Dévissée

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Liza
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Dévissée

Message par Liza »

Dévissée

Comme partout, le couvent dispose d’un endroit où se perdent les débris de la meilleure cuisine. Il y a de quoi s’asseoir, du papier et de la lumière. Enfin vous voyez. Un mètre carré dont nous ne pouvons éviter la fréquentation.

Dans la partie neuve, les côtés sont en mélaminé et le verrou, une lame métallique qu’il suffit de basculer à droite dans un crochet. Je vous arrête tout de suite, dans l’ancienne partie, tout est d’une propreté impeccable. C’est une grande pièce avec des lavabos d’un côté, de l’autre, quatre toilettes. Les cloisons anciennes, s’arrêtent à trente centimètres du plafond. Les portes en bois d’origine sont restées. Les serrures ont des béquilles en U, du genre hôpital avec, au-dessous, sur la même plaque, un verrou à tourner.

Ayant terminé mon trônage, j’empoigne la béquille d’une main et de l’autre je tourne le bouton pour ouvrir le verrou.

Les malheurs de Liza, épisode… 850… Rien à faire, impossible de tourner le déprisonneur, en plus la poignée est bloquée. Enfermée Liza. Finalement, une fille de passage donne l’alerte.

— La porte est encastrée dans le bâti, affirme l’ouvrier d’entretien, impossible de la dégonder sans l’ouvrir.
— Alors enfonçons la, propose un autre.
— Difficile, la serrure est lardée, pas simple.
Il y a du lard ou de l’art dans une serrure ? Finalement ces discussions m’amusent et préservent ma patience. J’ai un trône pour m’asseoir, j’en profite.
— Encore Liza, que se passe-t-il ? s’informe le directeur, venu en renfort.
— La serrure est bloquée. Nous allons ouvrir au pied-de-biche.
— Pas question ! Ces portes sont anciennes, et identiques, nous devrions remplacer les quatre.
Ça m’étonnerait, pensais-je, radin comme il est. Il est du genre à coller du carton pour boucher le trou et une cale en bois sur le carrelage en guise de verrou.

Le remue-ménage attire les élèves.
— Faut appeler l’Ablette, propose une fille.
— L’Ablette, connaît pas, précise l’ouvrier d’entretien. Elle ne fera pas mieux que moi.
— C’est un garçon, précise un autre.
— Garçon ou fille…
— Lui est grand et maigre, insiste un autre.
— Et alors ? demande le directeur.
— Il doit arriver à passer entre la porte et le plafond.
— Cela ne donnera rien, affirme le directeur.
— Ça change tout, au contraire. De l’intérieur on a accès aux fixations, en démontant les paumelles, c’est gagné, se réjouit l’entreteneur.
— Alors Liza peut le faire…
— Un peu compliqué !
Le grand est venu et après maintes acrobaties a réussi à se glisser près de moi. Me voilà avec un garçon dans les toilettes des filles. Qui peut imaginer une telle inconduite ? Liza tu abuses, il y a plus simple pour un rendez-vous !
L’Ablette a dû démonter les deux charnières, les autres ont poussé la porte de l’extérieur la gâche et le verrou faisaient de la résistance. D’après l’homme de science, la béquille était bloquée par la casse de son ressort. L’autre morceau était tombé sur le mécanisme du verrou empêchant son recul.

En confidence, l’autre ne perdait pas son temps. Vous ne connaissez pas l’outrageante proposition du dévisseur ! Pendant sa mission de secours, l’Ablette m’a demandé quelle serait sa récompense pour ce travail de sauvetage. Pas gonflés les jeunes maigres ! C’est vrai, je pouvais céder à sa proposition. Toutefois, je me demandais quelles étaient ses intentions.

Elle était sur le décours, vieille et usée, je ne comptais pas la remettre. L’aurait-il montré à tout le couvent en l'enjolivant d'un tas d’histoires ?

Liza
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Re: Dévissée

Message par Loustic »

Tu ne nommes pas franchement, mais je pense que c'est « déductible » facilement.
Le nègre en littérature c'est un blanc qui travaille au noir pour un écrivain marron ! (Popeck)
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Re: Dévissée

Message par Dona »

Liza a écrit : 02 février 2017, 18:59 DévisséeLes malheurs de Liza, épisode… 850…

Eh oui ! C'est malheureux d'en rire autant mais tu fais tout pour !!

Le lexique professionnel donne vraiment du crédit au récit d'autant que la victime enfermée dans les toilettes ne doit pas le connaître, ça renforce l'effet-gag !
Ce récit très imagé,très dynamique est particulièrement drôle et réussi, c'est vraiment un style que tu maîtrises. Qui est cette Ablette dont tu parles ? Rien que son surnom nous fait tordre de rire à cet endroit du texte !

