La dernière chasse

[Liza]

Les écriteurs sont les maîtres du monde. Nous déplaçons les choses.

Créons des endroits, des pires aux meilleurs. Tel Dieu nous inventons le monde.

Vecteur de l'imaginaire, nous avons notre place partout dans le cœur de chacun.

[Montparnasse]

Eh bien, jolie profession de foi ! (smile)

[Liza]

Est-ce faux ?

[Montparnasse]

Non, non, je suis d'accord. Ce n'était pas ironique !

[Montparnasse]

Suite de La dernière chasse


Le soleil du matin leur brûla les yeux lorsqu'ils furent de bonne heure rejetés à la rue . Ils marchèrent en silence, ruminant leur mauvaise fortune . Au bas de la rue, un troquet bien connu ouvrit pour eux ses portes . Un homme seul au bar, s'observait dans son café, ils reconnurent le Léon : une bête forte comme un cheval de trait, rapide comme un lynx, malin comme un singe, l'oeil aussi affûté qu'un aigle, mais qui, malgré tous ces comparatifs animaliers, beau comme un dieu (disaient les femmes, toutes les femmes) .
« Alors, ça y est, elles vous ont eus les vaches ?
Ce fut Raymond qui répondit :
- Comment sais-tu cela ?
-La nouvelle a fait le tour des bars plus vite qu'une traînée de poudre !
-Tu n'y serait pas pour quelque chose par hasard ?
- Oh dit Raymond ! tu me connais ! J'aurai couru vous prévenir si je l'avais pu … Mais un vers Houdan, l'autre sur Rambouillet, comment veux - tu que je fasse ?... Et puis à l'heure où je l'ai su , vous étiez sur le point d'être pris, je n'avais plus le temps … Par contre, si vous alliez faire un tour
du coté de « la grâce de dieu » il se pourrait que vous tombiez sur un type entrain de vendre la chasse qu'il vous a dérobée … Le c... , il n'a pas pu s'empêcher de le piauler partout !!
- Qui est-ce ?
- Un gredin des Mesnuls, son frère est garde de chasse .
- Le Léonard ?
- Tout juste ! »
En furie, ils étaient repartis .Ils n'avaient pas le temps d'aller coincer le Léonard sur le lieu de ses méfaits, force leur était d'attendre... Ils iraient sur le soir faire une descente au Mesnuls.

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La lune riait dans le ciel clair, les oiseaux se pressaient dans les branches . Une à une, les étoiles
allumaient leur vers luisant sur le bleu du soir. De loin en loin un chat huant poussait son hululement lugubre en déployant ses ailes pour un vol téméraire. Peu à peu ;le silence prenait possession des lieux . Les lapins timidement, montraient leur museaux attendant encore pour sortir faire la sarabande . Au loin, un cerf poussait son rauque mugissement, attendant les sens en alerte, un écho, une réponse qui aurait sonné l'heure d'un combat fratricide .
Topart et Raymond avaient camouflé leur voiture derrière un haut buisson de fougères non loin d'une sente facile d'accès d'où il serait aisé de s'extraire … Ils avaient hésité, mais avaient décidé de laisser Millette au chenil, la peur de la perdre avait été la plus forte , et puis, ainsi, les voisins croiraient Topart chez lui .
Ils remontèrent d'un pas souple et silencieux vers le hameau . Ils firent un large détour afin que nul fenêtre ne put les espionner .Tout de sombre vêtus, confondant leur haleine et leurs bruissements au silence nocturne, ils furent bientôt , par les jardins, à frôler les premières maisons .
Le Léonard habitait de l'autre coté du hameau, mais il ne voulaient pas le cueillir chez lui … Des voisins proches auraient pu les surprendre ; de plus, avec la lumière des rues, il aurait été trop facile de les reconnaître … Ils attendraient entre les haies que l'autre sorte assouvir ses méfaits en allant se servir sur les pièges tendus par d'autres … Ils le suivraient dans le plus sombre des bois, et là, lui tomberaient dessus... Juste lui mettre une bonne correction, lui faire danser les dents et s'évanouir sans laisser de traces .
Soudain, il fut là, être solitaire, un grand sac sur l'épaule . Il quitta la route, sauta le fossé, enjamba le talus et s'enfonça sous le couvert des arbres … Passés quelques instants, Les deux compères suivirent silencieusement, le feutre sous leurs semelles absorbait tous les bruits, devant, l'autre laissait traîner des craquements qui aidaient à suivre sa trace … D'un coup, le ciel complice cacha la clarté lunaire, les étoiles progressivement disparurent, le noir accentua sa profondeur …
Un coup d'oeil et les vengeurs s'élancèrent … Ils tombèrent sur le dos du braconnier alors que celui-ci décrochait une proie, ils le roulèrent au sol sous une avalanche de coups de points et de bottes … Curieusement, Léonard semblait ne pas se défendre … Puis il y eut un coup de fusil tiré en l'air, plusieurs voix s'élevèrent … Ils se virent pris et foncèrent tête baissée, points menaçants
dans la mêlée tentant de briser le cercle qui se resserrait sur eux .Dans la cohue des coups qui pleuvaient, coups de pieds, de crosse, dans la folie des injures et des cris, Topart réussit à dévier l'arme d'un garde, un tir toua l'air... mais un homme gisait au sol . Les gardes se groupèrent de coté et tirèrent dans la direction où les deux fuyards tentaient de s'échapper . Quelques détonations, un cri étouffé, un bruit sourd, les gardes relevèrent le corps de Topart percé d'une multitude de plombs .Raymond courait toujours, pour combien de temps ?
Les lampes enfin allumées éclairaient un large filet de sang qu'il leur suffisait de suivre .Deux hommes s'en chargeaient … Ils trouvèrent Raymond un peu plus loin baignant dans son sang, la décharge lui avait sectionné la fémorale .
« Les c …, dit un garde, ils ont préféré se faire tuer que se laisser cueillir, qu'allons nous faire ?
-Légitime défense, dit un autre, ils ont agressé Léonard et tiré sur Paul … leur compte était bon de toute façon
- Ce qui me gène, dit une voix sortie de l'ombre, c'est qu'ils ne sauront jamais que c'est toute la communauté qui les a trahis, leurs frères de chasse, leurs acquéreurs dans les restos, tous leurs copains de beuveries et de soirées glauques … Tout ça pourquoi ? Pour quelques lapins ...
C'est minable tout de même !

…...................................................FIN .. MARS 2017