Reflexions sur la guillotine (A. Camus, 1957)

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Montparnasse
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Reflexions sur la guillotine (A. Camus, 1957)

Message par Montparnasse »

Reflexions sur la guillotine

Peu avant la guerre de 1914, un assassin dont le crime était particulièrement révoltant
(il avait massacré une famille de fermiers avec leurs enfants) fut condamné à mort à Alger.
Il s'agissait d'un ouvrier agricole qui avait tué dans une sorte de délire du sang, mais aggravé
son cas en volant ses victimes. L'affaire eut un grand retentissement. On estima généralement
que la décapitation était une peine trop douce pour un pareil monstre. Telle fut, m'a-t-on dit,
l'opinion de mon père que le meurtre des enfants, en particulier, avait indigné. L'une des rares
choses que je sache de lui, en tout cas, et qu'il voulut assister à l'exécution, pour la première
fois de sa vie. Il se leva dans la nuit pour se rendre sur les lieux du supplice, à l'autre bout
de la ville, au milieu d'un grand concours de peuple. Ce qu'il vit, ce matin-là, il n'en dit rien
à personne. Ma mère raconte seulement qu'il rentra en coup de vent, le visage bouleversé,
refusa de parler, s'étendit un moment sur le lit et se mit d'un coup à vomir. Il venait de découvrir
la réalité qui se cachait sous les grandes formules dont on la masquait. Au lieu de penser aux
enfants massacrés, il ne pouvait plus penser qu'à ce corps pantelant qu'on venait de jeter sur
une planche pour lui couper le cou.
Il faut croire que cet acte rituel est bien horrible pour arriver à vaincre l'indignation d'un homme
simple et droit et pour qu'un châtiment qu'il estimait cent fois mérité n'ait eu finalement d'autre
effet que de lui retourner le cœur. Quand la suprême justice donne seulement à vomir à l'honnête
homme qu'elle est censée protéger, il paraît difficile de soutenir qu'elle est destinée, comme ce
devrait être sa fonction, à apporter plus de paix et d'ordre dans la cité. Il éclate au contraire
qu'elle n'est pas moins révoltante que le crime, et que ce nouveau meurtre loin de réparer
l'offense au corps social, ajoute une nouvelle souillure à la première ».

(Albert Camus, 1957)
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Reflexions sur la guillotine (A. Camus, 1957)

Message par Montparnasse »

Pas de page Wikipédia sur Albert Camus ? Je rêve ou c'est vrai ? :rougefaché:
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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