Au café 06

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Liza
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Au café 06

Message par Liza »

Au café 06

— Un blanc pour le syndicaliste, marmonne le patron à l’entrée d’un bonhomme. Quoi de neuf ?
— Les Amerlocs vont passer à la caisse, c’est sûr !
— Tu annonces toujours le pire pour avoir un combat syndical à mener, ou une grève à lancer.
— Donald, c’est le neveu de Picsous, faut pas l’oublier.
— Bof, Hollande est le neveu de qui ? pour piquer les sous il s’y connaît aussi, affirme l’agent des impôts.
— Tu es bien placé pour le savoir : collecteur de fonds et usurier, tu es aux premières loges.
— Les bourses sont vides comme un lendemain de nuit de noces ! avance le syndicaliste.

— Bonjour monsieur le curé, un panaché ? propose le patron au nouvel arrivant.
— Oui, elles sont vides, comme les églises, affirme le percepteur.
— Les prières ne font plus recette, ajoute le syndicaliste.
L’instituteur se met en position de prière : à genoux, les mains jointes, implorant comme un fervent chrétien.
— Mon Dieu préservez-nous des 39 heures, de la retraite à 65 ans et de la TVA à 22 %.
— Tu peux ajouter des taxes et des augmentations, sans parler de la disparition des syndicats.
— Les salaires sont déjà au ras des pâquerettes, pour 39 heures de boulot, ils deviennent une aumône.
— Fillon président ça va péter, c’est certain !
— Ça va pas recommencer, les grèves et tout le bazar. Si ça pète, il faut que ce soit dans la dignité.
— Tu veux mettre un silencieux aux syndicats ! Museler la protestation ?
— Les revendications grévistes doivent être propres… un pot catalytique alors ?
— On veut nous transformer en moutons, c’est clair !
— J’ai trouvé des moutons sous le lit, c’est un début…
— Des moutons sous le lit de ta femme ? Pas grave, s’il y a pas le berger avec...

Un pilier du bistrot ne tient plus debout et commence à perdre l’équilibre et finit par s’écrouler au pied du bar.
— Sacrée cuite ! il en prend beaucoup ? demande le curé
— Depuis que sa femme est partie, c’est la première. Elle dure depuis deux mois !
— À force de siffler des coups de calva on a les jambes en compote et on tombe dans les pommes ! énonce sentencieusement l'instituteur.
— Toutes les catastrophes sont féminines, c’est connu !
— Féminines, je comprends mal.
— Tromperie, jalousie sont au féminin. Calme et équilibre sont au masculin, tu piges maintenant ?
— Tu peux généraliser : sexe aussi est au masculin.

— Un peu de tenue, insiste le patron en montrant une table.
— Les cafés ne sont-ils pas interdits aux mineurs ? ajoute perfidement le curé.
— Les curés écoutent bien des conversations égrillardes… j’ajoute sur le ton du défi.
— À ta place, je la bouclerai. Quel âge as-tu ?
— Un peu plus de dix-sept ans.
— Je m’en doutais, ramasse tes affaires… et dehors, rigole le patron.
— Monsieur le greffier, vous êtes l’homme qu’il me faut, j'avance me faisant chatte.
— Je ne suis pas libre ! affirme celui-ci.
— Il est question de ma liberté, à moi ! je relève immédiatement. Expliquez au patron qu’il ne peut pas me jeter dehors sous prétexte que je suis mineure.
— Exact ! la demoiselle est majeure, émancipée par une ordonnance de mon juge.
— Majeure la gamine ! On aura tout vu ! Il n’y a plus d’enfants !

— Qui parle d’enfants ? s’exclame l’instituteur.
— Il n’y en a plus paraît-il, je souligne effrontément.
— Il en reste au moins trente. Ils m’ont fait une vie d’enfer aujourd’hui.
— Faut les dresser, tu ne sais pas le faire depuis le temps que t’es instit ?
— J’ai égaré ma trique. Les temps modernes sont défavorables à la jeunesse.
— Ne te plains pas, ils sont trop jeunes pour se droguer.
— Ils se droguent… de télé, de publicités, de jeux vidéo, ils sont addictés à ces niaiseries et ne font rien en classe. À part dormir, ce qu'ils ne font plus chez eux !
— Le désordre a de l’avenir, dans vingt ans… où sera le pays ?
— À la retraite ! Il y aura plus de retraités que de travailleurs.
— On a intérêt à avoir de l’argent devant soi pour ses vieux jour, je vous le dis !
— Oui, pour en avoir devant soi, il faut en mettre de côté. En ce moment, c’est difficile, je suis comme ma femme.
— Ta femme a des difficultés, je ne savais pas.
— Même sans soutif, elle a du mal à joindre les deux bouts !
— La mienne a du rab !
— Qu’en pense la gamine majeure ?
— Soyons sérieux ! avec la politique, le pays court à sa perte… enfin, c’est mon opinion et je la partage.
— Qui vivra verra ! lance philosophiquement un client.
— C’est tout vu, j’ajoute sur un ton doctoral, tu vas être lavé, rincer, essoré avant de te faire étendre. Tu verras cela ne fera pas un pli, pour les bonnes choses, tu pourras repasser !

