Amour fugace

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Blacktears
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Amour fugace

Message par Blacktears »

Voilà... un petit texte que je ne savais pas trop où mettre. Au départ, je voulais le faire partir comme un poème en prose, mais ma plume en a décidé autrement, alors voilà!

Pieds nus dans le sable, je marche le long du rivage. L’eau frémissante chatouille mes orteils et vient mourir contre mes jambes. Les ondes bourdonnantes s’écrasent contre les rochers tristes, saignent sur les coquillages qui m’écorchent les pieds. Est-ce mon sang, ou celui de la mer, qui colore lentement les sillons de sable laissés par mes empreintes ? Ou bien mes larmes ? Les larmes sont d’autres formes de douleurs et de sang… Elles se fondent dans le bleu chatoyant du crépuscule, se mêlent au salé et à l’amer. L’amer. Pas de douceur, non, l’amer des sentiments décomposés et des impulsions bridées. L’amer de la liberté contenue. L’amer de l’écume frissonnante qui frappe avec rage la plage, battant le sable comme s’il était seul responsable de sa souffrance. La mer n’est qu’amère, la plage n’est qu’orage, un pâle reflet du ciel qui saigne. Le soleil blafard, prostré à la surface miroitante de l’eau, zèbre furieusement l’étendard azur. Il se déchire en coupures vermeilles et rosées, ses écorchures saignent dans la mer et l’amer. Son feu vorace ravage le rivage… jusqu’au naufrage…
Et je suis là, comme une mouette désincarnée perdue entre le nord et le sud, entre le ciel et la terre, qui volette péniblement, ne sachant où elle va, et quel est son but. Peut-être qu’elle n’en a pas… Alors je marche, chacun de mes pas soulève des volutes de poussière, comme si mon passage ne laissait que cendres, que mon feu rejoignait celui du ciel, pour ne faire qu’un dans la destruction. Je suis oiseau de mauvais augure, une mouette noire qui promène son regard ambré au sol, comme pour repérer sa prochaine cible… Mais je ne vole pas. Que j’aimerais pourtant ! M’élever au-dessus de tout, si haut que rien ne pourra plus jamais m’atteindre, si haut que mes sentiments ne pourront me rejoindre et resteront alanguis sur la plage, attendant d’être enlevés par la mer, et de se mélanger à l’amer de ses larmes… Ne plus penser à toi… Mais… penser à ne plus penser à toi, me ramène inévitablement vers toi…

Et je te vois soudain ! Tel un pâle fantôme d’un passé compliqué et d’un présent effacé, tu apparais alors, fidèle à toi-même, tes longs cheveux se balançant dans le vent, aussi clairs que le blé avant la moisson et aussi passionnés que le soleil, et pourtant empreints de la sombre tristesse de tes pensées… Et ils dansent dans la brise crépusculaire printanière, ils se déhanchent au son de la mer mystère… Mais tu es immobile, ton regard sur l’horizon, rivé sur un infini que je ne peux pas voir. Ta chevelure semble ne plus t’appartenir, et se débattre follement pour te quitter, pour t’abandonner. Elle ne supporte peut-être plus la noirceur de ton esprit… Une noirceur nouvelle et pourtant déjà trop présente, que je voudrais pouvoir effacer d’un battement d’ailes. Mais elles aussi restent figées, et je ne peux rien faire pour te rendre le sourire qui te va pourtant si bien…
Il éclaire mes journées et tu le ne sais pas…
Quand il apparait sur ton visage, et que des étoiles brillent soudain dans tes yeux, j’ai l’impression qu’il n’y a que nous deux, dans une bulle qui nous protège du monde et nous préserve, ne laissant entrer que la joie et les douces émotions…
Et tu ne t’en doutes même pas…
Quand tu me serres dans tes bras, l’odeur de tes cheveux, ton parfum, la douceur de ton corps me font tout oublier…
Nous sommes deux et cela me suffit, cela suffit à mon bonheur…
Et si tu savais mes pensées, sans doute t’enfuirais-tu sans te retourner, pour ne plus jamais me revenir…
Alors, pour te garder près de moi, je me tais, le silence éloigne tes peurs… Je fais comme si tout allait bien, comme si cette platonique relation me suffisait… Ce n’est pourtant pas le cas, et l’amer de mes larmes et de la mer le sait bien… Mais si je parle, je raviverai tes frayeurs, ta peur du regard des autres, et tu me fuirais, plus jamais tu n’oserais croiser mon regard… Alors, j’en reste là, pour que toi, tu restes avec moi, ne serait-ce que pour une amitié que je trouve de plus en plus fade et détestable. Malgré moi, j’en veux plus, et je ne peux qu’espérer qu’un jour, l’amour s’envolera comme une mouette blanche pour se fondre à l’horizon, qu’il disparaitra, que tout redeviendra comme avant… Je ne peux pas espérer une évolution, je sais que tu auras toujours peur du regard que les autres porteront sur toi, du jugement qu’ils émettront à ton encontre. Rien ne pourra changer… J’ai écrit ton prénom dans le sable, il s’effacera demain, à la marée… Alors, là, seul l’amer de la mer, de mes larmes, de mon sang et de mon amour connaitra mon secret, il s’en imprégnera et le gardera toujours précieusement…

Assise dans le sable, près de ton prénom, je te regarde, ta silhouette irréelle, qui n’est pas vraiment là… Et je pense au poème de Marbeuf, étudié en classe, que je connais par cœur, vibrant de musicalité, d’un rythme qui m’écorche le cœur. Je le récite, je le chuchote, il n’est que pour toi, le vrombissement de l’océan étouffe mes mots, je veux qu’ils ne puissent parvenir qu’à toi :


Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage
Et la mer est amère, et l’amour est amer,
L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
Car la mer et l’amour ne sont point sans orage.

