Le déluge

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Le Merle Blanc
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Le déluge

Message par Le Merle Blanc »

Le déluge.
Elle marchait dans la nuit sous des torrents de pluie, dans la forêt sans ombre où le vent hurlait ses vocales sifflantes dans les cimes des arbres. L'ouragan déchaînait ses trublions d'orages ; arrachait les toitures des hameaux isolés dans cet océan vert bousculé de tempête.
Et pourtant, frêle chose dans sa capeline rouge, elle marchait, évitant les branches qui s'abattaient avec fracas, s'accrochant au tronc des grands arbres quand le vent furieux tentait de l'emporter; tenant d'une main glacée son petit sac, minuscule bagage qu'elle serrait comme un trésor...
Où allait-elle ?
Que faisait-elle dans cette enfer délabré ? Dans cette tornade assoiffée de nature et de sang ?
Comment surmontait-elle la peur qui, pouvait-on penser, l'envahissait ?
Que de questions sans réponses. Dans le noir glauque de la nuit, où nul être vivant n'osait sortir du nid, elle marchait solitaire sans souci des éléments déchaînés qui l'entouraient. Ses habits ruisselaient comme torrent sur la roche ; sa blonde chevelure, souillée de feuilles et de vent, s'emmêlait tels des chaumes sur une terre moissonnée. Dans cet enfer inondé de sinistre présage, son corps, son âme sage faisait naître une étincelle de vie sur une route de mort.

Quel ange veillait sur elle ? Quel Dieu la protégeait ? Quelle déesse oubliée lui insufflait la force ?...La force de braver les ténébreux orages, loin de l'humanité, sur des sentes transformées en rivières, des plaines en lacs, des forêts en marais ; des nuits en cauchemar de vent,en hurlements sinistres comme si tous les loups de la terre s'étaient unis pour hurler à l'unisson... Toutes les soutes du ciel déversaient leurs eaux sur un sol repu.
" Un temps à ne pas mettre un chien dehors " pensaient les vieux cachés derrière les murs et volets .
"J'ai pourtant quatre vingt douze ans, jamais vu pareille tempête de ma vie " disait un autre en jetant un regard apeuré vers le toit et ses lugubres craquements... Mais, chance pour eux, la toiture était solidement accrochée.

Pendant trois semaines le vent frappa les falaises, balaya les forêts et les plaines, chamboula les océans, arracha des villes et des bois, fit trembler tous les êtres vivant, fit pleurer et crier de peur femmes et enfants, semant la terreur dans les yeux indécis. Il fit prier femmes et hommes quand le ciel soudain, déchargeait ses cataractes. Les lapins, les renards s'enfoncèrent au plus profond des terriers ; les sangliers creusèrent des bauges sous les racines des arbres ; les chevaux, les chiens les chats, malgré les portes des fermes refermées sur eux, se tassèrent au sol dans la paille comme écrasés par l'ouragan... Même les rats, les souris, désertèrent leurs domaines des champs pour se trouver un abri sous la pierre.

Et pourtant, dans l'immensité forestière, une enfant marchait ; frêle petite chose venue d'on ne sait où, sans apparente peur, ne paraissant pas sentir autour d'elle les éléments déchainés. Elle marchait son périple vers nul ne savait où...
Ignorée de tous, car seule dans la tourmente, invisible dans cet enfer de froid, de glace et d'eau, se jouant des trombes, des brusques assauts d'éole ; ayant, on pourrait le croire, appris à les apprivoiser, elle allait blanche chose vers un inconnu destin.
Elle était menue, gracile, les traits d'une finesse de porcelaine de chine. Ses longs cheveux soyeux de la blondeur des blés, ruisselant sous la pluie, faisaient une cascade de reflets argentés. Un petit fichu rouge dissimulait à peine l'ovale de son visage transparent de beauté. Elle avait des yeux bleu océan rivés dans l'albâtre trop pâle qui colorait sa peau. Pas très grandes, mais son corps, où se devinait le galbe, laissait entrevoir la femme qui bientôt l'habiterait. Ses vêtements, depuis longtemps saturés d'eau, collaient tant à sa peau qu'elle en paraissait nue...Et pourtant, à ce tableau idyllique au cœur de la tourmente, nul n'osait y trouver d'indécence.

