Musique

En vers ou en prose !
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Montparnasse
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

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The Loch Ness

Nessie

L'être humain, qui est une créature
tenaillée par l'ennui - avouons-le,
se plaît à créer des monstres imaginaires.

Ne voyons-nous pas, dans ce paisible loch,
terrassant l'ogre délicat de Baudelaire,
s'ébattre un mutin plésiosaure ?

Il profite de la nuit assassine
pour dissimuler son corps huilé et langoureux,
dans les brumes qui s'amassent
comme un poison, au-dessus des eaux,
puis, qui s'infiltrent librement
dans les replis de nos tortueux cerveaux.

Ce cheval de mer à belle encolure,
qui renie la théorie de l'évolution
et toute parenté avec l'hippocampe,

déploie sous un éclat lunaire opportun,
l'impérieuse majesté de ses quatre nageoires
pectorales et ventrales, en forme de diamant !

Regardez comme il est fort et beau,
quand il fait tournoyer son corps massif
- de quinze tonnes,

sous l'astre des nuits écossaises,
et qu'il s'abat sur les eaux calmes du loch,
en projetant des gerbes étincelantes.

Ce visqueux compagnon aime se reposer
de ses pêches sanguinaires,
au sein de profondes cavernes sous-marines.

Après avoir satisfait ses instincts de chasseur,
il y dépèce des proies vivantes
avec le subtil raffinement du gourmet solitaire.

Quand la bête est repue de carnage et de sang,
elle ne renâcle pas à épancher son âme.

De la lyre ou du luth, s'échappent alors
des notes inspirées, plaintives ou nostalgiques
qui semblent faites pour rendre hommage
à ceux qui contribuèrent à son dernier repas.

Si un caprice vous amène à vous pâmer,
dans les eaux glacées du Ness,
songez avec le plus profond respect,

que la créature qui vous dévorera,
existe depuis 135 millions d'années,

et que pour mettre au monde son dernier représentant,
elle n'a pondu qu'un œuf depuis que l'homme est apparu...
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

J'ai envie de faire deux changements :

1/ c'est dommage de ne pas établir une correspondance (visuelle) entre la lune, qui éclaire cette scène, et les gerbes d'eau projetées par la bête. J'ai remplacé "retentissantes" par "étincelantes".
Regardez comme il est fort et beau,
Quand il fait tournoyer son corps massif
— de quinze tonnes,

Sous l'astre des nuits écossaises,
Et qu'il s'abat sur les eaux calmes du loch,
En projetant des gerbes étincelantes.
2/ je reviens à ma version initiale en remplaçant "prélasser" par "pâmer". Même si le sens, ici, est un peu discutable. La poésie sert aussi à "pousser" la langue si nécessaire. En l'occurence, j'ai besoin de la musicalité de ce "pâmer".

Définition de "se pâmer", sens second (Le Robert) : Etre comme paralysé par une émotion ou une sensation très agréable.
Si un caprice vous amène à vous pâmer,
Dans les eaux glacées du Ness,
Songez avec le plus profond respect,

Que la pacifique créature qui vous dévorera,
Existe depuis 135 millions d'années,

Et que son espèce (hermaphrodite),
Pour mettre au monde son dernier représentant,
N'a pondu qu'un oeuf depuis que l'homme est apparu...
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Dona »

Oui, les modifications que tu proposes sont intéressantes, elles donnent plus de poids à certains passages.


J''aime beaucoup ce poème sur Nessie ! Smile

Les premiers vers forment vraiment une bonne accroche avec ce petit commentaire de l'auteur. La fin est très, très réussie : cet intervalle énorme entre la fantasmagorie du monstre et le fait qu'il n'ait pondu qu'un oeuf depuis l'aube de l'Humanité !

ps : Tu as déjà lu ce commentaire mais bon...c'est le mien :)
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

Merci Mme Dona ! :bouquet:

