarde depuis ce point de vue, je comprends pourquoi Parrain et Marraine regrettent d’avoir favorisé ma plume et le travail que je me suis imposé.
Donc, pour l’instant, autant en faire profiter ceux qui trouvent un semblant de plaisir à lire mes petites histoires… Vous…
Aucun travail d'apprentissage (manuel ou intellectuel) n'est inutile. Surtout lorsqu'il te dote de compétences si rares aujourd'hui (bien qu'elles soient peu appréciées du grand public). Sur un plan plus prosaïque, ces compétences rares trouveront à coup sûr le moyen d'être valorisées. C'est une loi du monde dans lequel nous sommes qui n'a jamais été mise en défaut. Je garde le plus important pour la fin : le plaisir d'écrire, d'exprimer tes sentiments, de créer des mondes, d'échapper à la réalité médiocre de l'existence, de t'élever au-dessus de la banale condition, de la vulgarité de tes semblables. Peu de jeunes gens de ton âge ont dans la tête le "jouet" dont tu disposes. Crée ! fais-toi voleuse de feu, emporte ces tisons brûlants, agite-les dans ta nuit pour éclairer la route, vas porter la flamme vers les sommets de l'art. Cette perspective n'est-elle pas réjouissante ?
Signé : 2,5 fois ton âge.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Liza a écrit :Si j’ai bien suivi mes posts sur AVP, il semble que deux ne sont pas dans Spleen : Exister et Confidences. Je suppose que vous les avez tous lus. Est-ce utile de les remettre ?
Oui ! Spleen est une médiathèque. Son appétit est vorace. Je ne me souviens ni d'Exister ni de Confidences. Les ai-je commentés ? Perdrais-je la mémoire ? Serait-ce le début de la vieillesse ? (rires)
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
