La cabane

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Liza
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La cabane

Message par Liza »

       La cabane

   Lorsque j’étais petite, nous avions une cabane, un petit abri sommaire. Mon père avait aménagé les douze mètres carrés avec intelligence. À gauche, le lit des parents, fixé au mur par des charnières, nous le relevions dans la journée pour nous permettre de disposer la table et nos trois chaises, lorsque nous ne mangions pas dehors. Pour moi, le soir papa, dépliait un lit picot, peut-être survivant du débarquement. Un brûleur, vissé sur une petite bouteille de gaz et deux anciens meubles de cuisine complétait l’équipement de notre résidence secondaire.

   Chaque vendredi, je regardais la météo emplie d’espoir, dès qu’elle parlait d’un rayon de soleil, nous allions cabaner. Vous vous en doutez ! notre paillote était construite directement au bord de la plage, sur le sable. Là-bas, j’étais quelqu’un. La petite Kat était connue comme une fille gentille et serviable. La bande de gamins du coin me considérait comme le chef de bande. Je n’avais rien d’autoritaire, le prestige de la citadine, je suppose.

   Chez nous, en primaire, j’étais la godiche de l’école, je m’ennuyais ferme dans cet endroit où je n’apprenais rien que je ne sache déjà. J’affirmais haut et fort que mes parents m’avaient attendue pendant cinq ans. Et vous pouvez y croire, c’est la vérité ! Je vous rassure, je ne suis pas la fille d’un requin-lézard. La graine de papa était paresseuse et l’engrais n’a pas suffi, il a fallu la mettre sous cloche. Enfin, avec la science, la germination a duré cinq ans. Chacun s’accorde à dire qu’il eut été dommage qu’elle ne fleurisse pas. Elle aurait privé le monde d’une petite merveille. Vous y croyez vous ? Mes parents, dur comme fer !

   Évidemment, le cagibi n’avait ni eau ni électricité, pour la cuisine et une toilette de chat, nous la puisions à un robinet destiné à l’arrosage des fleurs communales. Nous utilisions la lumière d’une lampe à gaz avec parcimonie, à peine allumée, elle s’entourait d’un halo de bestioles volantes.
Je cachais le rouleau de papier lorsque j’allais dans les toilettes publiques. Je n’aimais pas le désablage et le désalage, à la vue de tous, sous la douche de la plage que m’imposait maman. Elle me savonnait et me rinçait, sous un jet glacial. Le soir avant de me coucher, je trempais mes bras dans l’eau salée. J’aimais y poser mes lèvres pour sentir le goût du sel, en m’endormant. Chacun ses manies !

   Je me souviens, c’était au mois d’août de mes onze ans, j’étais très anxieuse, la rentrée et mon passage au collège approchaient. Je gambadais sur la plage cherchant des choses amusantes flottées par la marée. Je n’ai trouvé qu’une bouteille. J’allais la déposer dans la poubelle lorsque je me suis aperçue qu’elle contenait un papier. Mon cœur a failli tomber en panne des sens. Une bouteille bien bouchée, en verre foncé comme celles de cidre. Le papier était libre à l’intérieur, par transparence, je devinais un texte, écrit à la main, sans pouvoir le lire. J’étais assise dans le sable, la bouteille sur les genoux, je rêvassais en concentrant mes synapses sur mes connaissances géographiques. Venait-elle d’Angleterre, du Goéland, du Canada, des États-Unis… je jugeais l’Amérique du sud trop loin, enfin, je ne connais pas le sens des courants marins.

   — À voir ton abattement, je suppose que tu as sifflé toute la bouteille ! C’est un chagrin d’amour ou tu fêtes quelque chose ?
Mon papa a le sens de la rigolade, n’est-ce pas ? Finalement, je me m’étais décidée à la déboucher. En l’ouvrant, je mettais fin au mystère et je fermais les folles possibilités de mon imagination, je le savais. Il y a des moments où l’impatience l’emporte sur la raison. Une fois le message lu, il n’y aurait plus de place pour l’imagination. Je l’ai ouverte comme l’on débouche un cru millésimé de grande valeur. J’ai fait attention à ne pas percer le bouchon, c’est pour dire !

   Toute tremblante, j’ai sorti le papier comme une précieuse relique. Je l’ai étalé, à l’envers sur la bouteille pour le lisser, je souhaitais freiner mon impatience. Qui est-ce ? un garçon canadien, un Américain ? Mon esprit vagabondait dans un monde euphorique. Du bonheur en bouteille, c’est possible, non ? Je l’imaginais comme le symbole de notre rencontre, posée comme un trophée sur la table d’honneur. Un pont de bonheur lancé au-dessus de l’océan. Pour en finir, dans un geste brutal, j’ai retourné le papier, comme on se jette à l’eau.
   ... C’était signé Lola… une fille et… elle habite à deux kilomètres de la cabane !

        Liza
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Montparnasse
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Re: La cabane

Message par Montparnasse »

Une belle petite histoire (rêvée ?) avec, en prime, la fraîcheur de la jeunesse.

J'ai ajouté « un » ici : « dans un geste brutal » vers la fin du texte. C'est ce que tu voulais dire ?
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Liza
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Re: La cabane

Message par Liza »

Oui, cela a échappé à ma vigilance superficielle.

Rêvée oui...
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Le Merle Blanc
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Re: La cabane

Message par Le Merle Blanc »

Charmant petit texte jeune et tendre à souhaits!
Le poète est un mensonge qui dit toujours la vérité: Jean Cocteau
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Dona
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Re: La cabane

Message par Dona »

J'aime beaucoup ce texte !

Les enfants voient toujours ce genre de chose avec de grands yeux plein de joie ! Beau texte :)
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Liza
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La cabane

Message par Liza »

La cabane est partie au Canada pour un petit concours inter bibliothèque.
Je pense qu'elle a peu de chance d'être classée.
Je n'avais pas le temps ni l'envie d'écrire une nouvelle histoire.
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