Boniments

[Liza]

Boniments

Les filles rêvent du garçon baraqué, taillé en athlète. C’est un mauvais placement, dans vingt ans, il sera flétri. Je vis dans la douceur de l’ivresse de la jeunesse, je ne souhaite pas devancer l’appel des sens tendre l'oreille aux boniments me contente.

J’ai le temps d’attendre que l’on me dise ce que je souhaite entendre. Les vaines promesses de caresses ne m'attirent pas. Je préfère les murmures d’amour sincère ou non, les mots m'excitent. Me faire un brin de cour ne nuit pas. À écouter de tendres aveux, mon cœur jamais ne se lasse. J’ai besoin de me laisser griser par les mots, le cœur chaviré. Avoir chaud, avoir froid dans une même seconde.

Dans mon premier rêve amoureux je veux pousser le premier cri de mon cœur qui s’étire et s’ouvre devant la vie. Sentir mes joies enrôlées par des mots fous. Le front brûlant de fièvre la tendresse au bord des lèvres. Trouver au fond des yeux le reflet des miens ardent et profond tel le soleil d’un jour sans fin. Je veux oublier d’être sage, dans cette vie qui n’est qu’un passage, j’écoute en riant les compliments flatteurs. Au diable les sermons, il faut vivre sa passion. J’aime ces drôles de sensations chuchotées dans mon cœur par une bouche ardente fut-elle menteuse. Me sentir emportée, même si je n’ai envie d’aller nulle part. Perdre mes forces et mes rires en devinant le rose de mes joues et la pâleur de l’éclat de mes yeux.

Assoiffée, du matin à la sortie de ma couche jusqu’au soir, j’aime entendre de fausses propositions louches. Un amoureux de papier mettra le feu à mon âme en y murmurant ce que j’attends. Ressentir chaque jour le frisson du langage les poils de mes bras dressés sous les mots. Envoutée, me faire aimer comme l’ange inaccessible que l’on prie. Explosée, par les mots déchirant mon âme me souillant de sang rouge aux joues. Me faire prier à genoux sur les marches de pierre d’un calvaire.

Étourdie, je pourrais tomber en miettes si l’on trouve les mots qu’il faut. Tout un monde qui se déroule dans mes rêves et s’enroule sur un amoureux vocabulaire. L’endroit ne ressemble pas toujours à l’envers. Comment séparer qualités et défauts entre les mots ? Mon cœur rebondit comme une balle, je souhaite l’éloigner de ceux qui jouent au ballon. Dans ses bras saura me prendre, celui qui chantera mes louanges sur les chemins tendres.

Je choisis le bonimenteur, celui qui caresse avec des mots, je laisse l’athlète aux dindes, elles sont volées. Dans trente ou quarante ans, mon beau parleur sera comme les autres : calvitie naissante, dos courbé et ventre apparent. Toutefois, je n’y perds rien, il gardera son charme. Mon plaisir restera intact : il sera toujours capable de me dire ce que je souhaite entendre et chanter mes louanges sur les chemins tendres.

[Liza]

J'ai ce texte sur l'estomac depuis trop longtemps. Je l'ai trituré plusieurs fois sans arriver à lui faire prendre une tournure qui me convienne.

Je l'ai repêché dans la poubelle, qu'en dira Spleen est-ce de la prose de poubelle ?

Effacé de l'ordi, cela me soulage, s'il est trop moche, Montparnasse tu l'effaces.

[Dona]

J'aime ce texte pour sa facture un peu désuète mais, comme Servanne, je ne trouve pas qu'il soit le meilleur de ta production: peut-être un peu trop de recherches dans les sons... Il paraît un peu surfait même s'il est poétique et drôle.

Je suis tellement transportée par "Volage" ou "Je cherche" ou "Le Bar" ou la fille dans le champ ou la course cycliste... que j'adhère un peu moins à "Boniments".
Cependant, je t'envie d''avoir pu l'écrire, comme très souvent... smiley clin d'oeil !

[Liza]

Un texte de poubelle, nous somme d'accord sur ce point ! Si cela ne me vient pas du premier jet, je peux le jeter tout de suite.

Essayer de l'améliorer le rend pire. J'ai retenu la leçon !

[Montparnasse]

Je suis d'un avis totalement opposé. J'aime beaucoup ton nouveau style. Tu fais parler les émotions en prenant plus de risques tout en conservant ta maîtrise stylistique. C'est très réussi et prometteur.

J'ai supprimé un « me » en trop quelque part. Fais-moi confiance. Et j'ai rajouté un point après : « l’éclat de mes yeux ».

Je reviendrai sur ce texte samedi, je le stocke d'ores et déjà dans le fichier « Ecrits amis ».

[Montparnasse]

Avoir chaud, avoir froid dans une même seconde.

Celui-ci m'évoque Louise Labé... même si, de ton côté, tu ne prônes que la sensualité des mots.

De la même veine :

Le front brûlant de fièvre la tendresse au bord des lèvres.

J’aime ces drôles de sensations chuchotées dans mon cœur par une bouche ardente fut-elle menteuse.

Dans l'art aussi, toute falsification est permise pourvu qu'on ait l'ivresse. « Peu importe le flacon... »

Un amoureux de papier mettra le feu à mon âme en y murmurant ce que j’attends.

Comme au théâtre, le décor est factice, les acteurs sont des illusions. Seule l'émotion est réelle.

Dans ses bras saura me prendre, celui qui chantera mes louanges sur les chemins tendres.

Un peu plus difficile à entendre, à cause de l'inversion. L'expression « me prendre dans ses bras » est la seule qui soit parfaitement claire.

« Celui qui saura me prendre dans ses bras est celui qui chantera mes louanges sur les chemins tendres. »

Tu devrais atténuer certains passages dont le romantisme est trop exacerbé. Le lecteur de 2016 se laissera plus facilement capté par des fils au charme plus doux, par des sentiments moins absolus. Mais j'ai beaucoup aimé tout ce que j'ai cité.