Nostalgie

[Liza]

Nostalgie,

– Liza, la nostalgie, c’est quoi ? me demande la gamine.
– Serais-tu nostalgique ? Non, tu es trop jeune. C’est une sorte de regret du passé ou d’une époque révolue…
– La définition, je l’ai lue dans le dico ! Ce que je te demande, c’est ta définition, à toi ! C’est quoi la nostalgie pour Liza ?

– Je t'explique. La gomme du temps n’efface jamais totalement les réalités. Quand le contraste du trait disparaît, à force de temps et d'oubli, le papier moelleux et tendre de notre mémoire en garde une trace, pratiquement invisible, creusée par le crayon. Parfois celui qui a vécu l'histoire, frotte ce sillon avec la couleur foncée de la pensée, du souvenir et le trait en creux devient lisible. Ainsi, il peut en déchiffrer les signes qui le ramènent souvent vers ces moments un peu oubliés.

– Je ne voyais pas cela comme comme ça, mais tu n'as pas répondu, c'est quoi ?
– Pour moi, la nostalgie, c’est cet ensemble de ridules infimes qui, coloré de sentiments, devient des souvenirs. Pour lire ces choses à peine décelables, les yeux ne servent à rien, je te le garantis, seul le cœur peut en suivre le tracé presque imperceptible.
– Continue, j’adore tes rides.
– Tu redis une seule fois que j’ai des rides, tu reçois une fessée !
– Je veux dire celle de la nostalgie, elle se défend aussitôt.
– Parfois aussi, notre cœur meurtri par la nostalgie pousse si fort le sang dans nos artères, qu'il n'y a plus de place pour rien d'autre dans notre tête. Alors nos lacrymales gonflées, sont aplaties, écrasées par cette poussée de tendresse, venant directement du cœur, elles se vident à l'extérieur.
Quand les larmes coulent, c'est pour faire de la place à nos souvenirs et à nos sentiments. Il ne faut surtout pas les retenir, notre cœur pourrait en éclater de joie ou de chagrin.

– Je crois que j’ai compris, tu es nostalgique et pleine de tendres souvenirs. Et tu pleures parfois.
– Et toi ?
– Oh, moi aussi ! Mon cœur a poussé bien trop fort. À ce moment, les trucs effacés de ma tête, disons même des choses presque inexistantes, se colorent trop souvent et jamais au bon moment à mon goût. Je deviens sensible et sentimentale.
Je grandis, lorsque l'on perd l'enfance, on gagne la nostalgie.

Liza

[Montparnasse]

J'ai corrigé un accent manquant sur « Mon cœur a poussé bien trop fort. ». Merci pour ce texte !