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" Dans sa gangue gorgée de lumière, le fruit attendait et sa diaprure, colorée par les mèches du soleil, les mille petits faisceaux qui irridiaient tout autour de l'endroit offrait une granure picotée de tons irisés allant du mordoré au rouge carmin. La beauté de ce fruit suspendu, l'appétance qu'il en dégageait invitait tout le monde à vouloir le prendre dans sa main. Palper sa teneur, caresser sa forme orbiculaire, appréhender l'aspect lisse de son enveloppe..."
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« C'était le matin de l'ouverture.
Il y avait bien des années, on avait engrangé là, sur invitation des citoyens volontaires, des objets usuels, objets du quotidien. La municipalité de l'époque avait lancé un vaste appel : une opération de legs à la postérité et une façon d'inaugurer un vaste bâtiment culturel qui avait dû avoir son heure de gloire . Chaque objet déposé avait été scellé dans un caisson d'acier niché au fond d'une coffre en aluminium. C'était « Le Grenier du siècle ». On devait l'ouvrir le 1er janvier 2100.
Après la catastrophe qui avait sonné le glas de bien des littoraux, les survivants avaient d'abord vécu dans les anciennes cités situées à l'intérieur des terres jusqu'à temps qu'on viabilise les plus récentes. S'il restait des continents, peu étaient peuplés et la population, où qu'on soit, s'était massivement développée dans les villes. La moitié de l'espèce humaine avait été décimée soit le jour de la catastrophe par une montée des eaux mortelle, soit des années après par les conséquences d'une mauvaise adaptation aux nouveaux milieux qu'elle avait dû investir.
De fait, une oligarchie implacable régnait sur ce nouveau monde depuis une quantité infinie d'années : Martus Albain était le gouverneur inexpugnable de la Civilisation. Cette personnalité inamovible qui gouvernait depuis si longtemps avait mis à mal bien des connaissances et systèmes de résistance sur Terre. Son génome, résultat d'une mutation génétique avec un androïde SP678, avait décuplé ses cellules régénératrices et il existait depuis très longtemps. Sa politique était telle et son charisme si élevé que nul ne se serait senti capable de le battre et de lui faire quitter sa place. En réalité, la rigidité des Moderns ne permettait aucune contestation du pouvoir actuel. La garde des STIRP était extrêmement rapprochée... et contrait sans merci toute velléité de contestation du système établi.
Les croisements génétiques, les transformations des génomes, avaient bouleversé les générations. Des survivants humains cependant avaient toujours résisté et s'étaient reproduits. La chaîne humaine avait donc continué d'exister, sans altération. Elle était infime, cette espèce. Toutefois, elle représentait toujours une menace . Avant d'en prendre conscience, le gouvernement avait d'abord tenté d'identifier cette population. Il avait fallu du temps pour y parvenir. A force d'expériences, on avait réussi.
On savait reconnaître les derniers humains à cause de leur extrême sensibilité. Par exemple, quand on essayait de couper leurs doigts aux ciseaux ou qu'on les entorchait vivants, quand on les laissait exposés au soleil ou bien quand on leur montrait des images de désastre, ils criaient, hurlaient, pleuraient.
Les maintes expériences réalisées à ce sujet avaient permis d'isoler les cas caractéristiques et pour ne pas nuire à la communauté, on les laissait vivre dans les vastes laboratoires où l'on menait ce genre d'expériences. Leurs émotions étaient jugées nuisibles car elles indiquaient un clair dérèglement de leur métabolisme. Or, le gouvernement avait oeuvré longtemps pour éradiquer totalement la charge émotionnelle qui pouvait résider chez les survivants de toute espèce confondues. La qualité de la vie sur Terre, tant éprouvée qu'elle avait été par la catastrophe, ne permettait aucune autre alternative que d'accepter son sort sans s'en plaindre. Tout au début, ça avait été difficile. Beaucoup de familles avaient perdu leurs proches, leurs amis, leurs biens. La Terre hurlait de détresse, il y avait eu des mouvements de panique au moindre reflux d'une marée trop haute... Et il y avait eu encore beaucoup trop de morts. Certains êtres, humanisés ou semi-androïdes, pleuraient tant qu'ils ne produisaient plus rien au service de la communauté. Ceci devint intolérable. Martus Albain mit en place une politique de productivité pour gagner en autosuffisance dans toutes les régions du monde. Les résultats s'étaient avérés fructueux et réconfortants. On pouvait nourrir toutes les personnes et vivre en autarcie dans chaque cité, oui... à condition que chacun y mette du sien, que chacun travaille les parcelles communautaires, que personne ne pleure son passé ou craigne son avenir. L'annihilation des sentiments avait été le fer de lance de ses premières années de gouvernance. Il l'avait promis... puis il l'avait fait. Plus personne ne pleurait ni se laissait aller au chagrin. Les récalcitrants étaient enfournés vivants en place publique ou bien occis en silence derrière les barreaux de la forteresse pénitentiaire, édifice qui s'avérait presque inutile désormais au vu de l'épuration qui avait sévi quelques années sur la population.
Par conséquent, nombre de recherches avaient été financées, effectuées pour repérer les derniers humains jugés beaucoup trop sensibles. Un long travail de sériage avait consisté ensuite à identifier leur empreinte et patrimoine génétiques. Une fois caractérisés, étiquetés puis surveillés, on les avait délibérément mis à l'écart. Il n'en restait plus beaucoup... Mais on avait besoin d'eux.
AndréaLé était de ceux-là. Du reste, sa conscience mémorielle était l'une des plus puissantes de la cité. On le savait parce que les électrodes renvoyaient, à chaque expérience, une quantité d'ondes magnétiques et leur affichage cellulaire permettait de décrypter sa relation sensorielle avec certains mots. Les mots des Anciens n'apparaissaient pas dans le langage des Civilisés.
Or, à l'ouverture des caissons emprisonnés là depuis des centaines d'années, il y aurait certainement à déchiffrer les anciennes écritures..."
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