Elle gravit tant de collines et de pentes ardues, descendit tant de fossés, de ravins encaissés, parcourut tant de routes de sentes défoncées, que l'on se demandait quel devoir l'habitait... Où prenait-elle la force pour marcher droit devant, sans ralentir sa course, sans la dévier d'un pouce ?...Il vivait autour d'elle un étrange pouvoir, sorte de magie du ciel au milieu des ténèbres. Les loups apeurés se courbaient à son passage... Même les ours lugubres, la fixant de leurs petits yeux, demeuraient paralysés par la divine apparition... Les oiseaux s'étaient tus , blottis au fond des nids ; seul, un grand-duc, déployant ses ailes dans les tourbillons du vent, escortait la déesse de son vol majestueux.

Une immense falaise dépassait la folie des hauts arbres. Malgré les roches glissantes et les chutes de pierres, elle eut tôt fait d'en finir l'escalade... Fraîche comme une rose, à peine épuisée par l'effort, elle se tint debout sur son promontoire ; leva les bras au ciel en un geste théâtral...D'un coup , comme capturé dans une nasse, le vent tomba, la pluie cessa, les nuages s'éteignirent dans le ciel d'une aube nouvelle, et un timide soleil darda une terre ravagée de ses rayons de feux.

Alors, après le tonnerre, après les roulements monstrueux des roches, des pierres et de l'eau, après les hurlements du vent cognant contre les bois et les murs abattant arbres et maisons, après tant de tornades, de destructions, de terres noyées sous des mètres d'eaux... Le silence d'un coup, arracha à la nature blessée un immense cri d'espoir. Enfin la tempête avait pris fin, mais quel marasme, quelle désolation, partout régnait le cahot, sur des lieues et des lieues à la ronde la terre était chamboulée, les moissons les arbres déracinés, les sols enfouis parfois sous des océans d'eau où se mirait un soleil nouveau, œil blafard dans un ciel devenu inconnu.

Et le silence durait, emplissant cette nature de mort et sa lourdeur immonde, qui après le cahot pesait inlassablement sur l'infini nauséabond...Parfois, une falaise détrempée ravinée par les eaux, s'écrasait dans le liquide visqueux... L'eau commençait lentement à se retirer, emportant avec elle des villages entiers, des corps en multitude, des animaux des forêts; laissant apparaître des collines affaissées, des lacs nouveaux saturés de débris, des cascades barrées par des troncs et des roches qui lâchaient d'un coup sous la pression de l'eau.
Après le tumulte le silence revinait, vibrant, chargé d'amertume, jusqu'au prochain assaut de l'eau qui grondait en emportant sa
pitance de terre... Et cela dura longtemps, un temps qui parut une éternité, tandis qu'en haut de la grande falaise, la déesse, telle une statue, regardait d'un œil sévère les détritus de l'humanité... L'eau reculait toujours, laissant des montagnes de bois enchevêtrés , des collines arasées, de nouvelles vallées où coulaient de nouvelles rivières, créant des marais où il y avait eu des plaines fertiles... La vie semblait avoir disparue ; partout des corps, immondes chairs pourries, se mêlaient broyés aux roches, aux racines, à l'eau et à la terre.


Puis seul le silence régna, sur une immensité délabrée, dans des relents de pourriture et de charogne... Mais la vie n'avait pas dit son
dernier mot... Un oiseau chanta, un autre lui répondit...Partout, des nids hauts perchés, les petites têtes émergèrent leurs plumes encore souillées de pluie. Sur les montagnes, les hauts plateaux que l'eau n'avait pas recouverts, les animaux et les hommes toutes discordances oubliées, s'étaient réfugiés... On avait même vu un ours aidé des jeunes usés par l'effort, à finir l'ascension vers le plateau abrité ; des louves nourrissant des bébés assoiffés de lait, des poissons se jetant par millions dans des mares perdues pour nourrir des ventres affamés . Ces survivants, toutes rancunes délaissées, redressaient la tête, se séchaient au soleil, se lavaient, puis se cherchaient: loup cherchant une louve, le lion une lionne, l'homme une femme... l'enfant une mère; tous prêts à faire renaître le miracle de la vie.

