La Pluie (2ème version)
L'homme voit l'ébullition d'un grand espace froid et terreux,
Orné de pics bruns qui jettent à ses angles ourlés,
A ses cercles d'horizon, les limites de la matière.
Nourrie par un meurtre calculé,
Complice, la pluie rend compte à sa maîtresse ;
Par d'infernales louanges,
Elle broie et dispose les lambeaux d'une terre démembrée.
Le puissant végétal est trahi ;
Il fond sous la vague qui l'éreinte, et le vide de sa pulpe.
Son squelette brisé rayonne d'une nacre phosphorescente,
Et pleure vers la terre des pétales de sang.
La meurtrière découpe son enfant avec de terribles hachoirs ;
Un enfant argenté qui fuit dans un lit de pierre.
Le pic brun sombre douloureusement ;
Il referme ses doigts convulsifs autour d'une boue
Qui hurle et le caresse encore.
De ses bras aux mains coupées, il supplie le ciel
Mais le ciel fait s'abattre sur lui un malheur imposant :
De fins oiseaux glacés avec des yeux d'opale,
Qui portent les reflets de globes argentés.
Leurs yeux ont retourné l'objet de leur crime,
Et le montre agonisant sous divers stratagèmes :
La calme fille d'été qui pleure sur une épaule,
Méduse, la malédiction noire du marin,
Les métamorphoses de la femme aux sanglots,
Le trident de Neptune, éclat des hommes mûrs,
La colère de Mars, fracas brutal d'une armée de barbares.
De puissantes larmes de chair sont défaites ;
Nues ou coquillées, elles croupissent dans le marais d'épines.
De gros oeufs descendent bêtement au milieu des quilles.
La bête aux multiples paires d'yeux a péri également ;
Son filet à provision, encombré de marine,
Pend inutilement devant le tombeau des cadavres.
Le frère du dieu à la chevelure bleue,
Précipite sur la terre une colère implacable.
Sous un ciel dur et vengeur,
La matière roule sa fange brune ;
Elle l'empoisonne d'un dégoût éternel.
La macération des corps s'accomplit,
Parfois, sous le fracas intense du torrent,
Parfois, sous l'épanchement régulier de fines demoiselles.
Le grand serpent s'est nourri cependant ;
Il impose son obésité grandissante
A la terre qu'il faisait vivre,
A la terre qu'il va tuer,
Sous une pression continue, aveugle, démente.
Les derniers débris qui vont tomber
Seront les ultimes instruments de la destruction.