La chute est savoureuse :) Ce garçon enfermé dans les toilettes avec une jeune fille pure et presque effarouchée est une totale délectation :) C'est fripon et frais.
Merci pour ce 850ème épisode !
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Montparnasse
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Re: Dévissée

Message par Montparnasse »

Magic Dona a écrit :jeune fille pure et presque effarouchée
Effarouchée ? ah ah ! Pardon. Si c'est auto-biographique... Enfin, disons que ce n'est pas comme ça que je vois l'auteur (même si elle en rajoute des tonnes). Tu oublies la chute (sûrement imaginaire mais qui ne renforce guère le côté « effarouché » de la « jeune fille pure »). C'est d'ailleurs pour ça que c'est drôle ! (Mr Green)
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Re: Dévissée

Message par Loustic »

L’étourneau effarouché est sur la bonne voie. Elle file vers sa prison de la rue de la Liberté !
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Re: Dévissée

Message par Montparnasse »

Melle Liza, nous aimons vraiment suivre tes aventures ! Tiens, est-ce que j'ai mis ta dernière production au tableau d'honneur ? Je vérifierai.
En attendant, j'aime ton récit dans son ensemble, mais je vais essayer de dénicher quelques éléments remarquables :

Pour l'originalité de l'idée (j'ai mis du temps à comprendre, tu es dure pour mon petit cerveau sur le déclin... la jeunesse est impitoyable, c'est bien connu, bref !) :
Comme partout, le couvent dispose d’un endroit où se perdent les débris de la meilleure cuisine.
Ce premier paragraphe contient la patte Liza. Il est direct et léger, il est élégant (malgré le sujet, ma foi, un peu trivial). Je le cite en entier :
Comme partout, le couvent dispose d’un endroit où se perdent les débris de la meilleure cuisine. Il y a de quoi s’asseoir, du papier et de la lumière. Enfin vous voyez. Un mètre carré dont nous ne pouvons éviter la fréquentation.
Je ne comprends pas cette injonction :
Dans l’ancienne partie !
Dans le paragraphe suivant, la description est précise, presque technique. C'est aussi un marqueur du style lizien. L'auteur aime le détail. C'est un confort pour le lecteur pointilleux, un murmure que le paresseux (dont je suis) s'efforcera de survoler.

Ici, il faut démachiner. Il faut trouver quelque chose qui soit moins dans le registre « parlé ». Une hyperbole, une exagération, qui fasse rire.
Rien à faire, impossible de tourner le machin
Les dialogues sont vifs, bien tournés, comme toujours. On se demande si cette Liza n'est pas un Buster Keaton en puissance. Je parle du personnage, ça va de soi. Je ne me risquerais pas à froisser la susceptibilité d'un auteur si jeune soit-il.

«L'Ablette » : Invention ou journalisme, cette trouvaille apporte du piment et un dénouement au récit. Il y a aussi l'humour de la réplique :
— L’Ablette, connaît pas, précise l’ouvrier d’entretien. Elle ne fera pas mieux que moi.
Autre réplique, humour de situation, mais surtout grâce au verbe :
Me voilà avec un garçon dans les toilettes des filles. Qui peut imaginer une telle inconduite ?
Précisions techniques, utiles au récit, plus digestes que précédemment pour l'homme simple.

Toujours de l'humour, du rythme, de l'à propos, dans ce passage :
En confidence, l’autre ne perdait pas son temps. Vous ne connaissez pas l’outrageante proposition du dévisseur ! Pendant sa mission de secours, l’Ablette m’a demandé quelle serait sa récompense pour ce travail de sauvetage.
La chute m'avait désarçonné, je le reconnais. Certains lecteurs auront besoin d'y revenir, de prendre conseil, de demander l'aide de leur entourage. Inutile de se vexer, l'auteur est magnanime, je la connais, elle pourra vous tirer elle-même de ce mauvais pas.

Merci ! (pouce up)
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Re: Dévissée

Message par Liza »

Qu'y a-t-il dans cette histoire : une aventure réelle, en gros, c'est certain.

« C'est aussi un marqueur du style lizien. L'auteur aime le détail. »

Je reprends cette phrase de Montparnasse et je l’explique simplement : lorsque je raconte mes histoires aux enfants je suis assaillie de comment et de pourquoi. J’ai pris l’habitude d’expliquer dans le texte. Ici, ils m’auraient demandé « pourquoi la serrure ne marche plus… qui a bloqué la porte… »
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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