Je reviens sur la dernière strophe de Totem et sur le substantif (c'est bien ça ?) "Charmeresse" que l'on m'avait discuté. Pas ici, pas ici... :) A l'appui de la remarque que j'avais faite à propos de Hugo, puisque c'est par lui que j'avais découvert "charmeresse", j'ajoute ce passage d'Isis de Villiers de l'Isle-Adam, sur lequel je viens de tomber :
Les parfums des charmeresses antiques, un arome [sans accent] riche et subtil, une senteur de baumes, de styrax et de roses, l'étourdissaient.
Mot rare, certes, mais présent dans la littérature du XIXème. ;)
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Dona
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Re: Musique

Message par Dona »

Un mot rare et raffiné, je prends ! :)
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

Adeline

Adeline n'est pas plus épaisse qu'une brindille,
Elle est haute et droite comme un grand échalas.
Sa peau est dorée par le soleil de sa région
Et ses joues sont parsemées de taches de rousseur.

Elle a les cheveux mi-longs, coiffés en bataille,
Et de grands yeux bleus,
Qui vous disent bien net tout ce qu'ils veulent.

Son front est obstiné,
Mais elle est jolie fille : bien plantée et fine méditerranéenne ;

Muette, elle l'est, mais sourde pas du tout.
Son expression orale se limite à trois sons :
Le premier, souple et interrogatif, exprime le oui,
Le second, bref et dur, lui sert pour dire non,
Et le dernier est un cri d'alarme ou de révolte, très aigu,
Qu'elle utilise en cas d'extrême nécessité.

A celui ou celle qui se colle un peu trop,
Elle donne un grand coup de talon sur le pied.

Si vous lui plaisez, ne vous attendez pas
A susciter trop d'effusions.
De sa bouche, aucun son ne parviendra à vos oreilles ;
Ce sont ses yeux et son sourire qui feront tout.

Ses dix-sept ans ne connaissent pas de romance.
Mais elle a de grandes passions
Auxquelles vous ne pourrez lui faire renoncer
Sans que ne se dresse contre vous la résolution la plus ferme.

Elle consacre une grande partie de son temps
A l'élevage de ses pigeons et des ses lapins.
Tout un monde animal s'éveille à la vie, s'ébat,
Folâtre joyeusement, dans un enclos qui lui est réservé.

Ses pensionnaires reçoivent d'elle
Les soins les plus empressés :
Eau, nourriture, ménage, caresses ;
Tout est dispensé en abondance par la maîtresse des lieux.
Ses doigts fins et agiles règnent sur ce peuple docile,
Avec intelligence, indulgence et équité.

Néanmoins, elle juge les membres de son académie,
Avec son propre code moral et leur attribue
La même intelligence, la même sensibilité,
Qu'à n'importe quel être humain ;
Ce qui suscite en elle de l'affection, de l'indignation,
De la colère, parfois même des larmes,
Et une sévérité passagère à l'encontre des présumés coupables.

Peut-être parviendrez-vous à l'intéresser
Aux préoccupations qui sont les vôtres ?
Saurez-vous bercer ses humeurs sauvageonnes
Avec une musique délicate et langoureuse ?

Il faudra agir finement, provoquer la surprise,
Lui faire croire qu'elle est à l'origine de la découverte,
Et ne pas l'inciter directement à venir écouter.

Jamais, vous n'arriverez à vos fins,
En agissant sur elle par la force.
Elle mettrait tout en oeuvre pour vous résister,
Et afficherait le plus profond mépris
Pour l'objet de votre admiration.

Si, de votre côté, vous trouvez grâce à ses yeux,
Elle le manifestera avec des attitudes de pudeur discrète.
Vous montrera, avec assez d'animation,
A peu près tout ce qui l'intéresse.

Vous aurez droit à des démonstrations éloquentes
Et fort détaillées, sur telle ou telle chose, qui l'occupe,
Lesquelles sauront compenser toute explication orale.

De fait, avec suffisamment de compréhension
De la part de ses maîtres,
Elle a pu suivre une scolarité normale,
Sachant lire, écrire et compter parfaitement.

Vous parviendrez peut-être à lui faire aimer
La poésie délicate, expressive, lyrique,
De quelques grands auteurs.
Alors, ce sera sa belle et grande passion ;
Elle s'y livrera totalement,
Y trouvera des révélations inespérées,
Des plaisirs abyssaux, longs et entraînants.

