La colère et les mots

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Liza
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La colère et les mots

Message par Liza »

La colère

Je suis une fille qui vit dans un monde double de lecture et d'écriture et je ne m’en plains pas. On m’attribue des gestes calmes et ordonnés. On me trouve posée et l’on compare mon caractère à la douceur du pelage d’une jeune chatte. Les portes des murmures et des écrits de Spleen vont bientôt se fermer. En ce jour de clôture, une confidence je vous laisse à méditer. Vraie, fausse, qui le sait ? L’épais brouillard de mon écriture ne dévoilera jamais ma vérité. Imaginez !
Ma vraie personnalité dort dans un hypogée invisible, elle devient un enfer lorsqu’elle sort de terre ! Je n’arrive jamais à maîtriser mes nerfs. Je perds le contrôle et la folie me frôle. Le feu prend mon corps, le léchant comme du bois mort. De mon cœur jusqu’à mon ventre se répand une lave brûlante. Pire qu’un feu de pins, par le vent attisé, de l'intérieur je suis embrasée. Tout ce que je tiens dans mes mains, ne fût-ce qu’un instant, s’enflamme instantanément. Comme une folle, je m’entête et crie à tue-tête. Cet amalgame bouillonnant descend lentement, me rendant aboulique, comme droguée aux pinacoliques, il détruit le raisonnement par la colère, emportée. Finalement, à bout de souffle, elle s’éteint en tombant dans le lac du ressentiment, estompée.

Heureusement, je suis rusée et habile à dissimuler ! Quand mon âme se brouille, ma tête fouille et je détourne cet embrasement à mon profit. Je canalise la fumée et l’opacité pour créer une impression de repos et de calme dans mes yeux. Je les colore d’un brun lumineux et limpide comme ceux des couchers de soleil de ces horizons lointains, autrefois, vantés dans les cantilènes. Et il n’y a pas plus calme que moi et détendue des scalènes.

Quand les flammes ont terminé leur révolte et quitté mon corps, l’enfer s’éteint. Ceux qui me connaissent me voient alors baignant dans mon ciel d’azur près de l’arbre de ma vie, un cerisier du Japon aux branches de rose fleuries. Au milieu d’un horizon rougeoyant qui emporte les restes de ma foudroyante colère, quelques nuages blancs récitent une églogue annonçant le beau temps.

Si tu veux rester mon sigisbée préféré, ne met pas le feu sous ma peau. Le corps incendié, la rage au ventre, je suis capable de t’allumer d’un regard, comme un brasero. Je me délecterai de te voir te consumer, heureuse et satisfaite, au risque de sentir ta fumée m'asphyxier. S'il te plaît, soit mon ami, un soupçon érotomane, j’ai l’obsession d’être aimée. Dommage pour nous deux, si nous en arrivions à ces extrémités, nous serions fâchés.

Liza
Dernière modification par Liza le 19 avril 2016, 17:28, modifié 4 fois.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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Re: La colère et les mots

Message par Liza »

@ Dona

Voilà Dona, le peu que j'ai réussi à faire de tes mots.

Avec ce clavier normal réduit et disposé d'une autre façon, il m fallu une heure pour taper ces quelques phrases.

J'espère avoir « bien enrobé » tes mots, il faut le dire peu utilisés sur les forums. J'ai dû consulter pour deux : aboulique et sigisbée !

Deux que mes lecteurs ne se donneraient même pas la peine de chercher. Alors à quoi bon les écrire.

Ne dit-on pas « parler aux ignorants les instruit », reste à prouver !

Si tu le souhaites, pendant le blak-out, Monp' sait où trouver mon écran.
Dernière modification par Liza le 16 avril 2016, 21:08, modifié 1 fois.
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Dona
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Re: La colère et les mots

Message par Dona »

Salut Liza,


Je vais essayer de lire maintenant. Ca a l'air pas mal du tout !

Remarque : Sigisbée prend un "e" final (c'est le chevalier servant).


Des ignorants, il y en a plein sur le net et surtout sur les forums mais pas sur spleen. sourire
Ici, on ne prétend pas être un forum littéraire, on prétend être un forum où l'on accueille les gens qui aiment lire, écrire et qui s'intéressent à plein d'autres sujets et comme dit Montparnasse, ici, nous sommes colocataires. De fait, on partage le "loyer" et les corvées dans la mesure de nos prérogatives.