Celui qui craint les eaux qu’il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer,
Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

La mère de l’amour eut la mère pour berceau,
Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,
Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

Mes joues sont mouillées, ravagées par le sel de mes larmes… je ne savais pas que je pleurais. Elles coulent jusqu’à la mer, qui à présent atteint ton prénom, commence à le faire sien, à s’en emparer. Le soleil s’épuise, disparaissant lentement derrière la ligne immobile que forme l’horizon, et tu continues de le fixer, comme si toutes les réponses à tes questions, que je ne connais pas, s’y trouvaient. Ce soir, tu ne dois pas avoir peur. Il n’y a personne d’autre, seulement nous deux. Personne pour te regarder et pour t’effrayer. Tu hésites, je le sens. Au fond, je sais que tu ne m’aimes pas, que je suis porteuse de l’Amour non réciproque, mais ce soir est magique, et je me fiche de la Vérité. Tu te retournes lentement, ton visage si doux semble remplacer l’astre noyé, la lune qui se réveille paraît bien pâle et fade face à ton éclat. Tu me fixes en silence, je te retourne ton regard, les étoiles sont de minuscules lucioles qui nous tournent autour, jalouses de notre complicité. Je voudrais bouger, mais je ne peux pas. L’amer de la mer et son sel brûlent mes blessures, recouvrant ton prénom et m’enveloppant de leur manteau transparent. Je ne peux que rester là, ma vie dépend de tes yeux braqués sur moi, je vois mon âme et mon destin en eux…

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Eluard, Capitale de la douleur, « La courbe de tes yeux ». Tu as souri au fil de mes paroles, et maintenant, tu avances vers moi, d’un pas lent qui me fait languir. Après un temps interminable, tu arrives vers moi, tu me domines de ta hauteur et de ton regard, je suis suspendue à tes lèvres closes. Tu t’assois à côté de moi, sans me quitter des yeux, la bulle se resserre autour de nous, la mer ne nous atteint même plus. Qu’elle garde son amer ! Maintenant tu es là, je n’ai plus rien à craindre, je suis bien. Je bouge enfin, m’approchant doucement de toi, pour ne pas risquer de t’effrayer… J’appuie mon front contre le tien. Dans un unique mouvement, nous fermons nos yeux et je prends tes mains dans les miennes. Tu les serres en retour, j’oublie tout, il n’y a que nous. Tu remues, j’ai peur que tu t’en ailles, mais tu poses ta tête sur mon épaule et nous nous allongeons dans le sable pur au doux parfum de sel de nuit. Tes cheveux s’en imprègnent, ils sentent bon. Je passe mes bras dans ton dos, je le caresse furtivement, tu me souris encore, le monde est dans ton regard…

Et le soleil se lève… il t’efface de ses rayons dictateurs, il ne veut pas que quelqu’un soit plus beau et éclatant que lui ! Et tu disparais, et je suis seule, perdue, l’amer de la mer et de mes larmes m’étouffe, un orage d’émotions me ravage, me détruit. Je suis seule, il ne me reste que la solitude et le silence pour te pleurer…. Pour pleurer mon rêve qui est néant, puisque que jamais tu ne le seras… puisqu’il y aura toujours les autres et leur regard de feu qui te brûlera… et, qu’en conséquence, c’est ta frayeur et ton indifférence qui me réduiront en cendres…

It tears me apart that you will never know… Frozen…

A toi, qui ne sais pas et ne sauras jamais tout l’amour que je peux éprouver à ton encontre,
Celle qui te donnerait sa vie si tu l’exigeais.

28/04/2017
"Il y a certaines choses que je ne peux dire à personne, sauf à ceux qui ne sont plus là."
"Parfois, on demande à notre corps de parler à notre place de nos douleurs, des histoires qu'on cache en soi."
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Le Merle Blanc
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Re: Amour fugace

Message par Le Merle Blanc »

J'ai lu, je relirai ce soir ou demain pour te donner mes appréciations.
bisous merle sans ailes.
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Blacktears
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Re: Amour fugace

Message par Blacktears »

:coeur: :coeur: :coeur:
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Re: Amour fugace

Message par Liza »

Un joli texte agréable. J'ai bien aimé.
Je ne vais pas te faire uniquement des compliments : tu est brouillée avec les accents circonflexes
C'est une toute petite absence dans un texte très présent. Bravo
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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Le Merle Blanc
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Re: Amour fugace

Message par Le Merle Blanc »

Comme promis, je l'ai relu.
Merci pour ce texte très agréable à lire, où l'on peut voir transparaître une
réalité. une balade un peu triste dans l'amertume du cœur de la jeunesse.
Bien écrit, comme dit Liza, il manque des accents... mais je ferai mieux de ne
pas le signaler vu le nombre de fois où je les oublie.
Je ne suis pas un bon critique, mon avis ne vaut donc pas grand chose, je te dit:
très bien, continue au plaisir de te lire à nouveau. bisous
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Blacktears
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Re: Amour fugace

Message par Blacktears »

Merci à tous les deux! :)
Oui, les accents et moi, ça fait deux... ::d ::d
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Re: Amour fugace

Message par Montparnasse »

Outre le sujet très romantique, le texte est bien écrit, fluide, tout y est bien senti. Continue à nous enchanter !
Tu m'as fait découvrir le poème de Marbeuf et aimer celui d'Eluard. Merci Merlette ! :super:
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Blacktears
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Re: Amour fugace

Message par Blacktears »

Merci à toi Montp ::d ::d
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