Poésies (mont)parnassiennes

En vers ou en prose !
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

BAL DES PENDUS

Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.


Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël !

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles :
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles,
Se heurtent longuement dans un hideux amour.

Hurrah ! les gais danseurs, qui n’avez plus de panse !
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !
Hop ! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse !
Belzébuth enragé râcle ses violons !

Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale !
Presque tous ont quitté la chemise de peau ;
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.

Hurrah ! la bise siffle au grand bal des squelettes !
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !
Les loups vont répondant des forêts violettes :
À l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer…

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres :
Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !

Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre :
Et, se sentant encor la corde raide au cou,

Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.

Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.


(A. Rimbaud, Poésies)


Notes

Paladin : Les chevaliers qui couraient le monde en cherchant des aventures.
Saladin : il fut roi d'Égypte de 1169 à 1250 et de Syrie de 1174 à 1260. Il est connu pour avoir été le principal adversaire des Francs installés durant le dernier tiers du XIIème siècle et l’artisan de la reconquête de Jérusalem par les musulmans en 1187.
Capitan : Rodomont, fanfaron qui se vante d’une bravoure qu’il n’a pas.
Moustier : Couvent, monastère, église.
Baladin : Comédien ambulant.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Message par Liza »

Je ne connaissais pas capitan dans ce sens là.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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Message par Montparnasse »

RAGES DE CÉSARS

L’Homme pâle, le long des pelouses fleuries,
Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents :
L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
— Et parfois son œil terne a des regards ardents…

Car l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie !
Il s’était dit : « Je vais souffler la Liberté
Bien délicatement, ainsi qu’une bougie ! »
La liberté revit ! Il se sent éreinté !

Il est pris. — Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?
On ne le saura pas. L’Empereur a l’œil mort.

Il repense peut-être au Compère en lunettes…
— Et regarde filer de son cigare en feu,
Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu.

(A. Rimbaud, Poésies)


Notes

« vingt ans d'orgie » : le Second Empire, du coup d'Etat de 1851 à la défaite de 1870.
« Compère en lunettes » : Émile Ollivier, chef du gouvernement de Napoléon III de 1869 à 1870. Il annonce, en 1870, la déclaration de guerre à la Prusse.
« aux soirs de Saint-Cloud » : la préparation du coup d'Etat de 1851 a eu lieu à Saint-Cloud.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Message par Montparnasse »

LE MAL

Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;

Tandis qu’une folie épouvantable, broie
Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ;
— Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !…

— Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;
Qui dans le bercement des hosannah s’endort,

Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

(A. Rimbaud, Poésies)


Notes

Damas : Étoffe de soie à fleurs ou à dessins en relief où le satin et le taffetas sont mêlés ensemble et qui se fabriquait à l'origine à Damas, en Syrie.
Hosannah : Acclamation religieuse utilisée dans les cérémonies, les processions, certaines prières juives.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Je suppose l'absence de virgule volontaire

« Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir ! »
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

OPHÉLIE

I

Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles,
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
— On entend dans les bois lointains des hallalis…

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir ;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses longs voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile.
— Un chant mystérieux tombe des astres d’or.

II

Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui, tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
— C’est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté !

C’est qu’un souffle inconnu, fouettant ta chevelure,
À ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;
Que ton cœur écoutait la voix de la Nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits !

C’est que la voix des mers, comme un immense râle,
Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux ;
C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou s’assit, muet, à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu.
Tes grandes visions étranglaient ta parole :
— Un Infini terrible effara ton œil bleu !

III

— Et le Poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.

(A. Rimbaud, Poésies)


Notes

Hallali : Cri de chasse qui annonce que la bête poursuivie est aux abois.
Aune : Aulne, graphie ancienne.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Aune : je suis restée à la mesure pour débiter le tissus, je ne sais plus au juste, un peu plus d’un mètre, je crois.

Et au verbe Auner : estimer, mesurer, apprécier, évaluer.

Je vais mettre le Lizien à jour.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

LE FORGERON

Palais des Tuileries, vers le 10 août 92.


Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D’ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d’airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour
Que le Peuple était là, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d’or traînant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
Pâle comme un vaincu qu’on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux énormes épaules
Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,
Que cela l’empoignait au front, comme cela !

« Or, tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les bœufs vers les sillons des autres :
Le Chanoine au soleil filait des patenôtres
Sur des chapelets clairs grenés de pièces d’or.
Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor
Et l’un avec la hart, l’autre avec la cravache
Nous fouaillaient. — Hébétés comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus ; nous allions, nous allions,
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissé dans cette terre noire
Un peu de notre chair… nous avions un pourboire :
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit,
Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit.

… « Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,
C’est entre nous. J’admets que tu me contredises.
Or, n’est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin
Dans les granges entrer des voitures de foin
Énormes ? De sentir l’odeur de ce qui pousse,
Des vergers quand il pleut un peu, de l’herbe rousse ?
De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain,
De penser que cela prépare bien du pain…
Oh ! plus fort, on irait, au fourneau qui s’allume,
Chanter joyeusement en martelant l’enclume,
Si l’on était certain de pouvoir prendre un peu,
Étant homme, à la fin ! de ce que donne Dieu !
— Mais voilà, c’est toujours la même vieille histoire !…
« Mais je sais, maintenant ! Moi je ne peux plus croire,
Quand j’ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau,
Qu’un homme vienne là, dague sur le manteau,
Et me dise : Mon gars, ensemence ma terre ;
Que l’on arrive encor, quand ce serait la guerre,
Me prendre mon garçon comme cela, chez moi !
— Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,
Tu me dirais : Je veux !… — Tu vois bien, c’est stupide.
Tu crois que j’aime voir ta baraque splendide,
Tes officiers dorés, tes mille chenapans,
Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons :
Ils ont rempli ton nid de l’odeur de nos filles
Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles
Et nous dirons : C’est bien ; les pauvres à genoux !
Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous !
Et tu te soûleras, tu feras belle fête.
— Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête !
« Non. Ces saletés-là datent de nos papas !
Oh ! Le Peuple n’est plus une putain. Trois pas
Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière.
Cette bête suait du sang à chaque pierre
Et c’était dégoûtant, la Bastille debout
Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout
Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre !
— Citoyen ! citoyen ! c’était le passé sombre
Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour !
Nous avions quelque chose au cœur comme l’amour.
Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines.
Et, comme des chevaux, en soufflant des narines
Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là…
Nous marchions au soleil, front haut ; comme cela, —
Dans Paris ! On venait devant nos vestes sales.
Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles,
Sire, nous étions soûls de terribles espoirs :
Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs,
Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne,
Les piques à la main ; nous n’eûmes pas de haine,
— Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux !

« Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous !
Le tas des ouvriers a monté dans la rue,
Et ces maudits s’en vont, foule toujours accrue
De sombres revenants, aux portes des richards.
Moi, je cours avec eux assommer les mouchards :
Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l’épaule,
Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
Et, si tu me riais au nez, je te tuerais !
— Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais
Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
Pour se les renvoyer comme sur des raquettes
Et, tout bas, les malins ! se disent : « Qu’ils sont sots ! »
Pour mitonner des lois, coller de petits pots
Pleins de jolis décrets roses et de droguailles,
S’amuser à couper proprement quelques tailles,
Puis se boucher le nez quand nous marchons près d’eux
— Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux ! —
Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes…,
C’est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !
Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats
Que tu nous sers bourgeois, quand nous sommes féroces,
Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !… »

Il le prend par le bras, arrache le velours
Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Avec ses bâtons forts et ses piques de fer,
Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
Tas sombre de haillons saignant de bonnets rouges :
L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
Au roi pâle et suant qui chancelle debout,
Malade à regarder cela !
« C’est la Crapule,
Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule :
— Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux !
Je suis un forgeron : ma femme est avec eux,
Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries !
— On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
J’ai trois petits. Je suis crapule. — Je connais
Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille :
C’est la crapule. — Un homme était à la Bastille,
Un autre était forçat : et, tous deux, citoyens
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens :
On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose
Qui leur fait mal, allez ! C’est terrible, et c’est cause
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez !
Crapule. — Là-dedans sont des filles, infâmes
Parce que, — vous saviez que c’est faible, les femmes, —
Messeigneurs de la cour, — que ça veut toujours bien, —
Vous avez craché sur l’âme, comme rien !
Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule.

« Oh ! tous les malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail-là sentent crever leur front,
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes !
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir,
Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir,
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes
Où, lentement vainqueur, il domptera les choses
Et montera sur Tout, comme sur un cheval !
Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal,
Plus ! — Ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible :
Nous saurons ! — Nos marteaux en main ; passons au crible
Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant !
Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
De mauvais, travaillant sous l’auguste sourire
D’une femme qu’on aime avec un noble amour :
Et l’on travaillerait fièrement tout le jour,
Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne :
Et l’on se sentirait très heureux : et personne,
Oh ! personne, surtout, ne vous ferait ployer !
On aurait un fusil au-dessus du foyer…

« Oh ! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille !
Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille !
Il reste des mouchards et des accapareurs.
Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs
Où nous nous sentons grands, oh ! si grands ! Tout à l’heure
Je parlais de devoir calme, d’une demeure…
Regarde donc le ciel ! — C’est trop petit pour nous,
Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux !
Regarde donc le ciel ! — Je rentre dans la foule
Dans la grande canaille effroyable qui roule,
Sire, tes vieux canons sur les sales pavés ;
— Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés !
— Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
Poussent leurs régiments en habits de gala,
Eh bien, n’est-ce pas, vous tous ? — Merde à ces chiens-là ! »

— Il reprit son marteau sur l’épaule.
La foule
Près de cet homme-là se sentait l’âme soûle,
Et, dans la grande cour, dans les appartements,
Où Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l’immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse,
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !

(A. Rimbaud, Poésies)



Notes

Patenôtres : Prière du « Notre Père ». Suite de prières marmonnées.
Grené : se dit, dans les arts du dessin, des parties d’un dessin, d’une gravure, etc., qui offrent une multitude de petits points fort rapprochés les uns des autres.
Hart : Corde avec laquelle on pendait les condamnés.
Fouailler : Frapper de coups de fouet répétés.
Dague : Epée courte, que l'on portait au côté droit.
Droguaille : Chose usée, hors-service, jetée au rebus.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Drogaille : je l'ai dans deux sens différents.

Le premier et, peut-être le plus courant, la droguaille est la panoplie de médicaments prescrite ou prescriptible à un patient.

Ensuite j’ai drogaille un synonyme de patantan qui signifie choses usées, hors-service jetée au rebus.
Un goût de drogaille.
Votre tiroir ne contient que de la drogaille sans valeur.

Mon Lizien s'arrête là. Je précise, je n'avais rien en mémoire j 'ai cherché dans mes perso.dic
Et je connaissais pas Hart
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Je penche pour le deuxième sens ici. Merci pour ta recherche.
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