Il n'est pas question d'en mettre plein la vue mais de réemployer des mots qui malheureusement ne servent plus beaucoup... à part dans les livres. Fort heureusement, j'en découvre encore dans les romans que je suis en train de lire. C'est le cas de "friselis" par exemple... Je ne m'en souvenais plus et je suis bien contente de l'avoir recopié dans mon lexique et je m'empresserai de l'utiliser à la moindre occasion.
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Dona
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Re: La colère et les mots

Message par Dona »

O fille du Feu !

Ton texte est-il vrai ou exagéré... on s'en fiche. Ce qui compte c'est le feu sacré qui brûle dans ces mots et pour filer la métaphore, je dirai qu'on en sent bien la braise. Sourire

Quelques commentaires cependant, je commence par le négatif :

« Je suis une fille qui vit dans un monde double et je ne m’en plains pas. »
Que désigne ce monde double ? Ce n'est pas clair du tout... Tout comme cette phrase : 
« Les portes à flots de murmures et d’écrits de Spleen » nébuleuse et lourde.



Alors là, c'est le changement de registre qui choque : « de l'intérieur je suis cramée. » c'est trop familier


« Tout ce que je tiens dans mes mains, ne fusse qu’un instant » : il y a un problème de temps ici

Des lourdeurs ici :  « Je canalise l’opacité pour créer une impression de repos et de calme dans mes yeux. » Que veux-tu dire ?

Ah j'aime beaucoup cet effet de métaphore filée mais ce n'est pas très réussi, je trouve. Il faut la remanier.

« Même de me délecter de te voir te consumer, heureuse et satisfaite de sentir ta fumée m'asphyxier. »
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Dona
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Re: La colère et les mots

Message par Dona »

J'apprécie énormément la fin notamment avec « j'ai l'obsession d'être aimée ». On a l'impression que mieux comprendre cette fille qui peut brûler de rage quand elle se met en colère et devient incontrôlable. C'est un aveu qui attendrit le lecteur (que l'aveu soit vrai ou non, que la fille soit réelle ou pas).

On est sensibles aux effets musicaux (toujours dans tes textes) comme ici par exemple : 

"Ma vraie personnalité dort dans un hypogée invisible, elle devient un enfer lorsqu’elle sort de terre ! » où là : « Cet amalgame bouillonnant descend lentement, me rendant aboulique, comme droguée aux pinacoliques, il détruit le raisonnement par la colère, emportée. Finalement, à bout de souffle, elle s’éteint en tombant dans le lac de mon ressentiment, estompée. » (j'aurais plutôt dit – le lac du ressentiment-)

Belle peinture d'une jeune fille tout enflammée. sourire. Du coup, la fin nous dit qu'en amour, c'est pareil ! Ca fonctionne bien comme portrait littéraire !
Pour un texte que tu as dû écrire du premier jet, c'est bien réussi en plus d'utiliser la contrainte des mots imposés ! Mais il faudrait passer au second jet pour alléger certaines tournures.

A+ la miss

ps: je suis obligée d'aller chercher "pinacolique" dans Larousse...
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Liza
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Re: La colère et les mots

Message par Liza »

Le pinacol est un produit issu de la distillation de l'acétone. Je l'ai écrit ici dans le sens drogue à respirer.
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Re: La colère et les mots

Message par Liza »

@ Pour Thétis

Thétis, te souviendras-tu de moi ? Tu avais tout le Spleen à tes pieds, suis-je oublié ? Au fond de ma tendresse, tu as une place de choix. J’ai toujours fait attention à ne pas contrarier ta courtoisie. Je t’ai considéré comme une amie tout en attendant bien plus de toi. Te souviendras-tu de nous quand dans l’oubli on tombera. Nous nous sommes rencontrés en des lieux virtuels et secrets où chacun de nous peut rêver.

Je t’ai transmis fidèlement tout ce que l’on m’a donné, tu m’as envoyé tes simples mots en recommandé, facteur de cette belle entité que tu représentais, je les ai réécrits avec fidélité pour qu’ils soient lus et appréciés.

Thétis, je t’aimais, tu auras une longue vie dans ma mémoire, mais toi, te souviendras-tu de moi avant d’être décarcassée, décâblée, dépiécée et, comme moi recyclée ?

Ici je n'ai pas d'imprimante à encre expansive pour vérifier sur le papier, alors certaines erreurs passent gaillardement par les oreilles, mais n'atteignent pas le cerveau !

