Histoire à plusieurs mains

[Dona]

Oui, c'est cela. Sa mère semblait terrorisée...
Et curieusement, Sophie ressentit une inquiétante étrangeté régner dans la pièce. En regardant son père, elle eut la très désagréable impression qu'un mystère était entré en plein dans son existence, il y avait de cela, un peu plus d'une heure... sur une route inondée, en pleine nuit et en plein orage. Quelque chose avait basculé dans sa mémoire. Et probablement dans la vie de ses parents.
Son père, dont elle connaissait si bien les traits, lui parut être, à cet instant précis, un étranger. L'air dur qu'il avait pris, son mépris affiché pour parler de James Lawn, avaient mis une distance entre sa fille, entre sa femme et lui-même.
Sa mère, terreuse et qui semblait paniquée, ne la regardait pas. Sophie sentait juste à quel point sa mère avait peur. Elle voyait son teint pâli, ses mains tremblantes et une certaine crispation de la bouche ne trompait pas sur son mal-être.
Qu'allait-elle découvrir ce soir ? Que s'était-il passé ?

[Le Merle Blanc]

Elle ne savait vraiment plus quelle attitude adopter. Pourtant, pensa-t-elle, il me faut savoir.
Elle osa la question qui lui brulait les lèvres:
- Maman, 'y aurait-il dans ta famille des êtres que je ne connaîtrais pas ? je ne sais moi, une sœur,
une sœur jumelle par exemple !
disant ceci, elle poussait sur la table la copie du journal; sa mère tenta une explication de barrage :
-Tu sais, les sosies ça existent.
-Maman ! Sophie poussait une photo prise sensiblement vers la même date:
-Regardes, on croirait ton reflet sur un miroir !
Sa mère était totalement effondrée dans le moelleux du fauteuil,
-C'est exactement ce que j'ai pensé quand j'ai vu cette photo la première fois

[Dona]

Waouh !! Bien joué Merle blanc ! Tu m'as surprise Il me faut quelques heures de réflexion...

[Le Merle Blanc]

O k Dona bon courage à plus.

[Dona]

— Peut-être... peut-être est-ce mon sosie ? Oui... la ressemblance est troublante...
Il y eut un blanc magistral.
Sophie, la photographie tendue vers sa mère, observait à présent son père.
Il se tenait debout, l'air sombre, le front plissé, le regard vague.
— Papa ! Papa! répéta-t-telle car son père ne manifestait aucun signe qui fit comprendre qu'il l'avait entendue. Papa, que penses-tu de cette photo ? On dirait maman non ? Et elle avança d'un pas pour se rapprocher de lui.
A cet instant, son père fit volte-face, lui arracha subitement la photographie des mains et s'écria, brutalement :
- Non ! ce n'est pas ta mère ! Ca ne peut pas être ta mère !
Le ton était si catégorique que Sophie en resta bouchée bée. C'est alors qu'ils se fixèrent du regard. Sophie ne connaissait pas ce regard. Il y avait, à l'intérieur de ses prunelles, quelque chose qu'elle ne connaissait pas : une couleur, une lumière, une lueur, une intention... Comment dire ?... Elle ne reconnaissait pas son père. La colère, une certaine brusquerie, voire brutalité dans ses manières l'effrayaient davantage que tout le reste. Il était devenu un étranger...
— Le protocole..., murmura son épouse.
— Tais-toi ! hurla le père de Sophie. Tais-toi !!

[Le Merle Blanc]

Elle se demanda où allait les mener cette conversation, nulle part elle le pensait.
Et puis il y avait ce mot prononcé par sa mère: le protocole, qui avait fait hurler son père...
pourquoi ? Quels accords avaient pu être passés entre sa mère et monsieur Lawn ? pour quelle
raison ? Ou bien quelle comédie s'était jouée entre ses parents et James Lawn ?
Et si cette Annah n'existait pas ! qu'elle n'était qu'un coup de pub dont sa mère avait bénéficié...
Oui, mais alors pourquoi une telle colère, une telle peur ?
Le père s'était un peu ressaisi mais il montrait toujours ce regard étrange, brutal, qu'elle ne lui
connaissait pas... Enfin il dit:
-Tu ne devrais pas remuer le passé Sophie, ce n'est pas bon, cette histoire nous dépasse tous !
il est inutile de faire revivre le cahot...Ta mère et moi avons payé pour cela...
-Vas-t-en, et si tu reviens nous voir ne parles pas des sujets qui dérangent.

