Le marché aux livres

[Dona]

Petit conte bref...

Objectif : un conte
Contrainte : une page
Thème : une jeune femme se rend dans un marché spécial pour acheter quelque chose de particulier
..............................................................................................................................................................................



Le Marché aux livres

— Bonjour ma p'tite dame, qu'est-ce que je vous sers ? tonitrua le bedonnant vendeur.
Son stand était très achalandé et vraiment appétissant.
— Je voudrais une histoire, répondit Griselle.
— Oui ? Quelle texture cherchez-vous à peu près ?
— Une histoire courte avec du sel et une chute amusante, s'il vous plaît.
— On va voir ça ! Il y a du choix ici vous savez ! On a tout ce qu'il faut !
— Oui... Je voudrais plutôt une histoire d'amour...
— Ah ! Débutante, hein ? Regardez là ! J'ai des modèles de héros, des qualités, un peu de défauts et deux hirondelles !
— Hirondelles ?
— Oui, ça peut toujours servir !
— Et de l'humour, vous en avez ?
— Bien sûr ma p'tite dame ! Le meilleur est là !
D'un vaste mouvement de main, il montra un étalage de caricatures ou d'expressions langagières fleuries.
— Je vous rajoute des métaphores ? Ca donne du goût ! Il y a une promotion !
— Oui, je veux bien... Je prendrai bien quelques chiasmes aussi...
— Si vous voulez mais l'anacoluthe est plus piquante ! Ah... faut aimer hein ! Tout le monde n'aime pas, c'est plus râpeux, plus fort mais plus pimenté aussi.
— Heu... juste deux alors ; je crois que je préfère des parenthèses, c'est moins compliqué à incorporer...
— Madame n'a pas tort ! Mais si je puis ajouter un détail, le grand Emile Zola pratiquait beaucoup la digression descriptive. Moins formelle mais beaucoup plus nourrissante !
— Vous croyez ?
— Pour sûr ! Ca fait des histoires qui pèsent lourd les digressions !
— Une autre fois, peut-être. Et là, ça fait combien ?
— Ca fait... 3500 tout rond !
— 3500 quoi ?
— 3500 signes ! répondit, le vendeur, interloqué.
Evidemment ! C'était la mesure-étalon qu'on utilisait au Marché aux Livres. Comment pouvait-on vendre sinon ? Un livre, c'était une histoire. Une histoire c'était des signes pardi !
— Bon, alors, je vais prendre tout ça.
— Je vous les emballe ?
— Non non, merci... Je préfère commencer d'abord. J'aurai des idées plus précises pour la couverture plus tard. Au revoir !

De retour chez elle, Griselle fit l'inventaire de ces précieux achats. Les anacoluthes sentaient vraiment fort et donnaient un raffinement dissonant qui jurait avec le personnage principal; ce héros d'ailleurs, après quelque usage, ne tenait pas la route: trop de qualités, pas assez de défauts, c'était l'écueil classique d'une littérature dilettante. A force de métaphores, le texte devenait illisible; les parenthèses dont elle s'était abondamment servies au démarrage remplissaient surtout du vide psychologique; les hirondelles ne servaient à rien : à part dénicher quelques vers de terre, on ne pouvait pas vraiment les intégrer hormis dans un texte résolument naïf.
Griselle abandonna ce synopsis défectueux. A la digression, elle préféra l'épilogue, s'employa à rimer et se mit à broder.




D'une hirondelle, elle fit un héros ; la seconde resta un oiseau et les deux ensemble s'accouplèrent, par métaphore ; entre parenthèses, elle mit l'anacoluthe, jeta à la poubelle les chiasmes, trop compliqués et rédigea :
«  La Nature, bien faite, a donné à l'homme, du sang sous la chair et à l'hirondelle, des ailes déployées. Ensemble, ils créèrent le seul mammifère capable de voler. Ainsi, naquit la chauve-souris. »
Inspirée, elle rédigea des contes animaliers.
Satisfaite, elle se dit que bientôt, elle irait au marché acheter une histoire politique, des réformes socialistes, un peu d'érotisme, un lot de digressions et des brochettes de contes de fées : pour parler des prochaines élections à l'Elysée, en 2017, ça devrait sûrement marcher !

[Le Merle Blanc]

Bravo Dona!
Bien vu, bien ciblé, un petit texte qui coule tout seul... encore bravo.

[Liza]

Je reconnais ta plume mi-sérieuse et mi-humoristique.

Au début, j'ai imaginé que tu achetais des ingrédients pour faire la cuisine et allais nous concocter un plat génial.

Au diable l'avarice, j'achète ton histoire.

[Dona]

Ah super ! faut dire que je l'ai bichonné celui-là!

Merci pour vos commentaires, vraiment contente qu'il vous ait plu

[Montparnasse]

The Dona touch ! Rien à ajouter. Désolé Dona, j'ai la flemme d'écrire... J'ai trop cuisiné cette après-midi. En plus, j'ai oublié un ingrédient essentiel : le poisson. Ca m'a mis de mauvaise humeur – l'étourderie est un défaut épuisant. Bien que j'avale 25 km par semaine, je trouve que le marchand est trop loin pour que j'y retourne. Comble de l'horreur, j'ai encore confondu le chou avec le chou fleur. Que vais-je en faire ? Personne n'en veut. J'ai essayé de l'échanger contre des tomates, ça n'a pas marché. Je vais mettre des feuilles de chou dans ma soupe, ça ne peut pas être mauvais (après cuisson s'entend). Mais la viande va se faire rare cette semaine, ne vous approchez pas de moi où je vous mords ! A part ça, ton texte m'a fait bien rire. Ton imagination est florissante. Je laisse ton texte afficher au mur. Voyons l'autre !

[Dona]

Du moment que tu as aimé mon texte, je te pardonne toutes tes étourderies piscicoles entre autres! ...

[Dona]

Liza !

[Dona]

Merci Merle blanc ! Tes compliments me font plaisir ! Moi je suis à l'aise dans le court, très court. Je t'envie de pouvoir écrire 49 pages (je termine, je termine...)

A+