Tornado
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Re: La colère et les mots

Message par Montparnasse »

« Seule entre les déesses de la mer, Zeus m'a soumise
À un mortel, l'Éacide Pélée, et fait entrer
Malgré moi, au lit d'un mortel, qui traîne en son palais
Une vieillesse amère. »

(Homère, Iliade, Chant I)

Thétis, la plus belle des Néréides fille de Nérée et de Doris, était recherchée par Apollon, Poséidon et Zeus, lorsque l'oracle déclara que le fils, qui naîtrait d'elle serait plus grand que son père. Tous les dieux alors se retirèrent, et Thétis, réduite aux simples mortels, accepta pour époux Pélée, roi de la Phthiotide. De ce prince obscur elle eut Achille, le plus grand des héros grecs, et la prophétie fut ainsi accomplie. Thétis plongea son fils dans le Styx pour le rendre invulnérable. Le talon par lequel elle le tenait demeura son seul point faible. Plus tard, la flèche de Paris dirigée par Apollon le frappera mortellement à cet endroit. Voulant l'empêcher d'aller au siège de Troie, Thétis le cacha à Scyros parmi les filles de Lycomède ; quand Ulysse l'y eut découvert et l'eut décidé à le suivre à Troie, Thétis fit forger pour Achille par Héphaïstos un bouclier et une cuirasse impénétrables. C'est aux noces de Thétis et de Pélée que la Discorde lança la pomme d'or que Pâris adjugea à Aphrodite comme prix de la beauté.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: La colère et les mots

Message par Montparnasse »

Thétis implorant la clémence de Zeus pour son fils Achille.

A ceux qui ont besoin de voir :

"Jupiter et Thétis" (Ingres, 1811).

Image

A celle qui n'en a pas besoin :

Iliade, Homère traduit par Bareste (1843)

Dès que paraît la douzième aurore, tous les dieux éternels retournent dans l'Olympe, ayant Jupiter à leur tête. Thétis, qui n'a pas oublié les prières de son fils, sort du sein des ondes, monte au point du jour vers les cieux, et trouve le formidable fils de Cronos assis loin des autres dieux sur le sommet le plus élevé de l'Olympe. Elle se tient devant lui, presse de sa main gauche les genoux du dieu, et de sa main droite elle lui caresse le menton en lui disant d'un ton suppliant :

« 0 Zeus, père souverain, si jamais, entre les immortels, je te rendis un service ou par mes paroles ou par mes actions, exauce mes vœux : honore Achille qui, parmi tant de héros, a la plus courte destinée. Agamemnon lui-même, le roi des hommes, l'outrage à cette heure ; il garde en sa possession la récompense de mon fils qu'il vient de lui ravir. Mais venge-le, ô toi, Jupiter, le plus prudent dieu de l'Olympe ; accorde la victoire aux Troyens jusqu'au moment où les Grecs rendront hommage à mon fils, et le combleront d'honneurs. »

Elle dit. Zeus, qui commande aux nuages, ne lui répond point, il garde un profond silence. Alors, tenant toujours ses genoux embrassés, Thétis l'implore de nouveau :

« Fais-moi donc une promesse ; accorde-moi ou refuse-moi cette grâce, puisqu'aucune crainte ne peut te retenir, afin que je sache si de toutes les déesses je suis la moins honorée. »

Zeus, soupirant profondément, lui répond :

« Que d'affreux malheurs se préparent ! Tu vas me rendre odieux à Héra, qui m'irritera par des paroles offensantes. Sans cesse, devant les dieux, elle m'attaque et m'accuse de favoriser les armes des Troyens. Mais retire-toi, Thétis, et que Héra ne t'aperçoive pas. Je songerai à l'accomplissement de tes vœux ; et, pour que tu ne doutes point de mes paroles, je te ferai de la tête un signe d'assentiment : c'est le gage le plus révéré aux yeux des immortels. Il n'est pas pour moi de promesse révocable, ni trompeuse, ni vaine, lorsqu'elle a été confirmée par un signe de tête. »

A ces mots, le fils de Cronos abaisse ses noirs sourcils ; sa divine chevelure s'agite sur sa tête immortelle, et le vaste Olympe en est ébranlé.

Après cette résolution, ils se séparent. Thétis, des sommets du resplendissant Olympe, se plonge dans les profondeurs de la mer, et Jupiter retourne à son palais. Les dieux, à la vue de leur père, abandonnent aussitôt leurs sièges, et, sans attendre son arrivée, tous se rangent au-devant de lui.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: La colère et les mots

Message par Liza »

J'ai apporté deux ou trois modifications à La colère, faisant droit aux remarques justifiées de Dona.
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