Sonnet salé contre le temps

[Mr Strangeweather]

Entends-tu, mon aimée, la chanson du vieux charme
Qui murmure au ruisseau l’agonie des saisons ?
Elle verse à mon cœur, sans rime ni raison,
L’élixir trop amer dont on tire les larmes.

Son feuillage jauni semble donner l’alarme :
Le temps connaît les clefs de toutes les maisons
Et nul être n’échappe à la triste oraison
Dont il bat la mesure au tranchant de son arme !

Sa vieille faux rouillée mais toujours aiguisée
Arrache aux almanachs des mémoires brisées.
Mais j’irai avec toi voler cette récolte,

La broyer à la meule inusable des mots
Et pétrir d’une larme un audacieux grumeau
Qui dira tout le sel des nouvelles révoltes.