Dim-Dame

[Liza]

Dim-dame

J’avais besoin de quelques petites choses, un grand a proposé de m’emmener faire les courses avec lui. Nous voilà dans la grande surface où un démonstrateur vante bruyamment ses produits.
— Mesdames, admirez la beauté, la transparence de ce collant ! il-ne-se-voit-pas !
— Ça me fait une belle jambe, ce que je souhaite, c’est les avoir au chaud, affirme une dame.
— Frigide, la madame ?
La pauvre femme s’est sauvée outrée.

Vous connaissez Liza, comment résister ? J’aime écouter les baratineurs et celui-ci semble en verve. Je demande à mon étudiant de me laisser, le temps qu’il fasse ses achats. La canne est dans mon sac et je trouverai bien une bonne âme pour me conduire dans les rayons.

— Tenez jolie madame, glissez votre main dedans et vérifiez sa solidité, avec celui-ci vous êtes en…infilable !
— Mon mari n’aime pas les collants.
— J’ai la même chose en bas… enfin des bas dans la même maille.
— La belle mademoiselle aux jolis yeux. Elle rêve de son mec, je parie ?

Je réalise que le démonstrateur s’adresse à moi, je joue le jeu.
— Je ne porte que des pantalons ! Vous avez de petites tailles pour les hommes.
— Petite taille, c’est vague.
— Le plus petit que vous ayez, dans une bonne qualité.
— Le modèle Gentleman, très bien, regarde-moi ça, imagine ton gars là-dedans !
Je fais une mimique que l’autre interprète immédiatement comme un doute.
— Non mais, insiste le bonhomme, agréable à l’œil, touche-moi ce tissu par le Touch it. On dirait de la peau.

Il me colle la boîte dans les mains. L’emballage est bien fait il y a un trou de trois ou quatre centimètres de diamètre pour tâter le tissu. Eh, je progresse dans la vie ! Pour première fois j’ai mis un doigt dans le shorty d’un garçon. Pas désagréable ce tissu, je dois le reconnaître.
— Pas question de balancer à droite ou à gauche, maintien parfait, sans comprimer, à l’aise ton mec.
— La plus petite taille ?
— S, un peu petit pour toi, attend, j’en ai un qui est déballé. Tu vois la qualité ?
Je tripote le truc, je passe ma main dedans, sous les rires des commères attentives aux boniments. Ces mêmes bonnes femmes qui râleront sur le temps perdu lors de la queue à la caisse.
— Devant, la partie renforcée c’est le Flexi-support, explique le bonhomme, avec ce système il y a de la place pour toutes les bourses.
— Nous ne sommes plus au Moyen Âge. Personne ne porte plus son argent sous ses vêtements, depuis bien longtemps, j’ajoute amusée.
— Elle va me filer les boules cette petite !
— Pas grave, vous savez où les mettre. Il tient bien votre Gentleman ? Les trucs qui roulent sur le ventre, c'est horrible et inconfortable.
— Évidemment qu’il tient, il colle au corps et l’élastique est large.
— Dans le noir, on peut le retirer sans s’obliger à une séance de gymnastique.
— Il glisse tout seul !
— Vous venez de dire qu’il colle au corps, c’est contradictoire, non ?
— Eh la belle, t’en veux de mon shorty, ou pas ?
— Non !
— Ah, je vois !
— Pas du vôtre en tout cas, un propre, un neuf, peut-être ?
— Il s’appelle comment ton don Juan.
— Arthus.
— Drôle de nom pour un type capable de supporter une nana comme toi !
— J’ai le droit de connaître ce que j’achète, non ? Vous essayez de me baratiner avec votre sac à boules.
— Mesdames, jugez vous-même ! Vous l’avez en main et sous les yeux, facile à voir le gros et le détail. Ton Arthus ne le sentira même pas sur sa peau. Il est de quelle nationalité ton copain pour porter un nom pareil ?
— C’est un Australien.
— M’étonne pas, un de ces pays gouverné par une femme, reine ou pas !
— Dites, si on fait un trou au milieu, à l’arrière de votre Gentleman, il ne va pas filer ? demandais-je, en faisant saillir mes doigts au travers du tissu, à l’endroit souhaité.
— Un trou, quelle idée ! Pour quoi faire, elle a des idées tordue la mignonne !
— Un trou, comme votre Touch it, tout simplement ! je précise en souriant.
— Eh elle veut toucher quoi la jolie mademoiselle ?
— Ce n’est pas pour y mettre les doigts, je vous rassure, j’ajoute fermement.
— Alors ton mec est incontinent ou diarrhéique ? rigole le bonhomme.
— Mais non !

