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Grande

Publié : 18 février 2016, 17:02
par Liza
Grande

Je vais voter, pour qui, je ne sais. Des impôts à payer ? Je n’ai rien gagné ! J’ai lâché l’oreiller, dommage, doux, tendre et rapiécé, bien m’allait. J’y gagne ma binette, photo dont je ne suis pas auteure, cachée sous un monstrueux écouteur et une paire de lunettes. Serait-ce le symbole de ma vie toute faite. Dans tout ce que je perçois, je suis auditeur. Seule voie qui apporte la lecture et la voix. La teinte des verres, l’image de celui qui me voit, reflète. Avec ce renvoi, mes yeux, n’atteint pas. J’ai gagné un avatar tout à moi. Ensuite, qu'est-ce qu'il y a ?

Je suis grande ! Cela ne se confirme pas, sous la toise la mesure est inchangée, même sur l’ordonnance du juge, perchée, pas un millimètre ajouté. Est-ce la fin de mes vertes années, la fin de mon été qui, mon enfance verrouillait ? Est-ce la ruine de mes espoirs et la mise de mon cœur à découvert, le début d’un calvaire ? Ou la liberté espérée, l’esprit tendu vers la nouveauté, habillée de l’autorité ou la faillite associée à la responsabilité. Qui connaît le sort que j’aurais ?

Mes doigts, de fleurs habillés, courent sur le clavier pour les bons sentiments chanter, peine perdue, cela, je le sais. Personne n’osera se lancer, et ma prose publier. Pas un lecteur ne m’offrira le Goncourt et l’habit vert me passera sous le nez. Je me contenterai, comme aujourd’hui, d’oublier ce qui m’entoure en écrivant comme si je criais ! Sans pudeur, faire hurler ma vie dans l’espace nu des paragraphes pour marquer la brisure de ce révolu passé.

Vêtue d’habits trop grands pour mon âge, je vais paraître déguisée dans ce monde ou je serai ignorée, sans grand avantages en tirer. Le seul gain affirmé, je le connais : l’échéance d’un an avancée pour ne plus me laisser cocouner et oublier mon oreiller, le pauvre, trop bien me ressemblait, tout comme moi, rapiécé de bouts rapportés.

Liza

Re: Grande

Publié : 19 février 2016, 11:56
par Dona
Liza a écrit :Grande



Mes doigts, de fleurs habillés, courent sur le clavier pour les bons sentiments chanter, peine perdue, cela, je le sais. Personne n’osera se lancer, et ma prose publier. Pas un lecteur ne m’offrira le Goncourt et l’habit vert me passera sous le nez. Je me contenterai, comme aujourd’hui, d’oublier ce qui m’entoure en écrivant comme si je criais ! Sans pudeur, faire hurler ma vie dans l’espace nu des paragraphes pour marquer la brisure de ce révolu passé.

Vêtue d’habits trop grands pour mon âge, je vais paraître déguisée dans ce monde ou je serai ignorée, sans grand avantages en tirer. Le seul gain affirmé, je le connais : l’échéance d’un an avancée pour ne plus me laisser cocouner et oublier mon oreiller, le pauvre, trop bien me ressemblait, tout comme moi, rapiécé de bouts rapportés.

Liza

Pfiou! Tu es épatante ! C'est un très beau texte et j'ai cité le deux passages que je préfère.

Crie encore, ça va bien à ta prose qui cherche du sens en faisant de la musique. Je trouve ce texte très bon et surtout la chute qui se termine sur la comparaison avec l'oreiller. Bravo Liza.

Re: Grande

Publié : 19 février 2016, 16:12
par Montparnasse
Voilà encore un texte que j'aurais du mal à commenter, car il paraît trop vrai (c'est-à-dire autobiographique). Pourtant, il est réussi. On reconnaît sans mal le style de son auteur. Poussé à son paroxysme, les verbes sont des "attracteurs étranges" que tu places à la fin. Mais, attention à ne pas pousser tes lecteurs en dehors de la route. Ta technique me rappelle - je ne sais trop pourquoi - celle de Kieslowski, dans le cinéma. Elle peut agacer dans sa précision, dans sa volonté de démontrer, en laissant peu d'espace et de liberté au spectateur / au lecteur, à son imaginaire. Ce que tu as écrit m'inciterait plus à te poser des questions (sûrement très indiscrètes), à entamer une discussion passionnée et argumentée avec toi. Ce n'est pas l'endroit, ce serait déplacé. Dans l'acte de grandir, il y a aussi une volonté de se rassurer. Il n'y a pas de rupture trop brutale, il y a le passé qui nourrit, encombre, empêche d'aller trop vite. Les marins disent : "une main pour soi, une main pour le bateau". C'est à ton tour, pourtant, de tenter de refaire le monde.

Re: Grande

Publié : 19 février 2016, 17:25
par Dona
Ouais ! Moi maintenant je vais l'appeler Liza la Grande ! smiley grand sourire !

Re: Grande

Publié : 19 février 2016, 20:33
par Liza
Tu as raison, il faut que je calme « mon lyrisme ». Finies les vacances, lundi matin : Français, si je donne un texte romancé, je suis morte. La prof est à cheval sur la syntaxe, elle exige une écriture « logique » faute d’être exemplaire…

Trop vrai ! Bof, il frôle la vérité, à part que je me fiche de cet oreiller comme de ma première petite culotte. J'alimente le texte avec ce que je connais. Nous avons parlé d'oreiller, en réalité, c'est un coussin m'a-t-on dit. Coussin sonne moins bien, l'oreiller évoque le sommeil, le jeter le réveil... enfin je l'ai imaginé de cette façon. Toutefois, l'imagination, chez moi est racornie et soumise à ce que l'on me dit.