La valise

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Liza
Grand condor
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La valise

Message par Liza »

          La valise

Je suis garé loin, comme chaque dimanche lorsque je reviens de chez ma mère. Je traîne ma valise avec mon linge lavé et repassé. Je m’arrête au café journaux acheter le programme télé. Je laisse ma valise à l’entrée. Mon programme est épuisé, j’en cherche un autre qui présente les chaînes du satellite. Je règle et je sors, sur le pas de la porte le patron m’interpelle.
— Monsieur, vous oubliez votre valise.
Arrivé à l’appartement, je la pose sur le lit de la seconde chambre et je n’y pense plus. Je passe ma semaine à envoyer des CV et à subir des entretiens inutiles.
Le vendredi, je fais un tas de mon linge sale et j’ouvre la valise pour la vider.
— C’est quoi ce bazar ? je suis resté figé.
Des petites culottes griffées en dentelle sur le dessus, des soutifs, dans le milieu, un petit ordinateur. Ce n’est pas ma valise, l’échange n’a pu se faire qu’au café. Comment trouver la propriétaire, l’ordinateur est verrouillé ? Au café, rien, aux objets trouvés du commissariat quelqu’un cherchait une valise, mais n’a pas laissé de coordonnés.
J’ai passé le week-end à chercher une solution. J’ai un voisin qui travaille à RTL, je le contacte en rentrant, sympa a glissé une annonce, il m’a remis un numéro le soir même. Je l’ai appelé aussitôt.
— Vous avez ma valise, l’ordinateur est dedans ?
— Oui, je viens juste de l’ouvrir.
— S’il vous plaît, j’ai besoin d’informations importantes pouvez-vous les envoyer sur mon email ? Le code, c’est 47&89&75%, envoyez-moi tout le planning, je vous rappelle plus tard.
Je me suis acquitté de cette tâche tout en parcourant l’ordi, rien, des commentaires de rendez-vous et diverses notes et des dossiers protégés.

Le matin, elle m’a sonné à sept heures.
— Vous pouvez déposer la valise à cette adresse, vers dix heures, je vous donnerai votre linge sale. Je compte sur vous.
À dix heures on me barre fermement le passage, en plus, je ne connais pas le nom de la fille.
— On va se renseigner, attendez ici.
J’attends une demi-heure sur le trottoir et une magnifique fille me saute au cou me prenant dans ses bras, elle m’embrasse.
— Je ne vous remercierai jamais assez toute ma vie est dans l’ordi, vous pouvez garder les sous-vêts pour vos copines.
— Kristen, merci encore, dit-elle en tendant la main.
— Max, et je n’ai pas de copine.
Elle m’entraîne à l’intérieur de ce qui semble être un studio de photographe. Je m’assieds en attendant. Elle me rejoint.
— Je vous dois un café, mais pas ici, le taxi arrive.
Elle me pousse dedans en vitesse. Nous avons bu le café dans un établissement rupin des Champs. Au cours de la discussion, je lui ai parlé de mes vaines recherches. Elle m’a raconté ses journées de dingues, un vrai marathon. Elle m’a laissé le taxi pour rentrer. J’ai rangé le linge propre, rempli la valise du sale et je suis retourné chez ma mère. Je lui ai raconté mes aventures en minimisant, elle est très papoteuse.
Le mardi, elle m’a téléphoné toute joyeuse.
— Tu as vu ?
— Vu quoi ?
— Le truc de chats crevés que m’a montré Germaine. Si tu l’as pas vu ? regarde.
Quelle revue ? Germaine les reçoit toutes dans son salon de coiffure. Au café pas besoin de chercher, elle est posée ouverte sur le comptoir et les questions fusent.
— C’est un bon coup ? un autre, tu as passé une bonne nuit ? et toutes les questions égrillardes des hommes. Je prends la revue et je file.
En pages trois, il y a deux photos, la première, Kristen semble m’embrasser sur la bouche, on me voit entrer dans le taxi avec elle. L’article, vous devinez ! Cela ne me gêne pas, j’espère qu’elle le prend bien.

Deux semaines plus tard elle m’a appelé, me donnant rendez-vous chez elle.
— Je ne supporte plus les taxis qui n’arrivent pas, qui ne sont jamais libres quand j’en ai besoin et des chauffeurs indiscrets. Je vous propose un travail de chauffeur.
Je n’ai pas réfléchi une seconde, j’ai besoin de travailler. Nous sommes allés chercher un Grand Espace chez le loueur. Au retour elle me propose.
— Vous habitez loin, j’ai des horaires difficiles, il y a une chambre au fond du couloir, vous pouvez rester. Ne vous inquiétez pas, Thérèse fait le ménage et les repas.
Un chauffeur entre dans l’intimité de son employeur. Elle ne se gênait pas et vivait en célibataire. Le matin, nous sortions ensemble le soir nous rentrions ensemble, repas en commun, mais en colocataire, sans plus. Entre deux rendez-vous, elle se changeait à l’arrière de la voiture, nous avions une belle complicité. J’avais de la chance, même si j’étais un larbin. Au bout de trois jours les journaux publiaient une photo, prise du haut de l’escalier, nous montrant un matin sortant ensemble de son appartement.
Maintenant, c’est moi qui intéressais les journaux, j’ai compris la rancœur de Kristen envers la presse.
Ma mère ne s’étonnait pas de ne plus me voir le week-end. Une fois nous sommes passés près de chez elle, nous avons fait le détour. La première observation de maman.
— Tu n’as pas apporté ton linge ?
En vérité, elle était intimidée. Kristen a parlé de son enfance, elle vient d’une famille comme la nôtre.

Je l’ai conduite à un tas de rendez-vous, qui souvent se chevauchent, une course contre la montre, parfois elle va à moto. Depuis deux mois, les paparazzis s’étaient calmés, nous faisions profil bas, je repérais les sorties de secours pour filer en douce.
Le soir, après de repas, lorsque nous sommes à l’appartement, c’est la détente, souvent nous regardons la télé ensemble, j’ai du mal à la sentir contre moi, elle le savait et s’en amusait.
— Je ne voulais pas y aller, fichu contrat, je vais partir trois ou quatre mois aux State, je suis mal à l’aise là-bas.
Cet appel téléphonique, en anglais a amoindri mes espoirs. J’ai même pensé qu’elle amènerait, que dalle, je l’ai déposée à l’aéroport.
Mon semblant de célébrité m’a permis d’être chauffeur du PDG d’une grosse entreprise, c’est un travail, toutefois, c’est moins sexy.

        Liza
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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