Mais il fallait retrousser ses manches, créer des abris, trouver de la nourriture, chercher sur les arbres restants des fruits nourriciers où désaltérants ; reprendre l'élevage, les cultures, en oubliant pas de partager avec nos nouveaux amis, les animaux.
Les tracteurs le pétrole avaient disparu, les éléphants s'offrirent pour tirer les charrues que le déluge avait égarées dans les roches. Avec de robustes lianes, on confectionna des harnais rudimentaires... L'assemblage tint bon et on réinventa les labours. On mit sécher au soleil des graines de blés et d'orges égarées dans une grotte, on les sema, et au bout de deux lunes la terre reverdit d'une culture maîtrisée. Les arbres survivants se couvrirent de feuilles nouvelles,des fruits mûrirent, et la chaîne de la vie, tirée par l'esprit de l'homme, aidée par la notion détectrice des animaux se redéveloppa rapidement.
Alors du haut de son rocher calcaire, la déesse, de sa voix claire parla à l'unisson :
"Peuple de la terre, survivants du monde premier, vous avez par vos querelles, vos bombes, vos guerres et votre progrès immonde, détruit la nature de ma terre, bu sa sève jusqu'à la dernière goutte, pillé toutes ses richesses ? N'avez-vous jamais pensé que, vidée de son sang , l'écorce qui vous sert de sol serait livrée au feu de son cœur que vous appelez: réchauffement... Que toutes vos galeries de mines, tous vos puits vidés de l'or noir, devenaient autant de cheminées, de poches à chaleur perturbant les vents et les climats ?
- Aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre ; l'eau, les multiples détritus de votre infâme passé comblent toutes les fosses... Mais il faudra des lustres et des lustres avant que les éléments ne redeviennent normaux... Ecrivez un nouveau livre, mais que ceux d'entre vous qui se souviennent n'omettent pas d'y insérer les erreurs de vos pères, simplement, clairement, afin que dans le futur proche ou lointain, vos fils ne revivent pas la même histoire !
- Après ce déluge régénérateur, je vous offre une chance de repartir sur des bases nouvelles, des bases saines... Regardez les animaux que naguère vous humiliiez, que vous tuiez, ils offrent leurs forces pour vous venir en aide... Faites comme eux, rejoignez les, tout est à reconstruire... Bandez vos muscles, travaillez en bonne intelligence, sans souci de races...

- Faites renaître de ces cendres une riche terre, un paradis, (un éden) comme diront certains... Mais n'oubliez jamais, que vous êtes tous, dans la même... dans la même galère. Surtout ne refaites pas les mêmes erreurs, vous n'aurez peut-être pas d'autre chance... Comptez sur moi pour vous le rappeler... Car je suis votre nouvelle nature"

La déesse nature disparut dans le soleil ; laissant hommes et animaux ébahis devant le fabuleux spectacle de ses ailes de feux; le soleil illumina un peu plus fort, un peu plus haut ; une brume comme de la ouate enveloppa l'horizon, le cycle des saisons reprit son évolution... On supposa que l'on était au printemps, il fallait donc penser à l'avenir, à l'hiver futur, construire pour les mauvais jours... Tous s'y mirent, on vit des hordes d'oiseaux déplacer des montagnes de brindilles ; les taureaux, buffles et éléphants, rhinocéros loups et hommes, charrièrent, nivelèrent les roches et la terre. Tous poussèrent et rapidement une ville nouvelle s'éleva en étages sur les contreforts de la falaise... Animaux et hommes retrouvaient des gestes des temps anciens, vivant cote à cote, se nourrissant, se réchauffant mutuellement, pour une fois s'estimant à leur juste valeur.

Les années passaient dans un paradis, illuminant les êtres de bonheur. Dans la nouvelle communauté les animaux, à leur façon, avaient droit, si l'on peut dire, à la parole. Les enfants grandissaient sous le regard bienveillant des lionnes et des louves... Cela peut paraître absurde, mais l'on vit dans un lac, des crocodiles donner de subtiles leçons de natation.