[Dona]

- Vous en avez trop dit ! Ou bien pas assez ! Comment voulez-vous que je vous laisse en paix dans une telle ambiance ! C'est hors de question pour moi de m'arrêter là ! hurla Sophie.
Après tout, si elle venait de mettre le pied dans une catastrophe, autant y aller jusqu'au bout ! Il fallait qu'elle sache.
Sa mère avait repris quelques couleurs et même si elle restait un peu pâle, elle avait l'air d'être regaillardie. Sophie avait quelque chose de son tempérament à elle et cela lui avait fait du bien. Cette enfant, elle l'avait tenue à distance d'elle-même pendant longtemps, souhaitant ne pas s'y attacher tout en lui donnant l'éducation et les soins que l'on doit à chaque enfant. Toutefois, la réaction de Sophie, et le fait de la voir encore batailler auprès de son père pour découvrir leur secret, la réchauffait, pansait en quelque sorte une blessure restée vivante... Elle retrouvait dans son emportement ses propres émotions et le caractère qu'elle avait eu dans sa jeunesse avant d'accepter le protocole...
- Sophie... Je t'intime à présent de t'en tenir à ce qu'a dit ton père. Nous allons en rester là pour aujourd'hui. Je te promets qu'il n'y a rien de mal dans tout cela... Mais nous avons besoin de discuter, ton père et moi. Nous en avons vraiment besoin. James Lawn est une vieille connaissance de la famille. Je pense que nous sommes tous bouleversés par sa réapparition et que nous devons tout d'abord nous poser, réfléchir et nous discuterons de tout cela quand je le jugerai opportun.
- Cherie ! Tu n'y penses pas !
- Il va bien falloir pourtant...

[Dona]

PS / Désolée Merle blanc ! Je te laisse le bébé ! J'ai bien mon idée mais je te laisse avancer là, c'est un point précis ! Allons-nous basculer dans le récit d'espionnage, de SF, fantastique, policier ?... Parce que le roman sentimental me paraît un peu loin !

[Le Merle Blanc]

Bonjour Dona
Merci pour le bébé, j'essaierai de ne pas le faire trop pleurer.
Le problème c'est que nous marchons sans cesse en parallèle sans nous rencontrer; chacun marche
avec des œillères suivant son idée; j'avais poussé une jumelle... mais tu n'as pas suivi. Je cogite
et je te réponds...à plus

[Le Merle Blanc]

Passèrent quelques minutes où tous se regardèrent dit-on ( comme un enfant regarderait
un chien bousculant un jeu de quilles ) puis la maman releva les yeux:
" c'est si loin tout ça, ma Sophie ! il faut remonter jusqu'à ma naissance et faire ressortir
beaucoup de souffrance
-Tais-toi ! hurla le père, tu sais très bien que nous nous sommes engagés à ne pas révéler
le passé !
-A quoi bon à présent, ta fille veut savoir, si nous ne l'affranchissons pas, elle cherchera,
se fera de fausses idées ...Et puis, n'y a- t- il pas prescription depuis tout ce temps ?
-Et les trois années de prison que tu as faites ! tu les as oubliées ?
-Comment ! maman en prison ! mais quand ?
-Quand tu avais...disons...dix ans.
-Alors, tu n'étais pas partie dieu sait où avec un autre homme ?
-non ma grande, c'est en cherchant comme toi réponse à mes questions, que je me suis
retrouvée derrière les barreaux...Feu ta grand-mère n'est malheureusement plus parmi
nous pour compter le déroulement de ma mise au monde. L'écographie n'existait pas, en
ce temps, mais tous les médecins s'entendaient pour dire que ta grand mère portait des
jumeaux... Il fut pratiqué une césarienne... A son réveil ma mère n'avait qu'un enfant ;
les médecins s'accordèrent pour dire qu'ils s'étaient trompés.