Un jour, vous l'embrasserez sur la joue,
Comme l'ami que vous êtes,
Pour lui faire comprendre que vous l'aimez.

Alors, peut-être, osera-t-elle poser
Ses grands yeux bleus sur vous ?
Peut-être, aura-t-elle le courage
De prendre votre main, dans sa main hésitante,
De vous rendre votre chaste baiser,
Et de vous chuchoter « Merci »
Dans une langue toute neuve ?
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Musique

Message par Liza »

Bravo Montparnasse, je reconnais quelques-unes de mes attitudes, ce n’est pas facile d’imaginer ce qu’est la mutité. Surtout pour une bavarde !
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
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Re: Musique

Message par Dona »

Ah ! Elle est touchante cette jeune fille ! C'est un beau texte. Quelques caractéristiques balzaciennes?... Mais elle n'est pas assez méchante pour cela...
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

Merci Madame, Mademoiselle ! :) (sourire)

J'ai fait des modifications (syntaxe, vocabulaire, ponctuation) qui, j'espère, vous plairont. Elles concernent plusieurs strophes. Ne me demandez pas lesquelles, j'ai déjà tout oublié !
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Re: Musique

Message par Montparnasse »

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Les Marquises

Un brouillard épais a chargé l'atmosphère
de ses langueurs marines.
Les embruns pesants d'un océan ombrageux
ont finit de noyer l'immense végétation,
la montagne et les vallées.

Tout est blanc au sein de la prairie,
et se condense sous les haleines glacées
de l'herbe cristallisée.
Entre les arbres de la forêt humide,
des doigts de pluies s'immiscent lentement,
rampent confusément.

Avec ses anses qui se referment,
l'île protège ses merveilles, jalousement.
Derrière un cordon de sable,
la lagune se recueille en attendant l'orage.

Au pied de la montagne s'épand une rivière,
qui mêle au secret des âmes,
les larmes du matin et les sanglots du soir.

En altitude, l'alizé a réchauffé la tête glabre des volcans.
Ils vont s'ouvrir et crever bientôt sous l'ondée meurtrière ;
un gaz soufré va se mêler à la vanille et au tabac,
et tuer les élégants herbivores
qui dominent la terre entourée d'océan ;

Des chevaux, des chèvres,
mais aussi des carnivores, des chiens !
aux cruelles mâchoires desquelles,
pendent des bras d'hommes et d'innommables lambeaux.

Indifférent, l'arbre à pain pousse son grand corps
à travers la terre au sable dispersé.
Les cocotiers font figure de nains.

Des falaises fouettées par les grains
dressent leur murailles pétries d'angoisse et de volonté lâche.
L'océan qui se baigne à leur pieds
se rit de cette immense candeur.

Vingt fois, la terre s'est retournée
en jetant au ciel sa lave mortelle ;
mais un rideau de pluie l'a balayée de son indifférence grise,
continûment, en charriant dans la mer,
le carbone et tous les minéraux.

L'océan grondeur a entouré ces îles volcaniques
de sa masse destructrice.
Il va avaler l'homme, sa croyance, sa fierté et sa peur
et les bêtes qu'il a cru pouvoir dominer.
Il va avaler l'homme nu avec ses constructions de paille,
et les recouvrir d'un sombre maléfice.

L'île tourne, inlassable, entraînant l'archipel.
C'est une terre qui s'en va, un navire trop lourd
qui sombre lentement ;
bousculée, enlacée par ces bras assassins,
c'est la prisonnière éperdue d'une valse effrénée.
Ses sœurs lui font cortège,
et les étoiles qui scintillent au soleil de minuit
strient le ciel d'un vertige terrible.

Au matin, le soleil s'est levé sur les décombres d'un rêve.
Le massif verdoyant, découpé en langues arrondies,
ouvert par la saillie d'une longue cascade d'argent, est grandiose.

La paix qui s'était endormie tout au fond des vallées,
A redonné aux hommes la force et le courage guerriers,
et aux femmes, la grâce et la franchise
des regards propres aux insulaires.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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