Équivoque
J’ai senti un coup sur le crâne et je me suis retrouvé dans la piscine. Avec des mouvements désordonnés, je n’arrivais pas à me tenir à la surface. Me voilà noyé. Une drôle de fin pour un homme qui nageait en mer comme un poisson, sautait du haut des rochers ou poussait son pneumatique sans palme. Si mes amis sont informés de ma noyade, ils vont rigoler.
J’étais un homme heureux, né d’une famille modeste. Je m'en suis sorti en prenant des risques. Avec ma femme, nous avions acheté un petit hôtel, au vu de tous, pour assurer notre quotidien. Il ne faut pas attirer l’attention. Nous l’avons agrandi plusieurs fois. Finalement, débordés, nous avons salarié un directeur, ce qui nous laissait du temps libre, tout en gardant la main sur son fonctionnement.
Après beaucoup de recherches, j’ai trouvé une jolie maison, au bord de la mer, dans un endroit magnifique qui plaisait à ma femme, difficile à contenter. Je me débrouillais pour en profiter le plus possible. Parfois, je m’absentais trois ou quatre jours. Je gagnais bien ma vie dans mes affaires et je n’en parlais pas à la maison, je cloisonnais la partie professionnelle et elle se contentait du peu que je lui disais. Ma femme m’aimait, du moins, le répétait-elle à la moindre occasion, sans doute afin de ne pas éveiller ma méfiance.
J’ai tiré Lisette des griffes d’un proxénète, particulièrement exigeant et brutal. Une gentille blondinette aux cheveux frisés. Avec sa petite frimousse, elle a touché mon cœur de charmeur et j’ai craqué. Sa libération m’a coûté une fortune, mais en amour, on ne compte pas, dommage ! J’ai fait un investissement fatal.
La situation est d’autant plus cocasse, c’est moi qui ai fait construire cette piscine qui devient mon linceul. Je m’aperçois que ma femme activait la construction, serait-ce dans le dessein de s’en servir à cette funeste solution. Il y a quelque temps, elle m’a demandé ce que je faisais comme travail. Ai-je trop parlé pour flatter ma vanité ?
J’étais aux petits soins, depuis des années. Je ne parviens pas à comprendre qu’elle souhaitait autre chose. Trouver une raison acceptable pour m’assassiner, j’ai tout fait pour elle. Un homme ? Je n’aurais rien vu ? Enfin, les femmes savent jouer à cache-cache. Peut-être a-t-elle eu vent de mes comptes à l’étranger, une fois elle m’a questionné. Dommage, elle ne pourra profiter de rien, c’est un notaire qui a une clé du coffre, la banque a l’autre. Si elle est mêlée à l’affaire, elle ne pourra pas hériter. Ce sera Cécile, ma gentille nièce, qui hériterait.
J’ai fait ma vie en prenant celle des autres. Personne ne viendra me border dans ma tombe. Je pensais finir ma vie sur un trottoir, abattu par un client mécontent. Le comble d’un tueur à gages : mourir noyé dans sa piscine, poussé par sa gentille nièce.
Jany
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