Trois semaines

[Liza]

Trois semaines

La route est longue, plus de trois heures de voiture. Je ne peux pas occuper mon temps autrement qu’à l’écoute de mon MP3. Pas question de taper comme dans le train, la voiture bouge trop, je fais des fautes à chaque mot.
Nous avons commencé notre périple parisien dans un immense magasin en périphérie. Depuis un moment on me bassinait avec le nom de la boutique « Histoire d’Ô ». La vendeuse a eu une crise de fou rire lorsque j’ai parlé de cela.
— C’est Histoire d’Or, a-t-elle précisé entre deux hoquets.

On m’a expliqué la méprise et son caractère trivial. Une bijouterie, vous l’avez compris. Je ne suis pas bijoux. À gauche j’ai ma montre, à droite le bracelet d’alarme et je n’aime pas les breloques qui pendouillent autour du cou. J’ai touché une chaîne avec un prénom découpé, cela semble joli. Toutefois, je ne vois pas l’utilité d’afficher mon identité comme si j’appartenais à un troupeau en alpage. En plus, imaginez, les questions et les avis sur un prénom rare.

Pas ruineuse Liza ! Nous avons traîné dans la galerie et je n’ai acheté qu’une robe à douze euros comme ils font la pub à la télé. Pour finir, une troisième boutique pour trouver une petite culotte noire, le blanc ressortait au travers de la robe. Ensuite nous sommes enfin allés voir le bébé. J’étais crevée, le shopping n’est pas fait pour moi.

A-do-ra-ble ! c’est petit, petit, une tête à peine plus grosse que le poing. Il ne m’a pas reconnue, ma montre et ma tresse de cheveux ne l’intéressent pas. Il serre mon doigt dans sa main c’est tout. La famille a trouvé un nouvel empereur : Pilou 1er. Il est encore plus impératif que Kiki premier. Je dois l’admettre, il ne pleure pas la nuit ni le jour et ses petites rébellions sont discrètes.

J’ai découvert beaucoup de choses avec une surprise non feinte. Au bord du périphérique, il y a des trailleuses ! Oui ! des machines à traire, comme en Normandie. Pilou 1er réclamait sa tétée à des périodes fantaisistes sans aucun contrôle sur la quantité de lait absorbée. À la traite ! Désormais la maman tire son lait avec une trailleuse électrique et le verse dans un biberon. Chocolat le petit Pilou, terminée la resquille et le rab!

J’ai essayé de le changer, j’avais à peine retiré la couche, paf, une giclée sur Liza. Les garçons sont comme les chiens, ils marquent leur territoire. J’arrive péniblement à l’emmaillotter et paf : il remplit la couche-culotte. Décidément Pilou n’a aucune courtoisie ni aucune compassion.

Lorsque je le prenais dans mes bras, il voulait téter, peut galoper jusqu’à demain le petit, les génisses, n’ont pas de lait !

C’est une aventure que tout le monde connaît, c’est certain, toutefois, je ne la vis pas de la même façon que la vôtre et mon étonnement reste entier.

Liza

[Dona]

Quelle fraîcheur ! C'est tellement joliment raconté ! Donc ce Pilou 1er se montre déjà facétieux avec sa tantine

J'adore la fin. C'est vrai : un bébé qui naît, c'est toujours la même histoire et pourtant, c'est unique pour tous ceux qui sont concernés...

[Montparnasse]

Très joli texte. La poésie est dans ton regard plus que dans tes mots. Ce n'est pas une taquinerie, c'est vrai. Merci !