Liza
Dernière modification par Liza le 24 novembre 2016, 10:33, modifié 3 fois.
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Re: Au café 06

Message par Montparnasse »

Drôle de curé dans ton coin ! Il tient la distillerie de la paroisse ? smile
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Au café 06

Message par Montparnasse »

J'ai des questions sur ton café :

Qu'est-ce que ton syndicaliste entend par : « Les Amerlocs vont passer à la caisse » ?

Et je ne suis pas d'accord avec ça : « Un pilier du bistrot ne tient plus debout ». C'est paradoxal, un pilier, ça doit tenir debout, sinon ce n'est pas un pilier, c'est un parquet, un parquet de bistrot.

Ca, c'est vrai : « À force de siffler des coups de calva on a les jambes en compote et on tombe dans les pommes ! » mais ça marche aussi, dans l'Hérault, avec le pastis.

« Les curés écoutent bien des conversations égrillardes… j’ajoute sur le ton du défi. » ---> N'aurais-tu pas dû... oh, la vache ! bon, n'aurait-il pas mieux valu... bref, cététi pas mieux de dire : « ajouté-je sur le ton du défi » ?

« Monsieur le greffier, vous êtes l’homme qu’il me faut, j'avance me faisant chatte. » ---> Même chose. Finalement, est-ce bien du présent ?

« ils sont addictés à ces niaiseries » ----> Ough ! Mes oreilles saignent, jeune sauvageonne ! (rire) : « ils sont dépendants de ces niaiseries »

« C’est tout vu, j’ajoute sur un ton doctoral » ----> Voir plus haut (avec le même doute)
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Re: Au café 06

Message par Liza »

Les Américains vont passer à la caisse avec le neveu de Picsous (ok tiré par les cheveux)

J’ai utilisé pilier de bar au sens habitué, buveur. Enfin, pilier qui s'écroule c'est amusant, non ?

Siffler le calva (vient de la pomme) les jambes en compote (pommes) et tombe dans les pommes. Je ne sais pas si cette ligne marcherai avec le pastis.

J’ajoute sur un ton de défi : la phrase n’est pas interrogative, l’inversion ne s’impose donc pas.

Addiction (même si c’est un anglissime) est plus significative et mieux associé à la drogue que dépendance. J’aurais dû écrire « assuétude » pour parler français… qui connaît ?

Le choix des mots fait partie du style, comme le mélange des temps (c’est une figure de style).

L’écriture toute sage n’est-elle pas plate ? C’est ce que l’on me reproche lorsque je me borne à écrire soutenu.

Rassurez-vous ! J’ai prévu de m’y remettre pour les prochaines histoires.
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Re: Au café 06

Message par Montparnasse »

J'avais compris tes allusions à la pomme. Ici, ça marche aussi sans jeu de mots, avec le pastissier (l'arbre à pastis).

« ajouté-je » n'est pas une forme interrogative, si ? Elle remplace « ajoute-je » qui n'est pas plaisant. C'est affirmatif, présent de narration (je crois). Ah non, je pensais au passé simple ! et ça s'écrit : « ajoutai-je ». Tu dois avoir raison. Désolé... C'est parce que je préfère le passé simple pour les narrations, surtout pour les dialogues.
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Re: Au café 06

Message par Dona »

Moi, j'adore ce registre ! Il y a des trouvailles en or ! (ex: premier paragraphe), on dirait parfois du Pagnol.

Bravo Liza !
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Re: Au café 06

Message par Montparnasse »

Eh, professeur Dona, toi, que penses-tu des inversions ? Oui ou non ?

Moi, je dirai « Les curés écoutent bien des conversations égrillardes… ajoute-t-elle sur le ton du défi. » Mais à la première personne, ça donne quoi ?
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Re: Au café 06

Message par Dona »

Oui, je suis d'accord avec toi pour "ajouté-je" dan ce contexte ou bien "ai-je ajouté"...

Franchement, "le neveu de Picsou" c'est génial ! Je m'en tiens à une impression générale : ce que l'on retire d'une conversation au café du Commerce. C'est vivant, gouailleur, peuple... je ne fais pas d'analyse de texte quand je n'ai pas le temps... :rouge:
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Re: Au café 06

Message par Montparnasse »

C'est la conversation du café réinventée dans le cerveau de Liza. Ou alors je ne fréquente pas assez les cafés. :)
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Re: Au café 06

Message par Liza »

Dommge, tu y perds, le café du Centre est une mine d'or avec sa faune disparate d'habitués. Je ne vais plus y aller.
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