Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

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Liza
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Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Liza »

Lutte de classe dans un autre langage

— Tu veux me parler, annonce un garçon en s’asseyant sur un banc de la cour du lycée Prévert près d’une brunette élégamment vêtue.
— Oui, je veux te demander un service, avance la fille dont les yeux marron n’ont rien d’amical.
— Venant d’une nana comme toi, je suis méfiant ! Demande toujours, propose le garçon.
— Je souhaite que tu me laisses la première place ce mois-ci, tu peux me rendre ce service, c’est important.
— Alors là que dalle, tu l’as chopée le mois dernier, tu ne vas pas l’avoir ce coup-ci sans bosser. Anne-Laure, tu abuses.
— Je t’assure, c’est primordial pour moi, affirme la fille péremptoire. Marc, s’il te plaît !
— J’aurais tout entendu, la fille de bourges, qui se prend pour le nombril du monde, devient aimable et implorante avec les zonards, je ne te reconnais plus !
— Mon père sera là !
— Eh alors, si tu veux être la première tu torches le boulot comme il faut, c’est tout.
— Si je n’y arrive pas ?
— J’y arrive bien moi ! Ouvre tes quinquets : c’est moi, le mec détestable des bas-fonds de la cité aux murs peinturlurés, habitant dans un logement de la taille de ton dressing. La petite Barbie du château avec sa piscine ne va pas se noyer dans un verre d’eau. Elle peut se la faire toute seule sa première place, elle révise un peu et elle gagne le pompon.
— Tu es vachard. Mon père vient pour mon anniversaire, je voulais lui faire ce cadeau, pleurniche la fille.
— Je ne mords pas là-dedans, je crois que tu penses surtout à ta pomme dans cette histoire.
— À moi, je ne vois pas… avoue Anne-Laure.
— Pas de salade avec moi, tu entraves très bien ce que je veux dire.
— Je t’assure, je ne vois pas !
— Je t’assure, je ne vois pas ! reprend Marc en imitant la fille. Le rôle de pouffe ne te convient pas, tu n’as ni l’effronterie d’une bimbo ni d’une lolita ou d’une gigolette, trop raide, trop racornie. Je ne kiffe pas ta proposition, elle sent le coup fourré à plein nez !
— En résumé tu refuses de me laisser la première place.
— Tu as tout imprimé ! Et ta demande me colle la haine, compte sur moi, je vais tout faire pour te mettre la honte. Ta proposition sordide me donne envie de te bananer avec tes plans tordus.
— Sordide ? Comment y vas-tu ? Tu ne fais jamais plaisir à ton père toi ? s’exclame la brunette.
— Lorsque j’ai de bonnes notes mon vieux est content, c’est tout. Les miennes je les gagne. Le tien ne va pas clamser pour un graffiti du prof sur ton bulletin.
— Tu veux combien pour me laisser la place, insiste Anne-Laure.
— Tout de suite, on parle pognon, c’est le seul argument des riches, celui qui ne marche jamais avec moi, je vais résister, me défoncer grave, tu es prévenue.
— C’est pour mon père !
— Arrête ton cinoche. À force de tremper tes fesses dans ta piscine, le chore a ramolli ta comprenoire. Ton pater t’a promis monts et merveilles. Il t’a promis quoi au juste ? Pas un tacot, tu n’as pas le permis ! Alors c’est quoi ?
— Tu as le culot de supposer… et d’affirmer que je suis intéressée et de mauvaise foi ! proteste Anne-Laure
— Tu marnes, les notes feront la différence, le jeu ne sera pas truqué, je ne vais pas m’aplatir devant une meuf comme toi qui m’évites comme la peste quand elle n’a besoin de rien
— Je m’en doutais, tu transformes tout en lutte des classes. Pour toi, il n’y a que deux catégories : les riches et les pauvres. Vous êtes tous pareils !
— Avec tes copines, tu regardes les zonards du quartier uniquement pour nous trouver mal lingés et rigoler sous cape.
— Lingés…
— Habillés si tu préfères… Vous nous zieutez en douce pour vous foutre de nos blousons, de nos grimpants et de nos grolles qui ne sont pas à la mode. Maintenant, tu oses t’aplatir pour me demander une faveur. Je te croyais plus farouche au respect des principes de la haute société.
— C’est pour mon père…
— Désolé, notre linge, même propre, ne va pas dans le même panier. Imagine ton pyjama en soie et le mien, d’avant-guerre, récupéré au secours populaire, épinglé côte à côte sur la même corde, tu vois le tableau. J’en ai trouvé le titre : Disgrâce d’Anne-Laure. Je te conseille de réviser. Cette fois tu vas ramer.

