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Louise Labé

Publié : 12 janvier 2016, 23:19
par Montparnasse
À MADEMOISELLE

CLÉMENCE DE BOVRGES,

LIONNOIZE


Estant le temps venu, Mademoiselle, que les lois des hommes n’empeschent plus les femmes de s’appliquer aus sciences et disciplines : il me semble que celles qui ont la commodité, doivent employer cette honneste liberté que notre sexe ha autre fois tant désirée, à icelles apprendre : et montrer aux hommes le tort qu’ils nous faisoient en nous privant du bien et de l’honneur qui nous en pouvait venir.

(...)

L’honneur que la science nous procurera, sera entièrement notre : et ne nous pourra estre oté, ne par finesse de larron, ne force d’ennemis, ne longueur de tems.

(...)

Ayant passé partie de ma jeunesse à l’exercice de la Musique et ce qui m’a resté de tems l’ayant trouvé court pour la rudesse de mon entendement, et ne pouvant de moymesme satifaire au bon vouloir que je porte à notre sexe, de le voir non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou égaler les hommes : je ne puis faire autre chose que prier les vertueuses Dames d’eslever un peu leurs esprits par dessus les quenoilles et fuseaus, et s’employer à faire entendre au monde que si nous ne sommes faites pour commander, si ne devons nous estre desdaignées pour compagnes tant es afaires domestiques que publiques, de ceux qui gouvernent et se font obéir… Pource, nous faut-il animer l’une l’autre à si louable entreprise.

(Louise Labé)