Les moissons poussaient régulièrement aidées par un climat clément ; aux arbres, des fruits inconnus mûrissaient, offrant des goûts d'une subtilité, d'une légère amertume que nul ne connaissait.Tout était bien, dirons-nous, dans le meilleur des mondes ; souhaitons que la trêve dure à l'éternité...sinon!!

..FIN Octobre Novembre 2016
Dernière modification par Le Merle Blanc le 31 mai 2017, 20:15, modifié 8 fois.
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Liza
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Re: Le déluge

Message par Liza »

Je lis cette nuit.
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Montparnasse
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Re: Le déluge

Message par Montparnasse »

Dors un peu quand même... (smile)
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Le déluge

Message par Liza »

J'ai bien dormi. Je me suis imaginé qu'une fée avait effacé nos erreurs en nous donnant une chance d'oublier notre propension à la destruction de la planète, dans un monde nouveau.
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Re: Le déluge

Message par Liza »

Ce bouleversement est bien décrit, nous imaginons facilement le chaos qui lui succède et la renaissance de la vie organisée. Cette histoire puisse-t-elle amener la population à comprendre combien l’héritage de nos enfants dépend de nous. Je te trouve en progrès dans l’expression, la minutie et le souci du détail.

Je déplore la longueur des phrases (113, 118, 112 mots) difficiles à suivre (tout au moins pour moi). Tu devrais dynamiter, sans changer le texte, raccourcir tes phrases. Le texte serait plus dynamique.

Je n’arrive pas à mettre de citation dans mon commentaire, trop compliqué. Il y encore quelques fautes, toutefois, c’est beaucoup mieux.
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Re: Le déluge

Message par Liza »

J'oubliais, je ne connaissais pas bauges l'abri des sangliers.
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Le Merle Blanc
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Re: Le déluge

Message par Le Merle Blanc »

Bonjour Liza.
Visiblement tu as apprécié ce texte, je ne savais pas si j'avais réussi à démontrer
ce que je voulais décrire...
Vu tes appréciations, je pense que je ne me suis pas trop mal débrouillé.
Ravi que ce texte soit accrocheur...Merci à plus.
P S
Ne confonds-tu pas par hasard les mots: phrases et paragraphes ?
Dans un paragraphe il y a deux voire trois ou plus de phrases bien délimitées
par des points.
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Le Merle Blanc
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Re: Le déluge

Message par Le Merle Blanc »

Excuses moi, je n'étais pas allé fouiller dans le bas de la page:
Je te souhaite un bon anniversaire à plus.
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Liza
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Re: Le déluge

Message par Liza »

Merci pour tes vœux. Encore un paradoxe : les jeunes souhaitent vieillir le plus vite possible, les autres souhaitent rester jeunes le plus longtemps possible.

Je ne confonds pas, il y a bien des phrases de plus de cent mots. Cela complique les accords à cause de appositions.

Tu as mis des ; mais cela laisse une continuité à la phrase. Le point-virgule se pose entre des propositions indépendantes toutefois concernant la même action et la même idée. En lecture il est marqué par une pause de ton stable et de courte durée. Son emploi se rapproche beaucoup de la virgule.

Le point indique une fin de phrase et il est marqué en lecture par une intonation descendante et une pause fortement marquée. Donc, nous devons compter la phrase entière (entre deux points).
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Dona
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Re: Le déluge

Message par Dona »

J'ai beaucoup apprécié ce conte animalier, écologique et fantastique. C'est bien dans ton inspiration Merle blanc ! ;)

Par contre, la mise en forme est désagréable. Ecris-tu sur un smartphone ? Tous ces retours à la ligne gâchent le plaisir de lecture. Je suis vraiment d'accord avec Liza pour les points virgule, ils rompent ce qui devrait être le vrai rythme du récit.
Je mets un bémol pour la chute qui arrive trop rapidement. On a l'impression que la fin a été bâclée. Il faudrait un vrai épilogue à ce conte moralisateur.

Toutefois, l'impression générale est très positive : il y a beaucoup de "lyrisme vert" au début du texte (forêt, arbres, tempête...) et l'arrivée de l'enfant est vraiment féérique et très mystérieuse en même temps !
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