— Tu vois le résultat de nos chamailleries, ronchonne Anne-Laure trois semaines plus tard, attrapant le bras de Marc qui s’apprête à sortir du lycée. Ce n’est pas juste.
— Le meilleur a gagné, c’est nickel non ? Anthony a fait fort, tu es dans les choux et moi avec.
— Troisième, tu parles d’un classement, mon père va être déçu, affirme la gamine. Et le tien ?
— Le mien sait qu’il y a des hauts et des bas dans la vie. Et moi aussi je m’en tape. Je pouvais rendre un ou deux devoirs pourraves. Malgré mon refus, je me suis retenu pour te favoriser, un peu par défi.
— Cela n’a servi à rien, reconnaît Anne-Laure avec un léger sourire vers le garçon.
— Et tu y paumes ton scooter, affirme le garçon avec un petit rire narquois. À pattes la môme encore un bon moment !
— Comment… tu sais ? Ah, les copines ont parlé.
— Tout le lycée est au courant ! Anthony a profité de la situation et tout le monde y perd. Le trucage est toujours découvert un jour ou l’autre, ce genre de bricolage est pourri. En essayant de m’acheter, en montant ton clan contre moi, tu as ouvert la lourde toute grande à l’intrus. Sans ta cabale, j’étais second, toi, je ne sais pas ! Je mets le paquet pour le mois prochain, tu devras sérieusement t’agripper à ton pupitre pour le garder…

Liza
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Liza
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Liza »

À vrai dire, j’ai eu beaucoup plus de mal à rédiger cette seconde version que la première. Les mots ne me sont pas familiers. J’ai ajouté deux ou trois choses pour river le clou, à vous de juger.

Désolée, je dois être faite pour le langage soutenu, enfin, disons plus simplement le langage ordinaire, le populaire m’échappe un peu.

Histoire de battre la bourge, Marc va se défoncer. Il faut le dire, lorsque l'on a une motivation, la finalité est plus évidente et cela facilite les études en général. Je vous rassure j'ai un objectif précis et je compte l'atteindre avant la fin de l'année.

J’envoie avant que ça coupe, j'ai une connexion clignotante !
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Dona »

Allez Liza, courage !

Je suis curieuse de voir ce que ça peut donner en langage "peuple" ! sourire
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Montparnasse
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Montparnasse »

Oh non ! on a ce qu il faut en dehors de Spleen ! Je préférerais lire une version dans la langue du XVIIeme ou du XVIeme. :super:
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Dona »

Ah ah ! Ce serait drôle de le faire un peu "à toutes les sauces" !! :))
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Liza »

Ce texte est uniquement un exemple pour montrer qu’il est possible d’écrire les descriptions sans sortir du dialogue.

J’ai choisi cette histoire parce qu’elle m’est arrivée, en pire, il y a peu de temps. Un garçon m’a demandé, non seulement de le laisser remporter la meilleure note dans un devoir de français, mais en plus, il a eu le culot de me proposer, contre rémunération, de lui écrire le devoir pour qu'il soit certain d’avoir la meilleure note. Où s'arrêtera l’effronterie et le culot des nantis ?

Bon, j’ai compris, désormais je me cantonne à mon écriture traditionnelle, conventionnelle et soutenue.
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Dona
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Dona »

Liza a écrit :
Bon, j’ai compris, désormais je me cantonne à mon écriture traditionnelle, conventionnelle et soutenue.

Tu ne devrais pas ! Tout est prétexte à élargir sa manière d'écrire. D'ailleurs, tu as déjà à ton registre une sacrée gouaille que j'avais déjà lue et commentée dans certains de tes textes...
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Liza
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Liza »

Ma gouaille, comme tu dis, doit rester « respectable ». Je l’ai déjà dit, ma prose doit pouvoir être lue par n’importe qui, n’importe où et devant tous les publics.

Nous recevons les gendarmes régulièrement, ils nous martèlent avec insistance la durabilité de nos dépôts sur internet. Cela me fâcherait beaucoup de voir apparaître, dans un avenir plus ou moins proche, un texte malséant, grossier ou injurieux signé Liza. Même dans dix ans !

J’y ai mis des mots qui me plaisent, ils sont vieillots, tant pis, ils sont « respectables ». Ce style ne me rajeunit pas, je m’en fiche. J’assume la courtoisie de mes mots, même en argot.

Maintenant, l'égout et les odeurs ne se discutent pas, elles sont personnelles à chacun d'entre nous.

J'ai fait une seconde édition par défi, je n’aurais pas dû la faire.
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Dona
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Re: Lutte de classe (réécrit en langage cour de récré)

Message par Dona »

Mais oui, je suis d'accord avec toi, il ne s'agit pas d'être vulgaire. Ta deuxième mouture a du charme : ce n'est pas l'argot d'aujourd'hui mais un argot plus ancien. Ce n'est pas un problème en soi, c'est juste un décalage assez drôle. sourire
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