Lili actrice

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Liza
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Lili actrice

Message par Liza »

         Lili actrice

   — Bonjour, tu te souviens de moi ? Marc, précise le garçon.
   
   Tu parles si je me souviens de cet imbécile congénital qui ne regarde jamais où il met les pieds, le plus souvent dans le plat des autres. En plus, il y a toujours quelqu’un pour en remettre une couche.

   Ce soir-là, c’était la fête que donnaient les élèves du collège avant les vacances. Un grand moment, nous étions tous énervés. Nous avions écrit un sketch un peu dingue sur le thème du mariage. J’étais la mariée. Je traînais entre les bureaux surpeuplés servant de loge. J’évitais soigneusement les pas sages aux regards aux pas lents, lourds et curieux ainsi que les couloirs occupés par les garçons.

   J’étais habillée d’une façon tout inventive et superficielle. Ceux qui ont participé à ce genre de représentation me comprendront. La robe, enfin le haut, à épaules nues, était retenue par un élastique, il s’arrêtait juste au-dessus de ma poitrine. Les deux mandarines collées sur mes poumons ne représentaient pas un obstacle suffisant pour s’opposer au saut des bosses. Le poids de la tenue et de la traîne pouvait slalomer, sans bâton, sur une piste verte, jusqu’aux chevilles. Remplacer l’élastique par un ruban serré n’apportait pas de solution autre qu’un inconfort insupportable. Il fallait une attache solide et confortable.

   Brigitte, une maman bricoleuse, a eu une idée. Mettre un shorty enveloppant à taille haute et tout fixer dessus. Sauvée. Quatre épingles de nourrice attachaient le haut à la ceinture. On avait cousu les jupons à la culotte, et fixé le bas et les frou-frous de la robe avec des agrafes de bureau. Mon costume de scène prenait forme.

   Dans ces situations, l’inventivité est de mise. Les costumes ont une vie éphémère et les fixations les plus fantaisistes sont utilisées. La traîne était collée, dans mon dos sur la culotte, avec un pistolet de colle à chaud, le tout caché par une large ceinture blanche fermée par deux bouts de velcro récupérés sur une taie d’oreiller.

   L’ensemble donnait un effet très mariage. Le haut, un peu transparent donnait lieu à polémique, toutefois, il était hors de question de porter un soutif, il se verrait. Le sujet de la pièce était de libérer la laiterie pour éviter de se faire remonter les bretelles par un mari outrageusement jaloux.

   La plus jeune mariée des parents d’élèves insistait : il n’y a pas de mariage sans jarretière. Je tranche la question rapidement, je m’en fiche, on en mettra une. Tout était réglé, il ne restait qu’à retirer tout cet assemblage de guenilles, sans se piquer et sans démolir cette belle œuvre de haute couture, pour la remettre après, j’avais des rôles dans les sketches précédents.

   J’avais tout repassé sans dégâts et sans fer de plis. J'allais au maquillage, une mariée doit être maquillée, sans doute pour cacher la triste réalité et amadouer le candidat mari avec de belles couleurs. Un cadeau de noces brillant flatte la vanité du mâle, n’est-ce pas le premier signe de la fragilité du mariage ? Des fleurs dans les cheveux et un joli voile parachevaient l’ensemble, très réussi. Me voilà bien emballé, me souvenant de la fille à la fontaine de Brassens, pour gagner les planches, j’évitais les courants d’air.

   Dans le jeu, je devais être furieuse contre mon futur mari, il se prenait déjà pour le nombril du monde, et faire une entrée fracassante. Je me lançais d’un coup, j’ai bondi en scène poussée par quelques copains craignant un retour en force inopportun de ma faiblesse : une timidité maladive. Hypnotisée par le public, bercée d’applaudissements, j’ai à peine senti un froissement sur ma peau.

   Tout était parti, j’étais à poil devant le rassemblement de parents et d’élèves du collège. Seule la jarretelle a résisté au tsunami. Un faible rempart pour sauvegarder l’intimité d’une jeune fille, même si ses arrondissements ne sont pas encore très peuplés. Le vent ? Pensez-vous, la robe m’a plaquée d’un mouvement, juste avant le mariage, vous vous en doutiez, pour rester avec un garçon. Marc le gaffeur me catapultait devant le public alors qu’il était en stationnement illégal, les deux pieds sur ma traîne. Si le gamin ne manquait pas de culot, moi, je n’avais plus de culotte…

   Je l’ai entrevu exécuter une pirouette digne d’un patineur de haute voltige pour récupérer ma défroque. Une main sur la poitrine, l’autre sur l’entre-jambe j’appelais le miracle qui me ferait disparaître. Les miracles, il n’y en a plus depuis deux mille ans. Marc s’est jeté sur moi, tenant le tas de chiffons devant ma nudité, il me serrait contre lui, sans doute repentant.

   Un gaffeur compatissant, n’y croyez surtout pas, ils sont pires que les autres. Machinalement, il a posé les mains dans mon dos, puis sur mes fesses mimant une danse imaginaire. Tu vois le tableau. Au bord des larmes, j’ai posé la tête sur son épaule pour cacher mon incontinence lacrymale, ce qui passait pour une complicité.

   Finalement, serrés l’un contre l’autre, nous avons remonté deux mille ans d’ingratitude divine, le miracle a eu lieu, le rideau est tombé, lâché par les machinistes en herbe pas pressés de nous envoyer jouer dans la cour ou dans le jardin.

   J’ai couru aux toilettes d’où j’ai refusé de sortir pendant un bon quart d’heure.
   Dans la salle, c’était l’émeute, on attendait la suite.
   À force de persuasion, j’ai cédé, j’ai enfilé le déguisement pour aller me marier. Cette aventure ne m’a pas dégoûtée du théâtre, j’ai joué plusieurs autres rôles…
   En short !

          Liza
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Montparnasse
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Re: Lili actrice

Message par Montparnasse »

J’avais tout repassé sans dégâts et sans fer de plis.
(paragraphe 8)

Sans faire ?
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Liza
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Re: Lili actrice

Message par Liza »

Mai non, j'ai repassé dans fer (à repasser)
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