Je commençais à m’échauffer. Ce bonimenteur est impayable. J’ai demandé quelques précisions sur ce Flexi-support qui semble être l’atout mis en avant dans le boniment.
— Votre poche flexible, elle est réellement… flexible ?
— Oui, oui, pas de débordement à craindre, en gros, elle s’étire, en petit, elle se rétracte.
— Jusqu’à quel point ?
— Au maximum pardi !
— Résumons-nous, il me faut une toute petite taille, qui maintient sans comprimer. Qu’il ait une boge extensible devant, qu’il soit facile à retirer mais qui ne roule pas et ne descende pas. Tout cela dans un tissu qui n’a pas la filante si on y fait un trou.
— Bon assez rigolé, ton mec a l’air bizarre. Qu’il s’appelle Arthus et qu’il soit australien n’excuse pas tout.
— Dites-moi, les poils ne se fichent pas dans les mailles au moins ?
— En plus, il perd ses poils ? Il a quel âge ton curieux mec ?
— C’est un berger ! je précise.
— Ah, il garde des moutons ou des vaches en shorty ? Peu importe sa profession.
— Elle compte beaucoup pour moi ! j’avoue avec conviction.
— Tu devrais le refiler à quelqu’un d’autre, en trouver un normal, il y en a plein !
— Pas facile, il faut dresser le nouveau, c’est long. Pendant ce temps-là il ne sert à rien.
— Il y a une chose que je ne comprends pas, tu peux me préciser : pourquoi tu veux faire un trou à cet endroit ?
— Pour sortir la queue, tient !
— De mieux mieux, nous sommes en public, tu dépasses les bornes avec ces propos indécents.
— Je suis désolée, je ne le vois pas la queue enfermée dans votre Gentleman. Il adore la remuer, surtout quand il est content. Et il est toujours content !
— Vous êtes tous témoins, cette gamine dépasse les bornes, c’est inadmissible ! se fâche le baratineur ?
— Mon Arthus est de race Berger australien et c’est un excellent chien-guide.
Ostensiblement, j’ai sorti la canne de mon sac et je l’ai tenue devant moi en direction du bavard, le ressort l'a dépliée brutalement, la raidissant. J’ai appuyé le bout caoutchouté sur sa poitrine, comme une menace et, me faisant chatte, armée de mon plus beau sourire, j’ai demandé :
— S’il vous plaît, pouvez-vous appeler mon accompagnateur dans votre micro ! Merci vous êtes trop gentil.

[Liza]

Désolée Dona, ce n'est pas court comme je le souhaitais.

C'est l'exacte vérité, l'emballage et l'argumentaire du démonstrateur. Vous pouvez vérifier.

Imaginez-vous Liza manquer une telle occasion d'écrire une bêtise ? Si elle est trop crue, un mot, je retire, non j'atténue, pour ne pas vider le fil. Lou l'ajoutera à la liste.

[Montparnasse]

Avec Liza, je me demande toujours si l'auteur est aussi insolent et culotté que le narrateur. C'est très réussi !

[Liza]

J'ai une culotte et un pantalon... sans trou ! Être culottée, c'est une autre question, pas assez pour certaines choses. Lou l'a ajouté à l'index.

Dans ce registre, je suis encore plus timide dans la réalité que je suis effrontée dans l'écriture !

[Dona]

C'est incroyable que ce soit vrai ! Quel mufle !

Autre chose incroyable : c'est la dynamicité de ton récit! J'hallucine, tu es vraiment forte à ce jeu-là !

[Liza]

L'emballage est vrai. L'argumentaire de base aussi. L'histoire, made in Liza, force le trait. Chacun de mes textes a une base puisée dans la réalité. Si tu veux des idées ?

Je ne sais pas trop de quel côté est l'impertinance ! Sans doute du mien !

[Liza]

En tout cas, aux US certains la trouvent trop crue et souhaitent son retrait et n'en veulent plus de ce genre-là.

[Montparnasse]

Tu publies aux USA, Liza ?

[Liza]

C’est une remarque échappée de mon inconscient, je ne voulais pas en parler.

De toute façon, US c’est terminé.

Trop de complications et trop de temps.

Ce ne sont que des mots. Mes histoires deviennent humoristiques et grivoises. N'est-ce pas le meilleur chemin pour apprendre le vocabulaire de façon agréable.

Dans ce pays, la pudeur affichée est bien loin de l’impudeur inavouée des mœurs de tous les jours.